Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La statue assumait son rôle de nourrice en découvrant ses seins, qu'elle avait bien formés et aussi généreux que ceux de la déesse elle-même, telles des promesses d'abondance et de félicité.
Quand il passait dans les parages et que l'endroit était désert, Fuyan aimait lui faire une petite visite...
Voici aujourd'hui pour les amateurs de nouvelles (ou pas), ceux qui aiment l'Orient ou ont tout simplement envie de voyager de leur canapé, huit nouvelles d'un auteur que j'apprécie de plus en plus au fil de mes lectures.
De Hubert Delahaye je vous ai déjà présenté sur ce blog : Lettres d'Ogura, paru en 2017, présenté ICI / De thé et d'amour, paru en 2011 et présenté ICI / Histoires de mers, paru en 2018 et présenté ICI.
L'auteur, je le rappelle pour mes nouveaux abonnés, est passionné de sinologie. Durant sa vie professionnelle, il a travaillé comme ingénieur de recherche au sein du Collège de France dans le domaine de la sinologie. Il a passé des années en Chine et a été attaché à la chaire d'Histoire Sociale et intellectuelle de la Chine du grand sinologue français Jacques Gernet, puis aux Instituts d'Extrême-Orient en tant que maître de conférences. Autant vous dire qu'il est passionnée ce qui l'a conduit à aussi s'intéresser au Japon et autres endroits situés en Orient. Tout ce que l'on peut dire c'est qu'il sait de quoi il parle.
Il y avait sur la pancarte l'âge, la taille, le poids, la situation et le salaire, comme de règle. Il avait abondé sur les qualités avec des mots avantageux, quoique assez galvaudés : sérieuse et de bonne naissance, solide, cultivée, bienveillante...
[...]
Le plus ennuyeux dans l'affaire était que Xijie elle-même écartait toute idée de mariage.
J'ai beaucoup apprécié ces nouvelles toutes différentes, à la chute imprévisible. Elles se passent toutes aujourd'hui à quelques années près et sont très modernes tout en nous montrant une Chine fictive encore bien ancrée dans les traditions.
Les personnages décrits avec beaucoup de réalisme et de sensibilité, sont tous issus de la classe moyenne. Ils travaillent, cherchent à améliorer l'ordinaire de leur vie mais restent prisonniers de croyances ancestrales, de leur soumission au régime et à ses lois, qu'ils ne peuvent enfreindre sous peine de représailles immédiates. Ils sont de plus, souvent dépassés par l'évolution de la société qui change bien trop vite à leur goût.
Le titre laisse entendre que l'auteur s'est amusé à écrire "à la chinoise" et que son recueil serait une "tentative d'appropriation culturelle". Il s'amuse à "traduire un recueil original en chinois " qui n'a jamais existé, ou du moins uniquement dans son imagination !
Les personnages, les événements et les lieux décrits sont donc tous fictifs même si en tant que lectrice je n'ai eu aucun mal à m'imaginer en Chine, sans doute parce que je n'y suis jamais allée autrement qu'à travers mes lectures.
Le programme qui gère les identités est plus rapide que l'éclair et sa base de données doit être immense. Il peut identifier deux cents visages par minute. On dit qu'il existe vingt millions de caméras dans le pays. Ces chiffres la dépassent un peu.
Il ne s'intéresse pas à la langue chinoise. Il dit que dans la société de commerce où il travaille personne ne s'exprime en chinois, et encore moins en cantonais. Les Américains croient toujours que le monde entier parle leur langue et que ce monde tourne autour d'eux.
Pour en revenir à nos huit nouvelles...
Dans la première, "la Statue de Chaojue", qui a donné son titre au recueil, le lecteur découvre comment une statue peut s'animer au point de rendre heureux un fidèle croyant, tombé fou amoureux d'elle et surtout de ses beaux seins. Un conte fantastique plein d'humour.
Dans la seconde, "Sinocynophagie", l'auteur nous parle cuisine, enfin, une cuisine pas vraiment du goût des occidentaux puisqu'il s'agit d'un mets incroyable pour nous, la "fricassée" de chien. Âmes sensibles s'abstenir ! Un couple d'américains regrettera toute sa vie de ne pas savoir parler la langue du pays, car vous devinez sans doute ce qui va arriver à leur petit teckel. Je l'avais deviné aussi et je vous avoue que malgré le drame, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver l'humour de l'auteur...comment dire, délicieux !
Dans la troisième, "Le mariage de Xijie", le lecteur prend en pitié le frère aîné, Quinlang, qui n'a de cesse de lui trouver un mari pour faire plaisir à leur mère, et y passe tous ses dimanches au lieu de se promener avec sa femme. Un jour, au marché des célibataires, il croise un jeune homme bien sous tous rapports qui semble être vraiment intéressé. Le pauvre frère tombera de bien haut !
Dans la quatrième, "Shakespeare à Nankin", un acteur d'opéra qui rêve de gloire commet sans le vouloir un meurtre au cours d'un de ses spectacles...or il se trouve que la victime faisait partie des notables installés au premier rang. Les médias s'emparent de l'affaire mais l'acteur est certain qu'il ne s'agit en rien d'un quelconque hasard.
Dans la cinquième, "Mademoiselle Yu" une jeune employée d'une cellule de surveillance passe ses journées à vérifier que le logiciel dédié à la reconnaissance faciale fonctionne bien...elle est heureuse, amoureuse et bienveillante. Elle a su particulièrement bien réconforter son nouveau collègue de travail qui vient de se séparer de sa compagne. Mais un jour son monde à elle s'écroule en regardant l'écran.
Dans la sixième "Le professeur Deng ne tient pas la bouteille", le lecteur prend en pitié ce pauvre homme qui a une maladie étrange liée au fonctionnement de son pancréas. Dès qu'il boit un verre, il oublie tout. Pour fêter la fin de sa carrière, une petite fête est organisée juste avant sa dernière conférence, comment va-t-il faire pour ne pas y succomber ?
Dans la septième "le cahier de WU Yan", le narrateur trouve dans le parc un cahier sous un banc. Il ne peut s'empêcher de le lire et tombe sous son charme car il contient de magnifiques dessins et des réflexions sur l'art très intéressantes, tout cela annotée par une femme dont il va trouver l'adresse...Bien entendu sa curiosité l'emporte, il veut la connaître.
Enfin dans le huitième, "Un amour au GIH", le lecteur fait connaissance avec Wang Cirwai, travaillant comme cheffe d'étage dans un hôtel. Elle s'occupe en particulier du ménage de la chambre d'un américain dont elle ignore tout car il a su garder sa vie privée secrète, mais auquel peu à peu elle s'attache.
Moi qui lit très peu de nouvelles, je reconnais être tombée sous le charme de celles de Hubert Delahaye. Je suis définitivement conquise par ses écrits et je remercie Pascaline et les Editions l'Asiathèque pour ce service de presse. J'avais commencé à lire le recueil en numérique puis je l'ai reçu en format papier. Quel bonheur alors de tenir entre mes mains ce joli recueil. Le papier, la couverture avec ses rabats, la mise en page, tout est beau chez cet éditeur. C'est pour moi l'occasion de le redire encore aujourd'hui.
La gloire de l'histoire chinoise égalait celle de Luoma (Rome). Telle était sa conviction. Il l'avait exposée au public pendant des décennies avec la même passion. Il en était fier, il était le digne fils d'un pays qui avait été tant de fois le plus puissant du monde. Il voulait exposer la grandeur de cette aventure et, pour l'heure, témoigner de sa fidélité au Parti, de son dévouement...
Sur la dernière page, elle avait peint des jonquilles à l'encre. On croyait voir le jaune des pétales.