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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La Fille sauvage / Jim Fergus

Le Cherche midi, 2004/ Pocket, 2011

Le Cherche midi, 2004/ Pocket, 2011

L'air était frais, dehors, et les cheminées du village avaient répandu un brouillard de fumée dans le fond de la vallée. Encore ignorées par le soleil, les collines avaient une teinte de nacre. Le long de la rivière, la rosée déposée sur l'herbe complétait le tableau. Tout était recouvert d'un voile glacé et argenté. Une vraie carte postale.
Planté sur son plateau verdoyant, le camp ressemblait lui-même à un petit village, avec ses tentes blanches de formes différentes...

En 1932, au cœur de la Sierra Madre, Billy Flowers, un chasseur de pumas suit la piste tracée par ses chiens. Alors qu'il ne s'y attend pas, il traque en fait une toute jeune fille appartenant à la dernière tribu apache encore sauvage, vivant dans les montagnes. 

Il va non sans mal la ligoter et la ramener à Douglas où le shérif ne trouve rien de mieux que de l'emprisonner dans une cellule glaciale où elle se laisse mourir. Celle que tous vont surnommer la "Nina Bronca", va devenir durant quelques jours une bête de foire et les gens vont faire la queue et payer pour voir quelques instants la sauvageonne. 

Quelques temps avant, le jeune Ned Giles a quitté définitivement Chicago où il survit depuis la mort de ses parents trois mois auparavant, tout en travaillant dans un club comme homme à tout faire. Ne pouvant pas poursuivre ses études par manque d'argent, de temps et d'envie, il décide de quitter la ville. Lui ce qu'il rêve c'est de faire de la photo mais pas facile de se faire une place dans ce milieu.

Ned part donc au Mexique grâce à son seul héritage (la belle voiture de son père) et le peu d'argent qu'il possède. Il compte bien se faire embaucher par l'équipe de la Grande Expédition, un regroupement de riches, organisé  par les Etats-Unis et les mexicains, pour tenter de récupérer le jeune fils des Huerta qui a été enlevé sous les yeux de ses parents....là-bas, s'il est embauché, il sera au cœur des Terres Indiennes.

Mais les volontaires sont nombreux, et issus de tous les milieux sociaux. Il y a des anciens prisonniers, des mercenaires, mais aussi de nombreux gentlemen qui sont là en fait pour chasser et pêcher dans ces zones sauvages mais aussi pour tuer des Indiens.

La chance va sourire à Ned dès son arrivée, car il croise Tolley, le fils d'un des habitués du club, envoyé là par son père pour se débarrasser de lui car il est homosexuel et il fait "tâche" dans la famille. Il a un pouvoir certain car son père est connu, et il aime beaucoup Ned qui l'accepte comme il est, et il est donc prêt à tout pour l'aider. 

Ned fait également connaissance avec le vieux Big Wade, un photographe qui ne compte pas risquer sa vie dans l'expédition, mais a été obligé d'obéir au Journal pour lequel il travaille. Aussitôt, il présente Ned à l'équipe. Le voilà engagé !

Ned fait aussi la connaissance de Margaret qui fait partie de l'expédition en tant qu'anthropologue et de Jésus, un jeune garçon mexicain qui décide de les suivre car il est seul au monde. 

La Grande Expédition se met en marche...

On croise donc en plus de Ned,  Big Wade le vieux journaliste, Tolley l'étudiant homosexuel qui ne manque pas d'humour sur la situation et permet aux autres de prendre un peu de recul, Margaret l'anthropologue et Jésus qui a pourtant une peur bleue des indiens. Tolley a embauché sur place une sorte de majordome, Harold qui fait donc partie de leur groupe.  Avec eux, se trouvent aussi Joseph un ancien apache qui connait la région comme sa poche mais qui est considéré comme un traitre car il a été enrôlé comme Scouts par l'armée et Albert son petit-fils qui n'a toujours vécu que dans une réserve mais a tout de même beaucoup de  connaissances sur son peuple.

Lorsque Ned et ses coéquipiers arrivent à Douglas et découvre la manière dont les habitants traitent la jeune sauvage, ils se révoltent et n'auront de cesse de la libérer...pour la ramener chez elle.

Mais si l'aventure est bien au bout du chemin ainsi que la découverte d'un des derniers peuples sauvages, vivant dans les montagnes mexicaines, ils vont devoir affronter Charley, le géant roux qui a été lui même enlevé par les Apaches quand il était enfant et est devenu le chef de la tribu et surtout le terrible Indio Juan, considéré comme fou, qu'il vaut mieux ne pas croiser en chemin, car il massacre toutes les personnes blanches qu'il rencontre.

Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour tenir leur promesse et protéger la fille sauvage, celle qui s'appelle aussi "la femme peinte en blanc" Chidéh...

- Vous croyez qu'ils vont réussir à le récupérer, le gamin ?
Jackson m'a regardé comme si j'étais le deuxième abruti en chef de "planète terre", juste derrière son patron. "T'as quand même pigé que c'était juste de l'esbroufe toute cette histoire, non ?
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire ?
- Je veux dire que les membres du comité font tous partie de la chambre de commerce de la communauté de Douglas, expliqua Jackson. Ils ont inventé cette affaire d'expédition pour faire parler de leur ville. Ils en n'ont rien à foutre du gamin Huerta. C'est un alibi, un prétexte fallacieux pour emmener une bande de richards se payer une bonne partie de chasse et de pêche dans la Sierra Madre, voilà.

Ce sont des troglodytes précolombiens, bâtis par une civilisation ancienne qui vivait là il y a plus de mille ans. C'est ici que se dirige l'expédition. Les Mexicains pensent que les Apaches se cachent là. Regarde bien et tu verras qu'on a récemment fait du feu, devant certaines des habitations.

Comme dans ses précédents romans, Jim Fergus s'inspire de faits réels et il s'est largement documenté sur le peuple Apache. La "Nina bronca" a réellement existé de même que la Grande Expédition, qui a vu des personnes fortunées aller massacrer les Indiens sous prétexte de défendre le pays contre les sauvages.

Il y a donc forcément dans ce roman des scènes violentes lors des affrontements entre les hommes. L'auteur montre bien que de chaque côté la tolérance côtoie le désir de domination, la cruauté et la brutalité. Mais bien entendu, encore une fois, nous savons comment tout cela s'est terminé, comment les Indiens ont tous été exterminés ou parqués dans des réserves, et comment la violence engendre la violence...alors que c'était un peuple pacifique et empreint de sagesse. 

Le roman commence à la fin des années 90, alors que Ned Giles photographe en fin de carrière cherche à gagner un peu d'argent en vendant ses anciens clichés lors d'une exposition. L'acquéreur veut en savoir plus sur cette jeune fille apache, capturée dans les montagnes par un chasseur de pumas que Ned a photographié allongée par terre en position fœtale dans sa cellule. Mais lui ne veut pas tout lui raconter car cela ravive des souvenirs douloureux de sa jeunesse.

C'est donc le lecteur qui va en apprendre davantage sur cette expédition de 1932 durant laquelle Ned fit ses premiers pas en tant que photographe. L'histoire vécue par Ned est retranscrite à partir de ses carnets (fictifs mais datés), des carnets qui constituent un véritable journal de bord et donc ne transmettent pas le ressenti profond du jeune homme. Il les écrit avec une certaine distance et le récit manque donc parfois d'émotion. 

Le roman est captivant et facile à lire même si je l'ai trouvé un peu en dessous de "Mille femmes blanches" qui m'avait permis de découvrir l'auteur. Le début qui parle du voyage entre Chicago et Douglas est lent à se mettre en place mais a le mérite de nous présenter les différents personnages et de nous permettre de les connaitre et les comprendre.  

Le ton est réaliste, et l'écriture emplie de poésie. Le récit documenté de la vie des Indiens Apaches est une découverte toujours aussi plaisante. Il y a aussi de l'humour malgré la gravité du sujet. Les propos des uns et des autres sonnent justes. 

Au début du roman, l'auteur donne la parole en alternance à Ned (à travers ses carnets datés) et à la jeune Apache. Puis à partir du moment où tous deux se rencontrent, c'est seulement par les carnets que le lecteur apprend la suite de l'histoire. Il y a en tout huit. Ned apparait comme un tout jeune homme encore immature, mais c'est une belle personne. 

Il y a dans ce roman deux beaux portraits de femmes. 

La fille sauvage est décrite avec beaucoup de réalisme et le lecteur ne peut que s'attacher à elle.  

Margaret, l'anthropologue qui va devenir amie avec Ned ne peut pas non plus laisser le lecteur indifférent : elle n'a peur de rien et est passionnée par son métier mais sa curiosité naturelle et son intelligence vont lui permettre de laisser de côté ses aprioris pour s'ouvrir à la culture indienne. 

Bien entendu, comme toujours quand on parle des indiens d'Amérique, les sauvages ne sont pas ceux que l'on croit, bien que l'auteur ne prenne pas partie et nous montre que des deux côtés il y avait de la violence.

L'auteur insiste en particulier sur le rôle joué par les Indiens soldats (que l'on appelait des Scouts) qui se battaient contre leur propre peuple aux côtés des Blancs et étaient le plus souvent enrôlés comme éclaireurs. Cela m'a donné envie d'en apprendre davantage à leur sujet car je n'avais jamais réalisé qu'ils avaient été si nombreux.

Mon seul bémol est que j'aurais aimé passer plus de temps au cœur de la tribu indienne, mais ce n'est qu'un ressenti tout à fait personnel. 

Tze-gu-juni lui peigne de nouveau les cheveux, et Chidéh lui sait bon gré de ses attentions, de son affection. Elle la regarde dans les yeux. Mais ce n'est plus sa tante qui la peigne maintenant et elle ne sait plus où elle est, ni à qui sont ces yeux devant elle. Elle n'est plus certaine d'être elle-même ; elle n'est plus Femme-Peinte-en-Blanc, son univers s'est évanoui avec tous ceux qu'elle connaissait, et ceux-là qui habitent le nouveau monde sont des étrangers, des ennemis. Elle est enfermée, seule, dans cette cage sombre et humide...

De Jim Fergus sur mon blog, j'ai présenté la trilogie regroupant les romans suivants :

- Mille femmes blanches, présenté ICI.

- La vengeance des mères, présenté ICI. 

- Les Amazones, présenté ICI. 

J'ai lu et présenté également Chrysis, ICI

Jusqu'à la fin de sa vie, jamais il n'allait oublier comment, ..., cette petite l'avait regardé ce matin-là. Jamais il n'allait oublier les trilles joyeuses des oiseaux dans le calme frais du printemps. Jamais il n'allait oublier cette enfant qui, au bout de sa jeune vie, ..., avait vu les horreurs plusieurs fois séculaires, d'une guerre entre les races, menée aux noms des dieux abjects et dépravés, ces dieux qui permettent aux humains de massacrer les gosses de leurs ennemis.
D'un regard calme et fixe, elle scrutait les yeux de Goso avec un air de...pitié. Et de pardon. Comme pour s'excuser elle sourit, et tendit les bras pour qu'il la pose par terre... Alors, très tendre, elle lui passa ses bras légers autour du cou et elle mourut.

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G
Cela fait longtemps que je n'ai pas lu de livre de cette autrice. Bonne idée.
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F
Bonjour Manou.<br /> Tel que présenté ici, je lirai volontiers ce roman de Jim Fergus. Pour l'instant je n'ai présent à l'esprit que ces images du film "Danse avec les loups" Un regard cinématographique sur cette rencontre de civilisations antagonistes. Connaître, apprendre à connaître peut et doit être le mot clé, l'injonction pour faire obstacle à la violence. <br /> Amitiés.
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S
Bonjour Manou, je prends note de ce livre, histoire intense et violente, une page d'histoire pour parler des discriminations qu'ont subies les Indiens, ça m'intéresse ! Merci Manou, bises.
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A
Je n'ai lu qu'un roman de cet auteur. Ton billet me donne envie de lire celui-ci pour retrouver la plume de l'auteur.
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P
Je ne connais pas du tout cet auteur, ce sera une découverte. Mon cœur s'emballe quand on me parle massacre d'indiens, c'est une telle tragédie d'avoir ainsi pulvérisé une civilisation... Belle semaine Manou, à bientôt. brigitte
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C
bonjour<br /> je serai tentée surtout que ces sites troglodytes je les ai déjà vus. Toujours influencée par les voyages !!!!<br /> bon weekend
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T
J'avais lu Mille femmes blanches jadis (mais n'ai pas continué avec la suite).<br /> Je note pour l'histoire, merci!<br /> Ca me rappelle l'époque où je dévorais à la chaîne les petits "bouquins de gare" de la collection Westerns (Librairie des Champs-Elysées) que je collectionnais... Ce thème a bien dû être traité, pour le XIXe s., dans l'un ou l'autre des près de 250 titres parus!<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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S
J'ai très envie de lire cet auteur mais le volume de Mille femmes blanches m'a arrêtée. Je le lis donc en BD pour l'instant. Et ce roman-ci a tout pour me plaire, avec un nombre de pages plus raisonnable 😉.
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D
je n'ai lu que le premier livre de l'auteur après j'ai eu du mal parce que je n'arrive pas à croire à ces histoires et ça me gêne
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R
Bonjour Manou, ta chronique est une immersion captivante dans l’univers du roman de Jim Fergus la fille sauvage elle met en lumière avec finesse les tensions entre cultures et la quête poignante de liberté ton analyse sincère et documentée rend hommage à ce récit bouleversant en explorant ses personnages et sa dimension humaine je te souhaite une bonne journée et un bon weekend.
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M
comme toi, ces endroits que je montre je ne les ai jamais visité, dommage j'aurai bien aimé....mais on ne peut décider de tout....passe une bien douce journée
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M
Excuse-moi Manou, pour l'erreur sur le prénom<br /> Bisous de bon weekend
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M
Bonjour Anne,<br /> <br /> J'ai lu du Jim Fergus, livre emprunté à ma mère qui l'appréciait beaucoup. C'est ainsi que j'ai découvert cet excellent auteur.<br /> Pauvres indiens ::<br /> As-tu lu les mémoires de Cochise? Quel livre!!<br /> gros bisous
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F
J'avais adoré Mille femmes blanches ! Tu me donnes bien envie de revenir à cet auteur avec ce livre !
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P
Je n'ai jamais eu envie de lire cet auteur. Un jour peut-être...<br /> J'ai beaucoup vu passer "Mille femmes blanches"<br /> Bon weekend
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D
Cela fait plusieurs fois que je lis tes chroniques postées sur des romans de Jim Fergus, et à chaque fois, je me dis que si j'ai le temps, il faudrait un jour que j'en lise un.
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A
Je note cet auteur connu mais pas beaucoup lu. Bises
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L
Merci pour la découverte. Bisous
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P
Chère Manou,<br /> Tu sais toujours si bien nous raconter, tu sais nous donner l'envie et je t'en remercie.<br /> Je te souhaite une douce fin de semaine. A lundi. Bises
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M
Bonjour Manou,<br /> ce livre m'intéresse,<br /> je l'ai téléchargé.<br /> Bises.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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