Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Les énigmes nous obsèdent. Ce sont elles qui nous poussent à enquêter, à chercher, à soulever, chaque pierre, nous emportant dans une passion frénétique de la révélation. On se croit assez fort pour affronter la menace qui dort sous le silence. Mais la vérité, quand elle fraye son chemin jusqu'à nous, est laide et décevante. Et alors, il est trop tard pour faire machine arrière.
Je suis fatigué, voilà tout. Je suis parti sur un coup de tête et maintenant je ne vois plus comment revenir. J'ai peur du tourbillon de fureur qui va se déclencher sitôt que j'aurai passé le seuil de notre appartement. Encore plus peur de finir par dire en retour ce que j'ai sur le cœur et que je tais depuis si longtemps.
Un soir, sans laisser d'explications, Benoît Lauzanne, 47 ans, s'enfuit du domicile conjugal avec la ferme intention de ne plus jamais y revenir. Ce petit représentant de commerce sans histoire, vient d'être licencié et n'a plus que quelques jours et un seul rendez-vous avant l'ultimatum. Mais ce n'est pas ce qui le fait fuir, c'est l'agressivité constante de Sabine, sa femme, qui l'étouffe. Il n'en peut plus, son mal-être est trop violent, il craque...
Arrivé dans la petite ville de V. où il doit honorer dans quelques jours son dernier rendez-vous professionnel, il croit apercevoir au buffet de la gare, une silhouette bien connue, celle d'Irina son grand amour de jeunesse qui un jour, sans explications, est partie sans laisser de traces.
Les cicatrices laissées par cet événement, qui pourtant date d'il y a plus de vingt ans, mais n'a jamais cesser de le hanter, s'ouvrent à nouveau, le laissant anéanti. Il n'a alors qu'un seul espoir en tête, retrouver cette femme qui, il en est certain, est Irina, et comprendre, enfin, pourquoi elle est partie sur un coup de tête. Ne vient-il pas de faire de même ?
Sa quête le mènera jusqu'au superbe domaine de Précy-Hingrée, sur les bords de Loire, où on lui propose de participer à l'aménagement et à l'entretien du parc. Cet immense lieu ouvert au public, entretenu par Jasmine, est un véritable petit paradis. Là, au milieu d'un personnel uni comme le serait une petite famille, il va trouver un temps la quiétude nécessaire à son équilibre, et réaliser son rêve de jeunesse, un rêve que son père avait brisé.
Mais le destin est en marche, et malgré la tranquillité apparente des lieux, le fait qu'il renoue avec la nature, et trouve un certain apaisement dans les taches quotidiennes, Benoît (qui se fait appeler désormais Martin) va se retrouver impliqué dans une affaire criminelle imprévue qui va faire voler en éclat, l'apparente tranquillité du lieu.
C'est alors qu'Ada, la demi-soeur d'Irina débarque sans prévenir, directement de sa Lituanie natale : elle cherche sa sœur, leur père va mourir.
Benôit comprend qu'il ne peut pas toute la vie fuir les fantômes de son passé. Il va lui falloir les affronter...
J'ai vite compris que la meilleure manière de coexister avec Irina, c'était de ne jamais poser de questions. C'est peut-être la raison pour laquelle elle est restée. Parce que j'acceptais ce qu'elle donnait, sans exiger. Et surtout, j'acceptais ce qu'elle ne donnait pas, sans regimber. Jamais nous n'avons fait de projets...
Seul, à écouter les bruits des animaux et la rumeur de la forêt, je mesure aujourd'hui seulement la profondeur de la détresse qu'il faut pour en arriver là. Disparaître c'est mourir aux autres mais aussi à soi...
J'ai subitement eu l'envie irraisonnée de m'allonger sur le sol, de sentir sous mon poids l'élasticité de l'herbe, l'énergie de la terre pénétrer mes os et mes muscles. Car s'il est vrai que nous sommes poussière et que nous y retournerons, nous sommes aussi terriblement désireux d'être vivants, tant que le cœur nous bat encore.
C'est un roman prenant qu'on a du mal à lâcher jusqu'à la fin. Mais c'est aussi un roman triste qui nous parle d'un homme qui est passé plusieurs fois dans sa vie à côté du bonheur, tout simplement parce qu'il ne savait pas exprimer ses sentiments, parler de ses blessures passées, prendre des décisions. Le regard qu'il porte sur lui-même sera sans concession.
Je reconnais que les tourments du narrateur ne m'ont pas toujours passionnée au début de ma lecture, car je l'ai trouvé par moment d'une grande lâcheté, ce qui ne me l'a pas rendu particulièrement sympathique. Mais ensuite, j'ai aimé découvrir ses réflexions, voir comment peu à peu il évolue dans la prise de conscience de ses faiblesses. Il est tout simplement...humain.
J'ai aimé également, la manière dont l'histoire est bâtie, dont le puzzle, peu à peu, se reconstitue.
L'auteur a un don pour décortiquer les personnages, entrer dans leur psychologie et chercher à comprendre les rouages de leurs comportements.
Le roman questionne en effet sur les raisons possibles d'une disparition, sur les blessures jamais refermées et qui deviennent destructrices au fil du temps. Comment peut-on en arriver un jour, à vouloir déserter sa propre vie, changer de nom, et disparaître sans se demander quelle sera la souffrance de nos proches ? Le lecteur s'interroge sur cette cassure que des milliers d'adultes chaque année, décident de vivre.
C'est un roman qui donne aussi un peu d'espoir en montrant les capacités cicatrisantes de la nature et du temps passé à s'occuper des plantes, à les voir pousser à leur rythme, en suivant tranquillement le cycle des saisons.
Il est bâti comme un roman policier avec une enquête, des hypothèses, diverses pistes et...un cadavre, celui d'un journaliste inconnu. Il mènera le lecteur au bord du lac d'Annecy, à la recherche d'un étrange institut pour jeunes femmes, aujourd'hui transformé en lycée, qui à l'époque accueillait des jeunes femmes enceintes pour les aider à accoucher sous X.
J'aime la plume de l'auteur, sensible et si humaine, et sa manière bien à elle d'entrer dans la psychologie de ses personnages, de nous montrer leurs faiblesses et leurs forces. Je continuerai à découvrir son œuvre, c'est une évidence pour moi.
Quatre de ses romans sont déjà présentés sur ce blog...
- Eux sur la photo, lu en 2013.
- La part du feu, lu également la même année.
-Portrait d'après blessure, lu en 2018.
et Un vertige, lu en 2020.
Elle avait laissé en moi un manque qui n'avait pas de nom, une blessure fantôme, un vide qui l'attendrait toujours, quand bien même je savais que cet espoir n'avait plus de raison d'être.
Ça fait mal, de perdre quelqu'un qu'on aime. Mais ça fait encore plus mal de ne pas savoir pourquoi.