Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Elles ont le droit d'éprouver de la peine. Pas celui d'embarrasser le clan avec tout ce chagrin, de contaminer les personnes qui vivent quotidiennement à leurs côtés, de faire comme si l'enfant qui n'a pas été retrouvé représentait tout. Ces femmes sont comme les veuves, qui ne sont autorisés à reparaître en société qu'au terme d'une certaine durée, après s'être soumises à des rituels parfois rudes. Elles ne sont pas des veuves. Il n'y a pas de mot pour nommer leur condition. On n'a pas revu leurs garçons après le grand incendie. Nul ne sait s'ils sont vivants ou morts.
De Léonora Miano, j'ai déjà lu et présenté sur mon blog :
- Contours du jour qui vient, présenté ICI et qui avait obtenu en 2006, le Prix Goncourt des Lycéens.
- Crépuscule du tourment, présenté ICI.
Deux romans forts que j'avais apprécié bien que difficiles à lire et qui m'avaient permis de découvrir la plume magnifique de l'auteur.
C'est donc tout naturellement que j'ai voulu poursuivre ma découverte en empruntant "La saison de l'ombre" à la médiathèque.
Mais, malgré le sujet et le fait que ce roman a obtenu en 2013, le Prix Fémina, je ne suis pas arrivée à me passionner autant pour cette lecture comme je l'avais fait pour ses deux précédents romans.
Voici l'histoire.
Dans un village du Cameroun, où vit le clan des Mulongo, au début de la traite des noirs, un terrible incendie trouble la tranquillité des lieux en pleine nuit. Au petit matin, les habitants découvrent que les fils ainés à peine initiés de dix familles, ont disparu, ainsi que deux hommes importants du village.
Afin d'éloigner le mauvais œil, les mères des fils qui ont disparu sont rassemblées dans une maison à l'écart de leur famille. On les surnomme désormais "celles dont les fils n'ont pas été retrouvés".
Mais les femmes se rebiffent car, comment peuvent-elles faire le deuil de leurs enfants puisqu'elles ne peuvent pas appliquer les rites habituels réservés aux défunts.
Elles veulent donc savoir si leurs garçons sont morts ou vivants.
Après avoir réuni le Conseil, un petit groupe de villageois, accompagnés de trois des mères parmi les plus courageuses, et du chef de clan, décident de quitter le village et de s'éloigner des ancêtres et de leurs croyances pour tenter de savoir ce qui est arrivé aux hommes de leur communauté.
Ils vont découvrir que les responsables sont les Bwele, leurs voisins, avec qui ils entretenaient jusqu'à présent des relations cordiales. Ils ont vendu les jeunes de la tribu aux étrangers venus par la mer, pour contenter leur reine, avide de pouvoir et d'argent.
Le fait que l'auteur ait voulu raconter cette histoire d'enlèvement de l'intérieur, du point de vue des opprimés, donc du peuple africain, est très intéressante.
Je suis toujours enchantée de découvrir les romans primés par le Femina.
Mais je l'avoue j'ai eu du mal à finir ce roman, ce qui est rare chez moi, surtout avec un auteur aimé. Heureusement la curiosité, l'envie de savoir le fin mot de l'histoire l'emporte toujours, même si ici ce n'était pas forcément le plus important, vu que nous savons déjà à qui ont été vendus ces jeunes hommes du village...et ce qu'ils sont devenus ensuite.
J'ai aimé me passionner pour la culture de ce peuple, admirer ces femmes fortes, les rites, les croyances, mais j'ai souvent abandonné ma lecture pour la reprendre plus tard. Ce n'est pas un livre que l'on peut lire d'une seule traite ou alors ce n'était pas le bon moment pour moi pour le faire. C'est un texte très littéraire qui a plusieurs niveaux de lecture et qui demande une certaine concentration.
De plus, il y a beaucoup de répétition, des mots dont la signification est à rechercher dans le lexique à la fin du livre.
La lecture est rendue encore plus ardue à cause des noms donnés aux personnages qui sont très proches. Je vous donne un exemple : les hommes s'appellent, Musima, Mukano, Mutango, Mutimbo, Mukimbo, Mundene, et les femmes Ebeise, Ebusi, Eyabe, Ekesi, Eleke...
D'un autre côté, le fait que les noms se ressemblent tant, donne à l'histoire un caractère universel...qu'importe leurs noms finalement. Ils ne sont que les instruments d'une grande machination...exploiter l'humanité a toujours existé et on ne peut pas dire que de nos jours ce soit tellement différent, tout le monde sait que l'esclavage moderne existe encore même s'il revêt un autre visage à cause de la mondialisation.
A noter Léonora Miano est une écrivaine très engagée qui mérite d'être lue et connue. Elle se bat pour parler de la condition des femmes africaines, ou pas, et pour la francophonie. Elle a obtenu de nombreux prix et depuis janvier 2014, elle a été nommée au grade de Chevalière de l'ordre des Arts et des Lettres.
Je tenais donc, même si j'ai moins aimé ce livre par rapport à ses autres titres, à la mettre à l'honneur aujourd'hui, 8 mars, Journée internationale du droit des femmes.
D'autres avis sur Babelio ICI sont à découvrir si cela vous intéresse d'en savoir plus.