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On ne voit pas souvent un homme avec un diamant dans la barbe. Mais quand un prince ne trouve plus de place sur ses oreilles, ses doigts et ses vêtements, je suppose que les poils de son menton conviennent tout aussi bien.
On a du mal à croire que Sambalpur puisse être essentiel pour quoi que ce soit. Il faut déjà le chercher à la loupe sur la carte, caché par le R d'Orissa. C'est tout petit, de la taille de l'île de Wight, avec une population en proportion.
L'homme est bâti comme la face nord du Kanchenjunga et son expression est tout aussi glaciale. Il a la peau tannée et des yeux d'un bleu gris surprenant. Ces détails indiquent un homme des montagnes, avec au moins un peu de sang afghan dans les veines. Le plus frappant reste une pilosité faciale propre aux guerriers indiens d'autrefois : la barbe taillée à ras et la moustache courte, cirée et retroussée aux extrémités.
Nous retrouvons avec grand plaisir le capitaine Samuel Wyndham, ancien membre de Scotland Yard et le sergent Banerjee, son adjoint d'origine indienne, ayant fait des études en Angleterre, pour une nouvelle enquête. Je vous les avais présenté ICI.
Encore une fois, nous nous retrouvons dans l'atmosphère dépaysante de l'Inde, dans les années 20, avec sa chaleur étouffante (et la mousson qui arrive), les coutumes toujours surprenantes pour les occidentaux et une population à cran qui ne supporte plus la présence des anglais sur son territoire.
Alors qu'il se trouve à Calcutta, pour participer à une très importante réunion organisée par le vice-roi, le jeune prince Adhir de Sambalpur, se fait assassiner sous les yeux du capitaine qui ne réussit pas à arrêter l'assassin pour l'interroger, avant que ce dernier ne disparaisse dans une importante procession en l'honneur du Dieu Jagannath. Impossible donc de remonter la piste jusqu'au commanditaire. La seule chose dont il se rappelle de son visage c'est qu'il portait sur le front, la marque des disciples de Vishnou. Autant dire que cette erreur provoque le courroux de son chef !
Bien entendu, le capitaine ne peut aller enquêter là-bas, la police anglaise ne pouvant pas mettre son nez dans les affaires de ce petit état indépendant. Il ira donc à titre privé, pour des "vacances". C'est Sat Banerjee qui va en tant qu'ami du prince (ils se sont connus durant leurs études en Angleterre) être chargé d'accompagner sa dépouille jusqu'au palais pour lui rendre un dernier hommage.
Sambalpur est un petit royaume célèbre pour ses mines de diamants. La ville est en état de choc, la famille royale est très aimée.
Le vieux maharajah, effondré par la mort de son fils ainé qui devait prendre sa suite, demande officiellement au capitaine et au sergent d'enquêter pour lui. Ils vont ainsi pouvoir contourner les ordres et trouver sur place toute l'aide dont ils ont besoin auprès du colonel Shekar Arora, chef de la sécurité du prince, et de Davé, le premier ministre...et bien d'autres. Alors qu'ils viennent à peine d'arriver, ils sont surpris de trouver un suspect déjà emprisonné, d'autant plus qu'il s'agit... d'une femme.
Très vite nos enquêteurs sont sur plusieurs pistes toutes différentes. Est-ce Punit, le propre frère cadet d'Adhir qui a commandité le meurtre ? Un acte terroriste perpétré par un fanatique religieux pour contrer ce jeune prince trop instable et éloigné des traditions ? Ou alors une affaire de pouvoir ou d'argent concernant les mines de diamants ?
Impossible pour eux d'entrer dans le "zenana", le harem du maharajah pour interroger ses épouses ou ses nombreuses concubines. Or d'après les rumeurs, plusieurs personnes seraient susceptibles là-bas, de posséder des indices qui pourraient l'aider dans son enquête.
En conséquence, celle-ci piétine : les coutumes surprennent toujours autant le capitaine qui devra comprendre dans les détails le déroulé des différentes manifestations autour du culte du Dieu Jagannath, participer à une chasse au tigre à dos d'éléphant et bien vivre d'autres aventures...avant de résoudre enfin son enquête.
Depuis deux cent ans votre pays exerce un pouvoir malfaisant en Inde, en corrompant nos chefs jusqu'à ce qu'ils ne soient que vos laquais incapables. Dans un tel monde, c'est nous les femmes du zenana, en sécurité dans notre sanctuaire, hors de l'influence pernicieuse de vos Résidents et de vos conseillers, qui avons été les gardiennes de notre culture et de notre héritage.
L'auteur a donc choisi pour ce second opus de nous faire connaître un des petits royaumes indiens avec ses coutumes encore différentes, ses propres règles qui perturbent nos deux enquêteurs, même si Sam y trouve quelque ressemblance avec celles qu'il connait, il ne comprend pas tout, alors imaginez le capitaine !
Comme il nous le dit à la toute fin du roman, il s'est inspiré de "l'histoire des bégums de Bhopal, une dynastie de reines musulmanes qui ont gouverné l'État princier de Bhopal pendant la plus grande période allant de 1819 à 1926".
Comme vous vous en doutez, au-delà de nos deux enquêteurs qui ont peu évolué depuis le précédent opus, le lecteur va faire connaissance avec de nombreuses femmes toutes très intéressantes. Il y a d'abord les épouses du maharajah, puis les femmes du harem qu'ils vont réussir à interroger cachées derrière un paravent, puis la jeune maîtresse occidentale du prince décédé...et enfin Annie Grant dont le capitaine avait fait connaissance précédemment. Toutes sont de véritables femmes fortes, sachant ce qu'elles veulent et souvent aussi des femmes fatales ! Difficile de ne pas tomber sous leurs charmes...
Au-delà de l'enquête et de ses rebondissements, de l'aspect historique que je ne développerai pas ici, puisque déjà fait dans ma précédente chronique, ce roman est à la fois récit de voyage et roman d'aventure, sur fond de politique et de pouvoir. C'est aussi un roman social qui nous montre le poids des traditions, des hiérarchies, et des coutumes du pays.
Il est très plaisant à découvrir car il permet au lecteur d'apprendre beaucoup sur l'époque coloniale et on y retrouve aussi l'humour anglais ce qui en fait une lecture agréable et prenante.
Bon week-end à tous !
La vérité et ses conséquences sont deux choses différentes. La vérité n'entraîne pas davantage la justice que la haute naissance n'entraîne la sagesse...