Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
On oublie les gens. Au bout de trois générations, tout le monde est oublié. Bientôt, il n'y a plus qu'une seule personne qui se souvienne de nous. Notre nom dit vaguement quelque chose à quelqu'un. Et puis nul ne sait que nous avons vécu.
Les événements qui ne se produisent pas sont aussi importants que ceux qui adviennent...
Est-ce un hasard de la vie ou lié à une exploration plus attentive des rayons de ma médiathèque préférée (?), mais ce printemps m'a donné l'occasion de lire plusieurs romans à la fois faciles à lire et émouvants, mais qui demandent réflexions. Voici encore aujourd'hui, un roman très poétique, que j'ai trouvé drôle et empreint de philosophie, qui nous questionne sur le sens de la vie.
Dyja est sage-femme comme l'ont été plusieurs femmes de sa famille depuis des générations. Elle est à son tour considérée comme "mère de la lumière" puisque c'est ainsi que sont nommées les sages-femmes en Islande.
Ses parents par contre, sont à l'opposé de la vie, puisqu'ils s'occupent tous deux d'une entreprise de pompes funèbres, et sa sœur qu'elle adore, est devenue météorologue afin de mieux prévoir les diverses catastrophes qui pourraient venir anéantir la famille, et donner raison à leur mère, toujours inquiète de leur sort, ce qui est bien compréhensible vu son métier.
L'ouragan qui menace la région, n'empêche en rien Dyja de mettre au monde son 1922e bébé et de partager des instants magiques, très forts avec les heureux parents, des parents qui parfois des années après se souviennent encore d'elle et lui manifestent toute leur reconnaissance.
Tandis qu'elle s'emploie à faciliter ces premiers instants si importants pour les familles, et que la tempête fait rage au-dehors, Dyja vit dans l'appartement de sa grand-tante (Tante Fifa, elle-même sage-femme) dont elle a hérité. Elle s'y sent bien malgré la déco vintage et les ampoules qui grésillent, l'installation électrique étant à revoir.
A l'étage, un étrange touriste australien est venu s'installer sans d'autre but que de faire le point sur sa vie.
Un jour, Dyja découvre dans un placard un carton d'emballage empli de manuscrits et de lettres. Il y a là le journal intime de son arrière-grand-mère qui était sage-femme, la correspondance qu'elle entretenait avec d'autres personnes, le récit de ses "voyages" à pied pour exercer son métier quel que soit le temps, et les écrits de Tante Fifa. Elle découvre alors que sa grand-tante a repris le journal manuscrit de l'arrière-grand-mère pour tenter de le retranscrire tout en y ajoutant ses propres réflexions et digressions.
Les lettres et les écrits de l'arrière grand-mère, femme libre et attentive à la cause féminine, sont très émouvantes pour Dyja quand elle les découvre. Elle n'en connaissait pas l'existence. Les propos qu'elle y tient, sont réellement d'avant-garde à tous points de vue. A cela se rajoute les nombreuses digressions sur la vie et la raison d'exister et le résultat des nombreuses recherches personnelles de Tante Fifa, entre autres sujets sur la lumière (comme le lecteur le sait, la lumière vient à manquer une bonne partie de l'année aux habitants de l'Islande), mais aussi sur l'évolution de la société, les hommes et la planète.
Dyja va s'y perdre un peu, le lecteur aussi...car l'auteur nous les livre dans le désordre tel que Dyja en prend connaissance en les lisant, mais c'est nécessaire d'en passer par là car la jeune femme a besoin de revivre ce passé, de mieux comprendre cet héritage qui est le sien, pour s'en libérer et pouvoir enfin affronter sa propre vie.
Chaque fois que ma mère m'appelle , elle a du mal à me dire au revoir et la conversation s'éternise. C'est pareil quand nous nous voyons, elle me serre longuement dans ses bras, réticente à relâcher son étreinte. Je sais bien ce qu'elle pense : chaque fois pourrait être la dernière. En dehors des enterrements, elle refuse de faire des projets. A quoi bon ?
L'homme doit d'abord naître pour pouvoir mourir.
Le centre du monde c'est toujours l'endroit où nous nous trouvons...
Voici un roman d'une grande sagesse qui nous parle d'engagement et d'empathie pour la condition des femmes depuis des générations.
Le ton employé par l'auteur est particulier et je l'ai retrouvé avec plaisir. En effet, même quand elle aborde des sujets graves, ce qu'elle fait dans chacun de ses romans, elle sait y mettre de la poésie, de la légèreté et beaucoup de sensibilité, avec une pointe d'humour et d'autodérision et beaucoup de finesse...surtout dans l'analyse psychologique des êtres humains et de leurs contradictions.
Le roman nous montre à quel point l'être humain est vulnérable et à quel point la vie est fragile et donc à préserver le plus possible, mais aussi il nous invite à en profiter tant qu'elle est là et que l'espoir est là.
Il nous parle aussi de solitude et de l'importance du passé et de nos ancêtres pour se construire, mieux se connaître et trouver un sens à sa vie.
Enfin, il nous livre des réflexions très intéressantes sur la lumière car nous venons de l'obscurité (avant la naissance) pour aller toute notre vie vers la lumière, et il nous faudra beaucoup de courage pour affronter notre quotidien, les échecs et les bonheurs, les doutes et les aléas de l'existence.
Si vous aimez l'action, passez votre chemin car ce roman est encore une fois plutôt contemplatif et il demande de prendre le temps de s'imprégner de l'ambiance toute douce et paisible.
Il m'a cependant manqué un petit quelque chose pour l'aimer autant que les autres romans de l'auteur, peut-être tout simplement parce que j'ai mis plus de temps à trouver un fil directeur à cette histoire.
Si vous désirez lire les chroniques du même auteur, présentées ici sur le blog, il suffit de cliquer sur leurs titres ci-dessous, pour accéder à chacune.
- L'embellie, lu en 2014 ;
- Rosa candida, lu en 2015 ;
- Le rouge vif de la rhubarbe, lu en 2016 ;
- Miss Islande lu en 2020.
Au lieu de ressentir de l'humilité devant le règne animal et végétal, l'homme veut tout s'approprier pour lui seul. Il veut posséder les poissons de l'océan et les rivières cristallines des montagnes, il veut posséder les chutes d'eau, les îles, il voudrait posséder jusqu'au soleil couchant. C'est pour lui un moyen d'oublier qu'il est mortel.
Au cours de ma longue existence, j'ai cherché à comprendre pourquoi l'homme vient au monde. Je le comprends, je le comprends maintenant, j'ai enfin l'impression d'y voir clair : l'homme nait pour aimer.