Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Ma vie était un fusil chargé / Marie Gillet

Editions l'Harmattan / Les Impliqués, 2024

Editions l'Harmattan / Les Impliqués, 2024

Penser, parler, agir ne pouvaient se faire qu'avec violence dans le monde qui était le mien. Plus j'étais dure avec moi-même, plus je me sentais fidèle à mon pauvre Papa et les siens qui étaient durs avec eux-mêmes, avec moi-même et avec quiconque s'approchait d'eux, de près ou de loin car le plus important, c'était d'être à la hauteur. Leur hauteur...

Dans ce récit au titre et sous-titre évocateurs Marie Gillet, que nous sommes nombreux à connaître (voir son blog ICI), nous invite à la suivre pour découvrir quelques-unes des lectures qui l'ont aidée à guérir des blessures de son enfance et à trouver son propre chemin. 

Marie Gillet commence son récit en nous parlant tout d'abord de sa mère et à travers ce qu'elle nous dit, le lecteur devine très vite l'ambiance particulière qui régnait dans la famille. La mère dit sans cesse à qui veut bien l'entendre qu'elle n'aime pas lire. La petite Marie pense que c'est parce qu'elle aime bouger, parler, s'amuser...qu'elle ne peut aimer lire car pour lire, vous le savez,  il faut rester assis, immobile et concentré.  

La mère en fait, ne veut surtout pas lire et vous comprendrez pourquoi en lisant le récit. Elle répète à qui veut bien l'entendre : "Oh ! Moi, tu sais, lire...Non non non ! Non non ! Non non." En disant cela, elle s'oppose à tous les membres de la famille qui eux passent presque tout leur temps libre avec un livre à la main. Le père, un homme violent et tyrannique, pourtant intelligent et héros de la dernière guerre, ne cesse de se moquer de sa femme, de l'humilier en public, et de la diminuer intellectuellement aux yeux de tous. Par instinct de conservation, tous les membres de la famille, y compris la petite fille, abondent dans le sens du père qui a toujours raison et le fait savoir haut et fort. Marie comprendra beaucoup plus tard son erreur.

La petite fille ne trouve pas sa place dans cette famille qui ne s'occupe jamais d'elle. On ne lui demande jamais son avis, et surtout, elle se sent de trop, elle, dont personne ne voulait. Elle doit rester tranquille, parfois même, elle est tellement sage qu'on l'oublie à la maison, qu'on l'enferme à clé et de toute manière si elle ne veut pas être grondée ou moquée à son tour, elle se doit d'être la plus invisible possible. Par mimétisme au départ, elle découvre les livres d'images. Elle leur parle car ils sont ses amis, console ceux qu'il faut rendre au marchand de livres d'occasion, puis découvre les lettres qui composent le texte sans encore pouvoir les nommer. Elle va leur inventer un sens, une vie propre et sera elle aussi moquée parce qu'elle fait semblant de lire. Plus tard bien entendu, l'entrée au CP changera sa vision du monde comme c'est le cas pour beaucoup d'enfants. Mais là encore quand elle dit qu'elle sait lire, quand la maîtresse la félicite, elle devient l'objet de moqueries à la maison. Alors elle va s'isoler encore chaque jour davantage, se plonger dans les livres, y compris dans le dictionnaire que lui donne la maîtresse pour l'occuper car elle a toujours fini avant les autres, puis se mettra à lire tout ce qui lui tombe sous la main. 

C'est ainsi qu'elle va rencontrer les "livres- chevaliers". Ces livres qui nous poursuivent au fil de notre vie, se déplacent parfois tout seuls pour se trouver sur notre chemin, tombent de la bibliothèque, se retrouvent sur la table du libraire ou de la médiathèque, parce qu'ils veulent être lus parfois même relus plusieurs fois, parce qu'ils ont des choses à nous dire, des choses à nous apprendre que nous ne sommes pas encore capables de voir ou de comprendre par nous-mêmes tout seuls, parce qu'ils sont là pour réparer ce qui va mal en nous, pour changer notre vision du monde.

Ces livres qui l'ont sauvée, chacun pour différentes raisons et à un certain moment de sa vie, elle va nous en parler, décrire leur rencontre, ce qui l'a aidée lors des multiples lectures qu'elle a pu en faire au cours de sa vie.  Ce sont dans l'ordre de leur apparition dans le récit : "le Journal d’Anne Frank", "Souvenirs pieux" de Marguerite Yourcenar, "Une année à la campagne" de Sue Hubbell, "Le silence de la mer" de Vercors et "Le Comte de Monte-Cristo" d’Alexandre Dumas. Mais d'eux bien entendu, je ne vous dirai rien de plus pour vous laisser le plaisir de la découverte. 

Il [le livre-chevalier] nous fait comprendre qu'on s'est trompé de chemin, volontairement ou non, en nous mettant face à nous-mêmes, autant dans ce que nous avons de bien que dans ce que nous avons de pathétique et d'orgueilleux. Et il ne s'arrête pas là : il propose une issue. Il nous aide à changer. Il nous guide le temps qu'il faut pour trouver ce qui nous est fondamental afin que nous fassions les choix qui nous concernent nous et que nous ayons la force de vivre en toute liberté. Il nous fait aimer le monde en dépit de ce qu'il est parfois cruel. Il finit par nous faire voir comme le monde est beau.

Il me fallut des décennies pour me poser la question de savoir comment il avait bien pu se faire que ma naissance n'ait jamais pu être considérée comme un espoir mais comme une erreur et qu'elle n'ait jamais donné lieu, à la moindre joie...

Malgré son enfance douloureuse, Marie Gillet dans ce récit nous montre à quel point la lecture l'a aidée à se libérer. Elle dédie son livre à sa mère à qui elle aurait tant aimé l'offrir pour qu'elle le lise, car elle le sait aujourd'hui sa mère était une femme intelligente, elle avait fait des études, elle savait lire et aurait pu aimer lire elle aussi, si elle n'avait pas vécu sous la domination de son mari. 

Grâce à ces livres, qu'elle appelle donc de manière très poétique, des "livres -chevaliers", Marie Gillet a compris qu'elle avait le droit de dire non, de sortir de l'emprise familiale et des relations toxiques, de cesser de rechercher l'intérêt et l'amour de celui qui ne voulait pas, mais surtout ne pouvait pas les lui donner, car lui-même son "pauvre Papa" comme elle l'appelle tout au long du récit, n'en avait jamais reçu. Elle a pu heureusement se réconcilier avec sa mère avant sa mort et pardonner à son père.  

C'est grâce aux livres, qu'elle a découvert qu'un autre monde existait, qu'une autre relation pouvait aussi se créer entre deux personnes, autre que la violence psychologique, le mépris, l'indifférence et qu'il était possible d'aimer.

Les livres lui ont montré le chemin, lui ont permis de garder une certaine espérance dans les moments de découragement. Elle a recherché au fond d'elle-même le courage nécessaire pour se battre et décharger "son fusil" pour laisser enfin de côté toute cette violence, cette agressivité qu'elle portait en elle, et trouver enfin la paix et pardonner. 

C'est, vous vous en doutez, un témoignage fort et bouleversant. J'ai beaucoup aimé retrouver cette sensibilité propre à l'autrice dont ses écrits ne se départissent jamais, mais aussi la simplicité avec laquelle elle témoigne de son parcours de vie et de ce qu'elle a subi, s'exprimant toujours avec une certaine pudeur et même  avec un certain détachement, ce qui rend ses propos encore plus touchants. J'aime aussi l'immense tendresse avec laquelle elle nous parle de cette petite fille qui ne demandait qu'à être aimée...mais qui a su, malgré les souffrances de son enfance, conserver vivante son imagination et sa capacité à s'émerveiller.

Bien que cela n'apparaisse que très exceptionnellement dans ses écrits, Marie dit dans son interview qu'elle est très croyante et qu'elle pense que c'est le seigneur qui a mis toutes ses belles personnes (réelles ou imaginaires) sur son chemin.

Vous pouvez aller lire sur mes blogs amis, les avis de Tania ICI, Andrée ICI, Keisha ICI, Pahi ICI, et autres à venir je n'en doute pas un instant.

Et bien entendu, je vous invite à aller écouter l'interview en cliquant sur le lien ci-dessous et à vous interroger sur vos propres livres- chevaliers. 

De Marie Gillet sur mon blog, vous trouverez :

- Journal d'une seconde vie, présenté ICI,

- Nous, présenté ICI,

- Aussitôt  que la vie. Listes de la colline et au-delà, présenté ICI .

C'est donc le quatrième livre que je lis de cette écrivaine de ma région que je vous invite à découvrir sans tarder, si ce n'est pas déjà fait. 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Quelle enfance ! Mais contente de lire qu'elle a pu se réconcilier avec maman et pardonner à son père. <br /> C'est difficile les relations avec les parents surtout dans le temps d'avant. Y a tellement de non-dits, de secrets de famille. <br /> Et au milieu de tout ça comme souvent, les livres qui nous sauvent, qui nous délivrent. <br /> Tu m'as donné envie de découvrir l'auteur et son blog.<br /> Merci pour le partage.<br /> Bon week end à toi !<br /> Bises
Répondre
P
Bonjour Manou,<br /> Tu sais très bien mettre à l'honneur Marie et elle le mérite.<br /> J'ai lu "Aussitôt que la vie" et je suis sur son blog depuis 12 ans. J 'ai entendu car elle m'avait envoyé le lien.<br /> Marie est une belle personne avec une grande sensibilité mais aussi avec une grande force.<br /> Douce journée Manou. Bises
Répondre
A
Aujourd'hui aimer lire est souvent incompris , pas toujours bien interprété. Et ce qui l'unité à mon mari, entre autres est l'amour de la lecture. Merci pour ce très bel éloge au livre de Marie. Ses livres ont toujours beaucoup de grâce. Bises
Répondre
A
Le correcteur n'en fait qu'à sa tête grrrrr
A
Et ce qui l'unité à mon mari.. et non le charabia du correcteur automatique. Bises
C
Marie mérite bien cette mise à l'honneur.
Répondre
C
Une belle thérapie, sans doute à mettre dans les mains de ceux qui sont "allergiques" à la lecture<br /> belle journée, avec un mistral au ralenti
Répondre
M
Un livre à decouvrir... dès que j'ai su lire, les livres ne m'ont pas lâché...je me cachais dans le grenier l'été pour lire, maman me faisait descendre pour que j'aille dehors où je lisais à l'ombre ...pendant mes deux annees à Berck pus en montagne , les livres ont ete mon échappatoire... merci les livres...je continue de lire chaque jour.. en avril j'ai lu Robin des bois adapté parR. THEVENIN , Alice au pays des merveilles de Lewiw Caroll, l'enfant de Noé d'Eric Emmanuel Schmitt, le relais d'Alsace de Georges Simenon ... belles lectures Manou et continue de partager avec nous...belle journée bisous
Répondre
G
Intéressant, merci pour la recommandation
Répondre
P
Voilà un livre que j'ai déjà rencontré à plusieurs reprises. Il se pourrait bien que je le lise un jour...
Répondre
M
J'ai lu "nous" de Marie Gillet et tu me donnes envie de connaître son nouveau livre
Répondre
T
J'ai longtemps pensé que la lecture assidue pouvait développer l'empathie, mais ce n'est pas le cas dans cette famille - à l'exception de Marie, bien sûr. Ta présentation de ce livre correspond parfaitement à ce que j'en retiens. Merci pour le lien, Manou.
Répondre
B
Je te remercie pour le conseil de ce livre. Ta chronique est excellente et tu me donnes envie de lire ce livre malgré ma PAL qui déborde... Je le note. Là, tu rends également un bel hommage à la lecture et tous ses bienfaits.<br /> Je te souhaite une agréable fin de journée.<br /> Bisous.<br /> Bernadette.
Répondre
L
J'avais déj
Répondre
L
décidément les coms partent plus vite que je ne le voudrais . je dois appuyer sans le voir sur une mauvaise touche .<br /> <br /> Je pense que ce livre m'intéresserait. mais pas en ce moment .... Bonne journée
L
Un récit qui fait aussi écho .......les livres ces supers compagnons, quand on doit se taire se faire oblier, ne pas se faire remarquer , être l'enf
S
Bonsoir Manou, un histoire touchante, très intéressante, je ne sais pas si j'ai des " livres chevaliers ", mais plutôt de la " musique chevalière " pour moi, cette écrivaine est une survivante, je vais aller voir son blog! Merci pour la découverte, bises
Répondre
R
Je découvre et cette auteure et son blog alors merci Manou. Bonne journée bises
Répondre
J
Bonjour Manou, oh ! encore un bon livre ! Merci pour tes billets qui sont pour moi de solides recommandations ! "Ma vie était un fusil chargé " quel joli titre de Marie Gillet : allez ! Une fois "la vie devant soi" d'Emile Ajar, enfin, Romain Gary terminé , je vais le dévorer .
Répondre
M
Bonjour Manou,<br /> Une dévoreuse de livres comme moi peut comprendre...<br /> Bisous.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
Répondre
E
Bonjour Manou. Je n'ai pas lu ses romans mais je connais son blog. J'ai moi aussi des livres qui m'ont guidée. Bisous
Répondre
V
il a l'air beau ce livre, et j'aime bien l'idée de ces livres chevaliers! gros bisous Manou. cathy
Répondre
F
Coucou ma douce Manou,<br /> Juste un petit mot pour te dire que j'ai commandé le livre<br /> Belle journée<br /> Gros bisous !<br /> Floralie
Répondre
B
Il est certain, en tout cas j'en suis convaincu, que la lecture apporte la liberté.
Répondre