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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

De la part de la princesse morte de Kénizé Mourad

 

Paru en 1987, ce roman fascinant a reçu le "Grand prix des lectrices de Elle" en 1988...

J'ai profité des vacances pour faire une relecture de ce superbe roman à la fois biographie, roman et documentaire historique et sociologique.

 

 

 

Ce roman est parue depuis le début de l'année 2013 en version abrégée et en deux volumes pour les ados à partir de 12 ans.

 

 

 

L'histoire

 

Selma Raouf Bey, née en 1911, est la dernière princesse Ottomane. En effet, c'est, par sa mère, la petite fille du sultan Mourad V. Elle aurait pu être sultane...mais l'Histoire en a décidé autrement.

 

Quand le récit débute, Selma vit à Istambul, avec ses parents, Hatidjé sultane et Haïri Raouf Bey, et son frère, Haïri (il a reçu par tradition le même prénom que son père).  Selma est une enfant vive et rieuse,  avide de tout comprendre, joueuse et pleine d'imagination. Elle se laisse facilement emporter par ses jeux et oublie alors convenance et tradition. Mais cette petite fille au caractère bien trempé cache beaucoup de sensibilité et un manque total de confiance en elle.

 

Malgré son enfance dorée dans les palais turcs, elle se révolte contre la misère et rêve de voyager surtout vers l'Europe car elle admire tout dans l'occident : les vêtements, les bijoux, les coutumes, la liberté des femmes.

 

Elle est également en adoration devant sa mère qu'elle trouve parfaite et qui est très belle...Selma aime aussi d'un amour sans bornes son père. Mais souvent elle se sent seule, mal aimée et aimerait qu'on s'occupe d'elle davantage et que ses parents lui montrent plus  d'affection...mais les épanchements ne sont pas tolérés à la cour.

 

A la fin de la première guerre mondiale, les puissances européennes détrônent le dernier sultan : le sultanat est définitivement aboli. Le général Mustafa Kemal (Atatürk) prend le pouvoir...et condamne la famille ottomane à un douloureux exil.

 

Hatidjé sultane est obligée de  partir au Liban (persuadée que son peuple va la rappeler). Mais l'univers de Selma s'écroule quand elle comprend que son père ne se joindra pas à eux. En effet les maris des sultanes (les cadines) ne sont pas obligés de les suivre. Selma, le coeur brisé, sans nouvelle de celui qui, croit-elle, les a abandonné, va être obligée de s'adapter à l'école, où elle découvre le racisme, la violence et l'isolement, mais aussi l'amitié. Elle n'a que 7 ans.

 

Devenue adolescente, dans la Beyrouth libre qui est alors sous mandat français, elle trouve un peu de joie à sortir du cocon familial trop étouffant et tombe amoureuse mais, déçue, elle finit par accepter d'épouser  Amir, le radjah de Badalpour, qu'elle ne connaît pas.

 

Elle part donc pour les Indes et quitte sa mère...pour s'installer à Lucknow. Là-bas, elle va aller de surprise en surprise car la vie est si différente  de la  Turquie et encore plus du Liban. Malgré le faste retrouvé, son prince indien n'est pas du tout à la hauteur de ses attentes. Les traditions sont encore plus présentes et étouffantes dans ces familles musulmanes indiennes.  Selma a du mal à s'intégrer à la famille, à communiquer et à être comprise, même par ses servantes. Elle trouve cependant un apaisement à s'occuper des autres mais là encore elle reste pour tous "l'étrangère".

 

Enfin, les événements l'obligent à quitter les Indes : l'empire britannique vit ses derniers jours et la violence entre groupes indépendantistes hindous et musulmans est partout. Elle demande à Amir d'aller accoucher, pour sa sécurité et celle de l'enfant  à Paris. Amir accepte mais, ce qu'Amir ne sait pas, c'est qu'elle ne reviendra jamais.

 

A Paris l'attendent la liberté, l'amour mais aussi la guerre...et,  surtout son tragique destin.

 

Ce que j'en pense

 

L'auteur de ce roman est la propre fille de Selma, journaliste et écrivaine connue en Europe, née à Paris en 1940. Elle raconte sa vie à elle dans la suite du roman intitulé "Les jardins de Badalpour" que je n'ai pas encore lu.  Elle a vécu dans un orphelinat avant de retrouver, à 20 ans, son père. Découvrant qui elle était, elle a cherché à retrouver ses racines et c'est alors qu'elle a voulu reconstruire la vie de sa mère, la petite princesse turque...

 

C'est un roman très émouvant qu'on a du mal à lâcher tant il est prenant. Les personnages sont chacun, pour des raisons très différentes, très attachants...Les détails sociologiques ou politiques sont faciles à comprendre. Et malgré le nombre de pages, il n'y a pas de longueur, l'histoire alternant les moments heureux et malheureux sans tomber dans le pathos, les descriptions des paysages, des personnages, des lieux, des événements historiques...

 

Parmi les personnages du roman on retiendra Selma, bien sûr, même si on sait que l'auteur a reconstitué son histoire. C'est une femme très volontaire prête à se battre contre les injustices et la cause des femmes. Le lecteur est de tout coeur avec elle et ne peut que comprendre qu'après avoir vécu une enfance dorée à la cour ottomane en Turquie et une adolescence quasi "libre" au Liban, elle ait refusé de porter le voile, de se soumettre aux traditions musulmanes, puis qu'elle ait voulu retrouver sa liberté en quittant les Indes pour Paris. On ne peut qu'être touchée par son tragique destin et on reste là avec l'impression d'un terrible gâchis.

 

Zeynel, l'eunuque fidèle et protecteur qui rêve d'être son père car il a toujours adoré Hatidjé sultane...nous en apprend davantage sur la vie des eunuques et leurs immenses pouvoirs dans la société ottomane de l'époque.

 

Hatidjé sultane, est ce que l'on pourrait appeler, une maîtresse femme. Sa témérité est tout à fait respectable. Elle a du mal à accepter la fin de l'empire après s'être battue avec courage et volonté  pour le conserver, mais aussi pour aimer et comprendre son peuple.  Elle éduque ses enfants avec sévérité et selon les traditions de l'empire. Mais elle les aime aussi énormément car elle fait tout pour eux et leur bonheur, même si  elle ne doit pas le montrer...

 

La vie des femmes dans le harem est superbement décrite. Le lecteur imagine sans problème l'ambiance : les odeurs, les couleurs, les rires mais aussi les passions qui s'y déchainent  et ne peut qu'être fasciné par le pouvoir incroyable de ces femmes qui semblent prisonnières mais qui, en cachette, gèrent tout avec patience et détermination.

 

A lire absolument !

 

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