Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Une des choses que je préfère, c'est me réveiller en douceur dans un lit que je ne suis pas obligé de quitter, puis je pense aux arbres, ceux que j'ai abattus et ceux que je vais abattre, si j'ai cette chance, je pense à tous les troncs que j'ai marqués, droits et étincelants, et qui me remplissent d'excitation et d'espoir. Mais, surtout, je suis bouleversé par tous les arbres que je ne couperai pas, que je laisserai tranquilles, tous ceux que je n'aurai pas le temps de traiter, je pense à la forêt qui s'étend dans toutes les directions, que je parcours en tous sens comme un animal affolé incapable de trouver une issue...
Voilà un roman dont j'ai très peu entendu parler alors qu'il relate une période de l'histoire de l'Europe qui m'était totalement inconnue : la guerre d'Hiver qui a opposé les troupes finlandaises à celles de l'URSS entre décembre 1939 et janvier 1940. C'est parce que la Finlande s'est battue que le pays a pu conserver son indépendance.
L'histoire débute à ce moment là, le 7 décembre 1939, dans le village de Suomussalmi. Les troupes finlandaises font évacuer les quatre mille habitants, avant d'incendier le village, afin que les Soviétiques n'y trouvent plus rien en arrivant, aucun refuge, ni nourriture.
Seul Timmo Vatanen, un bûcheron du coin, considéré comme le simplet du village refuse catégoriquement de le quitter.
Ce roman est l'histoire de sa survie.
A l'arrivée des troupes russes, Timmo est interrogé puis fait prisonnier. Il explique grâce à un interprète qu'il est bûcheron et que les russes vont avoir besoin de bois. On le place donc à la tête d'un groupe d'autres prisonniers tous civils, finlandais ou russes, tous jugés inaptes au combat. Il va aider ces hommes à apprendre le difficile et dangereux métier de bûcheron, qu'ils vont exercer dans des conditions inhumaines, par des températures pouvant atteindre les moins 40 degrés.
De plus, les troupes finlandaises qui sont toujours dans la région, peuvent à tout instant leur tirer dessus étant donné qu'ils coupent du bois au delà des lignes russes.
Ils sont fatigués et sous alimentés, certains tombent malades, mais Timmo va réussir à obtenir qu'ils s'installent dans une des seules maisons du village qui tient encore debout et que Timmo veut continuer à entretenir par respect pour les anciens propriétaires qu'il a connus.
Ce faisant Timmo va se lier d'amitié avec ces "hommes qui ne valent rien" aux yeux des soldats. Ils vont le surnommer "l'Ange" puis "l'Espoir" ou ensuite "le Dernier espoir". Il va les forcer à donner le maximum d'eux-mêmes leur prouvant ainsi que le dépassement de soi permet non seulement de vivre dans la dignité, mais aussi de pouvoir compter les uns sur les autres et donc de survivre en temps de guerre. Chacun va faire ce qu'il peut, en fonction de ses capacités, et découvrir qu'à plusieurs on est plus fort et qu'on peut davantage s'en sortir.
C'est ainsi que Timmo va empêcher tous les hommes, y compris les soldats russes, de mourir de froid...
Cependant, mieux vaut le rire que des fusils chargés, et il n'y en a plus un seul pointé sur moi, je me hasarde à baisser les bras, mais je reste sur place pour indiquer que ce n'est pas moi, mais l'officier qui décide si j'ai le droit de bouger, et cela semble le rassurer.
Il s'approche et m'inspecte comme si j'avais peut-être prétendu être celui que je suis, et je le regarde avec inquiétude.
Il a tiré la main droite de son gant d'ours et me l'a tendue, nous nous sommes serrés la main en nous dévisageant, et j'ai alors compris que cet homme serait prêt à mourir pour moi, comme personne avant lui, sauf mes parents peut-être, mais je ne m'en souviens pas ; curieusement, c'était un changement tellement énorme entre nous que cela était presque intenable, non seulement je voyais clairement en lui, mais nous ne faisions plus qu'une personne, je ne pensais même plus à lui en tant que Russe et à moi en tant que Finlandais, ni même que ce n'était pas la paix mais bien la guerre, comme j'aurais dû le faire.
nous avions vécu dans un monde...un monde où le bien et le mal n'étaient plus à leur place, un monde où tout était à l'envers ; certes nous nous étions laissé troubler, mais il nous fallait désormais retrouver les idées claires, et, sans savoir vraiment ce que je voulais dire, j'ai ajouté que nous avions compris que nous étions des amis et que c'était là un crime, oui, pour nous tous.
Ce roman qui me permet de faire connaissance avec cet auteur norvégien est avant tout, même s'il se passe en temps de guerre, une histoire de liberté. Liberté de pensée et liberté d'action. A chaque instant, Timmo devra faire des choix, obéir ou trouver une autre alternative. Il se sent responsable de la vie de son équipe et fera tout pour sa survie. C'est son devoir, la vie de ces hommes relève à présent de sa responsabilité morale.
C'est une histoire de fraternité et de solidarité qui dépasse l'appartenance à un pays, à ses idées. Timmo, le simplet du village, s'avère être plus humain que tous les hommes de l'histoire. Pour lui, un homme qu'il soit russe ou finlandais, est avant tout un être humain, et il doit donc être considéré comme tel.
Ne vous attendez pas à un roman riche en rebondissements, ce n'est pas le cas. Le récit est linéaire, simple, notre héros (fictif je le précise) raconte avec ses propres mots ce qu'il voit, ce qu'il ressent, ce qu'il demande...et y mêle ses réflexions personnelles sur la guerre. Et c'est parce que c'est lui le narrateur de cette histoire que celle-ci nous touche davantage.
Timmo a certes un grand sens du devoir, mais ce qui est émouvant, c'est qu'il ne se rend pas compte que ce qu'il croit faire par devoir, est en fait un exploit.
Combien comme lui ont agi par pur sens du devoir, et ont sauvé des vies sans jamais recevoir aucune reconnaissance. Ce sont des "héros du quotidien", ceux qui sont restés dans l'ombre et que l'histoire s'est empressée d'oublier. D'ailleurs, ils ne sont jamais dans nos livres d'histoire et personne n'en parle.
Bien entendu, je peux le dire, l'auteur nous dit dans son roman que le récit de Timmo a été occulté, qu'on le considèrera comme un traitre et qu'il devra se justifier lorsque le village entamera sa reconstruction et que les habitants y reviendront peu à peu. Personne ne voudra croire sa version de la guerre. Les journalistes ne relateront que des versions tronquées, mettant en avant les personnes les plus influentes, au détriment des autres ou des antihéros comme Timmo.
Lire l'avis de Dominique sur son blog ICI.
c'est un avantage d'être fort au milieu des plus faibles, car on reste fort et l'on peut donner de la force aux autres, c'était ce qui s'était produit, je n'aurais jamais réussi seul et, d'une certaine façon...c'étaient eux qui m'avaient sauvé autant que je les avais sauvés, et je tenais à les remercier.
...j'ai seulement fait ce que l'on attendait de moi, j'ai été celui que je suis, le seul qui reste quand tout le monde s'en va...