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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Les guerriers de l'hiver / Olivier Norek

Michel Lafon, 2024

Michel Lafon, 2024

L'heure n'était plus aux doutes et aux hésitations, et les soldats se déversèrent dans les rues, annonçant l'entrée en guerre de la Finlande et donnant l'ordre de ne prendre que l'essentiel pour évacuer.
Les habitants avaient à peine pu sauver leurs chevaux, un peu de nourriture et quelques photos de famille gardées dans leurs poches avant de quitter leurs demeures...

Le Sisu est l'âme de la Finlande. L'état d'esprit d'un peuple qui vit dans une nature sauvage, par un froid mordant, avec un ensoleillement rare. Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d'une acier qui résiste aujourd'hui. Je te dirais que cela parle aussi de leur courage, mais il manquerait encore beaucoup de mots...Il faudrait y ajouter l'obstination, le cran, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination, la volonté...
- Voilà une armée qui doit être bien complexe à diriger.

Un peu d'histoire...

Alors que la Seconde Guerre mondiale est proche, Staline cherche à sécuriser ses frontières.  L’échec des négociations entre les Soviétiques et les Finlandais, pour la création d’une zone tampon en vue de protéger la ville de Leningrad d’une éventuelle attaque du Troisième Reich, le décide à envahir la Finlande. L'opération qui ne devait durer que quelques jours durera plus de trois mois.  Durant l'hiver 1939-1940, un hiver particulièrement glacial, se déroulera donc une guerre parmi la plus meurtrière de l'histoire de l'Europe : la Guerre d'Hiver. 

Cette guerre oubliée qui a opposé les finlandais au géant soviétique a provoqué de terribles pertes des deux côtés : 70 000 hommes côté finlandais mais encore davantage, 400 000 hommes, côté soviétique.

Les finlandais sont pourtant moins nombreux car la Finlande est un tout petit pays, mais ils vont trouver l'énergie pour se battre et sauvegarder leur indépendance récemment acquise. 

L'armée finlandaise a de son côté la connaissance du pays, l'habitude du froid polaire, et la stratégie. Les jeunes ont été recrutés, village par village, afin que dans une même unité, ils se connaissent tous et se battent plus fort pour protéger leurs "frères d'armes". Ils sont sous-équipés en matériels militaires et ne tarderont pas à récupérer armes et munitions à même les corps des soldats russes tombés au combat. 

Les soldats russes, sont eux aussi tous des gamins, mais de simples numéros remplacés, aussitôt morts sur le champ de bataille, laissés sur place sans sépultures, mal équipés et mal nourris malgré toute l'artillerie supérieure à celle des finlandais. Ces jeunes ne sont pas de vrais soldats. Ils sont venus de tous les coins de Russie et font partie des minorités ethniques. Ils n'ont aucune préparation militaire, ne parlent pas la même langue et ont du mal à se trouver des frères d'armes. Ils sont donc particulièrement démunis et isolés, seuls dans ces conditions de vie éprouvantes et inhumaines.  

C'est la guerre et des deux côtés, il y a des gradés qui ne pensent qu'à tuer et ne cherchent pas à protéger leurs hommes. Tous obéissent à des ordres et sont soumis à leur hiérarchie, une hiérarchie parfois totalement irresponsable. Et à cela se rajoute des promesse non tenues, émises par certains pays d'Europe dont la France...

Le roman qui souvent ressemble à un récit, tant il entre dans les détails, met en avant ce contexte géopolitique particulier et un personnage qui a réellement existé : c'est Simo Häyhä. Vous trouverez facilement sa biographie et ses faits d'arme sur internet. Depuis son jeune âge, Simo a l'habitude de chasser, non pas pour tuer, mais pour aider sa famille à se nourrir. Il a appris à bien viser afin d'éloigner les prédateurs et de défendre les animaux de la ferme familiale. 

Dès le départ, ses supérieurs comprennent qu'il a un don et décide de le mettre en première ligne en tant que tireur d'élite. De plus, Simo sait interpréter tous les signes trouvés sur les lieux, pour repérer les tireurs ennemis embusqués, se cacher dans les éléments et se  protéger pour survivre en pleine nature. Sa petite taille et sa résistance personnelle, lui permettent de mieux résister au froid intense. 

Tous ces éléments ainsi que son adresse, sa précision et sa rapidité font très vite de lui un snipper renommé.

De plus, le nombre de soldats soviétiques qu'il est capable de tuer en une journée est tel, que très vite, les soldats russes ne tardent pas à être terrorisés par sa présence sur le front. Ils le croient immortel et le surnomment "la Mort blanche".

Le roman restitue avec minutie et un grand souci des détails, les combats qui vont sans relâche opposer les troupes finlandaises aux troupes russes et cela sur deux fronts principaux : sur la ligne de Mannerheim sur l'isthme de Carélie, et sur le front de Kollaa.

Aux côtés de Simo, le lecteur fait connaissance avec ses compagnons d'armes, tous au départ issus de Rautjärvi, le même village que lui et tous issus d'un milieu paysan. Et puis il y a ceux qui font partie du même régiment, ou ceux qu'il va rencontrer au fil de l'histoire. On suit aussi la vie des Lotta, ces femmes qui aidaient à l'infirmerie et à l'intendance comme Leena, (ou ravaudaient les uniformes usagés). 

On découvre aussi leur capitaine, le terrible Aarne Juutilainen, un ex légionnaire un peu trop porté sur la boisson, qui a été surnommé après son passage dans la légion étrangère, l'Horreur du Maroc.

Les chapitres sont courts et s'enchainent tout en développant l'un ou l'autre des aspects de cette guerre. Le lecteur pénètre au cœur des combats, assiste à des discussions pour déterminer l'opportunité de telle ou telle stratégie, découvre les embuscades et autres astuces mises en place pour tromper l'ennemi. On assiste à des débats des deux côtés de la ligne de front. Du côté russe, les supérieurs tremblent de peur à l'idée de ne pas faire ce qui est attendu par Staline, cela perturbe leur discernement... 

Mais surtout ce qui est intéressant plus qu'entrer dans les détails de cette guerre, c'est d'entrer dans le cœur des hommes. La plongée dans l'état d'esprit de ces soldats est terrible car, à leur histoire personnelle se mêle la guerre, et elle les transformera à jamais...

Des soldats à qui l'on avait promis un conflit rapide et facile venaient de perdre la vie sur une terre dont ils n'avaient que faire, dans un pays que le Kremlin avait hissé au rang d'ennemi à force de propagande et contre lequel ils n'avaient aucun ressentiment à peine une semaine plus tôt, car ce n'était pas une nation entière qui avait déclaré la guerre, mais un seul homme qui en avait décidé.

Lorsque Simo priait, il ne demandait au ciel qu'une seule chose. Qu'à chaque soir en rentrant dans la tente, le compte de ses amis soit toujours exact. Onni...Pietari...et Toivo, l'ami de toujours. Mais ce soir-là il y trouva Leena, car l'un d'eux n'était plus. Et c'est elle qui leur donna le courage nécessaire. Elle leur prit la main, l'un après l'autre, et les força à se lever...
Là, sur des draps gorgés de sang, gisait Toivo...

Simo pensait avoir eu une sale journée. Il comprit alors qu'à la guerre, le pire n'était pas de mourir, car à la guerre, la peur de mourir n'est jamais plus forte que celle de voir mourir les siens.

La coïncidence a voulu qu'alors que j'étais en train de lire "Les bûcherons" présenté ICI, ce roman d'Olivier Norek que j'avais réservé à la médiathèque au mois d'octobre dernier, soit enfin disponible (comme vous le voyez je suis très patiente). J'ai donc abordé ces deux romans sur le même sujet l'un après l'autre...moi qui n'avais aucun souvenir d'avoir entendu un jour parler de la Guerre d'Hiver et qui de plus avait envie de me changer les idées, vue l'actualité ! 

J'aime beaucoup Olivier Norek qui écrit habituellement des romans policiers traitant souvent de sujets difficiles. 

De cet auteur, vous trouverez d'ailleurs sur le blog :

- Surface, présenté ICI sur le blog.

- Entre deux mondes, présenté ICI sur le blog. 

- Impact, présenté ICI sur le blog. 

Je lis rarement des romans historiques et je voulais voir comment l'auteur allait passer d'un genre littéraire à l'autre. 

Le début du roman met un peu de temps à se mettre en place, car l'auteur présente les différents protagonistes. Je me suis un peu perdue dans les noms et puis une fois le repérage effectué et grâce aux têtes de chapitres, la lecture devient plus aisée. Mais j'ai trouvé tout de même quelques longueurs et je me suis parfois un peu perdue dans les détails techniques. Ce n'est pas une découverte pour moi : je n'aime pas les récits (ou les films ) de guerre.

Mais...

Cela se voit que l'auteur a passé du temps (=trois mois) à se documenter sur cette guerre, le conflit en lui-même, mais surtout sur  Simo Häyhä, le personnage central du roman qui a réellement existé tout comme la plupart des personnages décrits dans ce romanIl s'est également documenté longuement sur  les snipers en général et leur technique de tir. Pour cela, il s'est rendu en Finlande pour consulter les archives de cette terrible guerre dont on ne parle pas dans nos livres d'histoire. 

Il a regardé de près la vie de ses personnages. En nous permettant d'entrer au cœur de leur vie quotidienne sur le front, il les rend plus humains. Mais, en regardant ce qu'a été leur vie aujourd'hui on peut s'interroger sur les conséquences d'une telle guerre et se demander... Qu'est-il resté de leur humanité quand ils ont eu comme devoir de tuer pour tuer, de tuer pour sauver leur frère, ceux qu'ils connaissent depuis l'enfance, ceux dont ils connaissent les parents, la famille ?

C'est donc avec beaucoup d'humanité qu'Oliver Norek nous fait pénétrer au cœur des champs de bataille, dans les forêts ou les tranchées ou bien au camp de base, à l'infirmerie, dans les tentes où les soldats prennent un peu de repos au milieu de leurs nuits peuplées de cauchemars.  En faisant ainsi, en axant son propos sur l'amitié qui unit les hommes, il redonne à tous ces soldats un visage humain. Le récit de leur vie quotidienne, des liens qui les unissent, des anecdotes et de leurs actes de bravoures, est très émouvant. L'auteur sait parfaitement nous transmettre leurs émotions.

Certaines scènes sont abominables et terriblement choquantes comme ces charniers, ces champs de soldats russes morts que leurs compatriotes ont l'ordre d'abandonner car pris par les glaces et qui n'auront, même après la guerre, aucune sépulture décente. Mais ce sont des descriptions nécessaires pour comprendre toute l'horreur de cette guerre là. La guerre les oblige à avancer coûte que coûte sous peine de mourir tués ou congelés sur place (au plein sens du terme). 

Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est que l'auteur se contente d'exposer des faits, il ne prend pas partie, il ne cherche pas la polémique. Il parle de faits mais montre aussi que l'issue de cette guerre a modifié le cours de la Seconde Guerre mondiale en détournant Hitler de l'Europe de l'Ouest pour le focaliser sur la Russie...

L'auteur dans un interview dit que ce qu'il  a eu envie d'écrire, "c'est l'histoire de ces gamins de Finlande que rien ne prédestinait à aller tuer des gens, ou à faire la guerre, ou à tirer sur l'ennemi. Et qui sont, par leur fraternité, par leur courage, devenus des héros et qui se sont battus tant et tant que, même s'ils ont perdu cette guerre d'hiver, la victoire de Staline a été honteuse et la défaite de la Finlande a été le ciment de la nation."

Tout est vrai dans ce roman : les faits, les personnages, les batailles entre soldats russes et soldats finlandais. L'auteur rend hommage à ces combattants du siècle dernier, démunis mais courageux tous devenus des héros à leur façon même si la plupart sont restés des inconnus. 

A tout cela se rajoute des descriptions de la nature époustouflantes de beauté et de poésie ce qui contraste avec l'horreur de la guerre et la couleur du sang sur la neige. Le lecteur est immergé dans la froideur de cet hiver là où les températures ont chuté jusqu'à - 50°...

Le livre est complété par des photos des principaux personnages, une cartographie montrant l'emplacement des deux principaux fronts et une bibliographie pour les passionnés d'histoire. 

Lire l'avis d'Alex ICI, de Sandrine ICI, Dasola ICI, et j'en oublie sans doute, ce sont elles qui m'ont donné envie de découvrir ce roman historique écrit par Olivier Norek. 

La vengeance ne répare rien, ne ressuscite personne, elle remplit le vide de l'absence, elle donne un but pour ne pas sombrer, elle retient la tristesse et la colère, et une fois assouvie, elle libère tout un flot dévastateur, sans que rien n'ait vraiment changé.

Quel homme normal aurait supporté cette horreur ? Les traumas créent aussi leurs propres défenses. Des cécités pour ne plus jamais voir. Des mutismes, pour ne pas en parler. Des amnésies, pour ne plus se souvenir.
- Ne plus se souvenir, répéta l'infirmier. Peut-être ont-ils plus de chance que je ne le pensais...

- Seigneur, commença-t-il. Donne-moi la force de viser juste. Accompagne la parabole de mes balles pour qu'elles touchent les démons qui envahissent notre pays. Malgré la peur, malgré le froid, que jamais je n'oublie les paroles de Simo, le plus valeureux de tes fils. Ne change jamais le fusil que tu connais et qui te convient, tant qu'il n'est pas cassé. De la cendre sur ton canon, du pain et du sucre dans ta poche. Embrasse ceux que tu aimes, ton retour n'est pas écrit...
Aucun des conseils ne fut oublié. Chacun d'eux mis l'un à la suite de l'autre. Ainsi naquit la prière du sniper.

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C
je ne suis pas tentée, le sujet et historique j'évite, mais j'ai lu plusieurs livres d'Olivier Norek en polar et bien aimé<br /> belle journée<br /> bisous<br /> patricia
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D
Pas entendu parler non plus de cette guerre .Je vais voir ce que j'ai sur ce sujet qui m'intéresse .<br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> Bises
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G
Il tourne dans mon groupe de lecture et je le lirais sûrement. Le parallèle entre cette guerre et celle actuelle de l'Ukraine est frappante.
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M
j'aime bien Norek, j'ai tout lu jusqu'à maintenant en général je les achète en poche. Cette histoire résonne beaucoup dans ma tête avec ce que nous vivons actuellement. Staline a fait des émules !!! j'ai lu ceux dont tu parles. "Impact" m'a vraiment touché, tout le monde devrait le lire.<br /> passes une bonne semaine bisousbisous
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D
Bonjour Manou, un très bon livre sur une période que personnellement j'ignorais. Et je trouve que les événements décrits résonnent malheureusement avec ce qui se passe aujourd'hui. Bon après-midi.
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R
Bonjour Manou merci pour ton article passionnant sur les guerriers de l'hiver d'olivier norek la profondeur de ton analyse historique et les détails sur les personnages sont fascinants je suis particulièrement intrigué par la figure de simo häyhä hâte de lire d'autres de tes découvertes littéraires bisous.
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S
Je vois que certains l'ont audiolu. Pour ce genre de roman (historique et décrivant la nature) ça peut très bien me convenir.
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F
Je vais finir par me laisser tenter, je sens... Mais bon, comme Keisha, je vais attendre le moment opportun. Déjà laisser passer cette vague de froid qui semble vouloir déborder sur le printemps, histoire de ne pas en rajouter une couche sur le froid évoqué dans le livre.^^
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P
Un livre que j'ai adoré malgré le sujet plutôt anxiogène en ce moment et que je ne suis pas prêt d'oublier. <br /> Pareil pour "Impact" ou pour "Entre deux mondes".
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A
Nous l'avons écouté en audio livre dans notre voiture. Nous apprenons beaucoup de choses sur la Russie de cette époque. Le courage d s soldats finlandais nettement moins nombreux que les Russes. Bises
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G
Dans mes projets aussi depuis septembre, parce que comme toi, j'aime bien Norek et voudrais voir comment il passe dans le roman historique. Je l'ai depuis peu dans ma PAL audio, mais vu ce que tu dis sur le début, les noms, le langage technique, je ne sais pas si cela sera le format de lecture idéal...
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D
Clin d'oeil entre tes lectures avec le même thème abordé de la guerre d'Hiver. Ton avis, tout comme celui de Dasola, donnent envie de tenter ce roman bien documenté.
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T
Un auteur à découvrir, de quoi allonger la liste.
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M
Bonjour Manou,<br /> j'ai ce livre sur ma liseuse, il ne me reste plus qu'à le lire...<br /> Bisous.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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M
La guerre si injuste, si tragique, et en ce moment eux aussi doivent s'en souvenir dans ces pays proches de la Russie...<br /> Wait and see Manou
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D
j'ai aimé ce roman que j'ai trouvé intéressant mais le battage médiatique était tel que du coup j'ai été un peu déçue
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C
bonjour<br /> comme toi je n'avais pas entendu parler de cette guerre ! pas trop ma tasse de thé ce type de lecture mais ma nièce adorerait<br /> bonne journée
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A
Une lecture instructive, très factuelle, tu as raison.
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L
Je ne pense pas que ce livre me plairait : le thème déjà, le fait que ce soit un roman historique et puis, je crois qu'en ce moment il suffit d'allumer la TV pour y être.<br /> <br /> Bonne après-midi.<br /> Lavandine
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C
que de similitude avec les temps présents ... <br /> je viens de terminer un livre du genre : "Le chant du prophète" de Paul Lynch<br /> j'hésite à en faire un article sur mon blog ... tant c'est dur de faire coïncider le roman et l'actualité ...<br /> je verrai<br /> amitié .
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