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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Livret de famille / Patrick Modiano

Première publication en 1977

Première publication en 1977

Ce roman regroupe quatorze récits plus ou moins autobiographiques découpés en quinze chapitres décousus et sans rapport les uns avec les autres...


L'auteur n'hésite pas à se raconter. Il prête son nom au narrateur mais est-ce bien lui qui parle ?
Il mêle à son récit des souvenirs imaginaires. Il mélange les personnages : son père traqué par la Gestapo, le roi Farouk qui donne une fête mémorable, la naissance de sa fille Zina et sa déclaration à la mairie, les débuts de sa mère en tant qu'actrice de music hall, son adolescence, la recherche de son certificat de baptême à Biarritz où il se rend avec sa femme, un séjour en Sologne chez une connaissance de son père où se prépare une chasse à courre, le tournage d'un film dont il a fait le scénario, son retour dans l'appartement vide où il habitait "quai Conti"...

Certains événements appartiennent à sa vie et donnent envie d'en savoir plus !

Mais ces différents épisodes sont racontés dans le désordre sans suivre une chronologie particulière et en mélangeant des personnages fictifs aux personnages réels.

Il évoque des lieux précis où il a réellement vécu, en décrit d'autres qui ne sont pas identifiables par le lecteur, mais peut-être en parlera-t-il dans ses romans suivants ?

 

Voilà déjà posée la vie rêvée ou réelle d'un auteur terriblement attachant qui a vécu des choses si difficiles qu'on se demande comment sans l'écriture il aurait pu tenir debout.

C'est la première fois, dans ce roman paru en 1977, que l'auteur expose certains éléments de sa vie. Il publiera des années après "Un pedigree" (2005). Mais j'en parlerai plus tard car je ne l'ai pas encore relu.

Voilà le début du roman (du premier chapitre donc) :

"J'observais ma fille, à travers l'écran vitré. Elle dormait, appuyée sur sa joue gauche, la bouche entrouverte. Elle avait à peine deux jours et on ne discernait pas les mouvements de sa respiration.
Je collais mon front à la vitre. Quelques centimètres me séparaient du berceau et je n'aurais pas été étonné s'il s'était balancé dans l'air, en état d'apesanteur. La branche d'un platane caressait la fenêtre avec une régularité d'éventail. Ma fille occupait seule cette pièce blanc et bleu ciel qui portait le nom de « Nursery Caroline Herrick ». L'infirmière avait poussé le berceau juste devant l'écran de verre pour que je puisse la voir.
Elle ne bougeait pas. Sur son minuscule visage flottait une expression de béatitude. La branche continuait d'osciller en silence. J'écrasais mon nez contre la vitre et cela faisait une tache de buée.
Quand l'infirmière reparut, je me redressai aussitôt. Il était près de dix-sept heures et je n'avais plus un instant à perdre si je voulais parvenir à la mairie, avant la fermeture de l'état civil.
Je descendis les escaliers de l'hôpital en feuilletant un petit cahier à couverture de cuir rouge, le : « Livret de Famille ». Ce titre m'inspirait un intérêt respectueux comme celui que j'éprouve pour tous les papiers officiels, diplômes, actes notariés, arbres généalogiques, cadastres, parchemins, pedigrees... Sur les deux premiers feuillets figurait l'extrait de mon acte de mariage, avec mes nom et prénoms, et ceux de ma femme. On avait laissé en blanc les lignes correspondant à : « fils de », pour ne pas entrer dans les méandres de mon état civil. J'ignore en effet où je suis né et quels noms, au juste, portaient mes parents lors de ma naissance. Une feuille de papier bleu marine, pliée en quatre, était agrafée à ce livret de famille : l'acte de mariage de mes parents. Mon père y figurait sous un faux nom parce que le mariage avait eu lieu pendant l'Occupation."


C'est magnifique !

Livret de famille / Patrick Modiano
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