Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Par manou
Auður Ava Ólafsdóttir est une femme écrivain d'origine islandaise. Après des études à Paris, elle est professeur d'histoire de l'art à l'Université puis directrice du Musée de l'Université d'Islande.
"L'Embellie" édité chez Zulma en 2012 (intitulé "Pluie de novembre" en Islande où il est paru en 2004) est son deuxième roman. Il a été traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson.
Son troisième roman "Rosa candida" a été couronné par le Prix de Littérature de la ville de Reykjavik. Il est paru en France en 2010.
Voici l'histoire
La narratrice aurai-t-elle particulièrement de la chance ?
Après "quatre ans et deux cent quatre-vingt-huit jours de vie conjugale", son mari lui apprend qu'il la quitte : il part avec une de ses collègues de travail qui est enceinte de lui.
Il l'accuse d'être trop indépendante, immature et inorganisée.
"Vivre avec toi, c’est comme être sans arrêt dans un marais en plein brouillard. On tâtonne sans savoir ce qui va se présenter" lui dit-il.
Le même jour, son amant ne veut plus la voir, lui aussi...
Elle décide de prendre des vacances bien méritées. Elle a de la chance en tant que traductrice (elle parle couramment 11 langues) et correctrice, de pouvoir emporter son travail avec elle.
Mais la chance est aussi de son côté car elle gagne, à la loterie des sourds, un bungalow d'été qu'elle fera installer dans le village de son enfance et, dans une autre loterie, une grosse somme d'argent, grâce aux numéros choisis par Tumi, le fils d'Audur, sa meilleure amie qui vient de le lui confier pour le week-end.
Alors qu'elle se félicite de son célibat sans enfant, Audur se casse la cheville et doit être hospitalisée. On lui découvre, par chance, des problèmes de santé et comme elle attend des jumeaux (des jumelles en fait) qui risquent de naître prématurément (comme cela a été le cas de Tumi), les médecins ne veulent pas prendre de risques inutiles...
La narratrice décide alors d'emmener Tumi avec elle dans son voyage vers l'Est, pour des vacances improvisées dans son bungalow d'été.
Mais une exceptionnelle douceur s'est installée sur l'Islande et la pluie tombe sans discontinuer, rendant les routes impraticables, les ponts dangereux à franchir et les habitants dubitatifs, car la jeune femme et l'enfant ne passent pas inaperçus !
Elle, qui n'a jamais voulu avoir d'enfant (le lecteur comprendra au fil du récit pourquoi) s'attache à ce petit bonhomme de 4 ans si fragile en apparence, pas comme les autres car il est presque sourd et très myope, mais intelligent, qui sait lire sur les lèvres, s'exprime en langue des signes et apprend à écrire et à lire tout seul ! "Il existe un monde au-delà des mots"dit-elle pour se rassurer. Il faudra bien qu'avec lui, elle improvise...
Dans la quasi-obcurité de la fin d'automne, le road movie de ces deux êtres délaissés et fragilisés va se dérouler, [presque] comme une voyante l'avait prédit, et prendre un tour magique, imprévisible et joyeux.
Le long de la Nationale 1, ils vont faire des rencontres improbables (mais sont-elles réelles ?) tout en apprenant à mieux se connaître...
Mon avis
C'est un roman tout à fait réaliste et agréable à lire, plein de tendresse et de drôlerie. Il nous parle d'amour, de liberté mais aussi de choses graves comme la fragilité des êtres humains, le handicap et le "brouillard" des sentiments...
En effet, le brouillard est à la fois extérieur (le lecteur entrevoit les paysages, le sable noir, les rochers, la mer, les rivières sorties de leur lit à travers la brume...) et intérieur (aucun des personnages ne sait trop où il en est dans sa vie) !
L'auteure ne porte aucun jugement : elle énonce simplement des faits. Elle décrit le comportement des êtres humains sans expliquer les raisons qui les ont poussés à agir ainsi.
Au fur et à mesure que le passé ressurgit (le texte est alors écrit en italique), le lecteur comprend les traumatismes de la narratrice et pourquoi elle n'a pas voulu avoir d'enfant quitte à éloigner d'elle son mari.
Il comprend aussi pourquoi elle a voulu implanter son bungalow dans ce village au bord de la mer, où se rassemblait sa famille, l'été .
Bien sûr l'auteur crée de toutes pièces les rencontres et les coïncidences...mais elles restent tout à fait crédibles.
La fin du roman donne au lecteur "quarante-sept recettes de cuisine et une de tricot", c'est-à-dire les recettes plus ou moins réalisables de tous les plats évoqués dans le roman, y compris celle du "café imbuvable" et du "blanc de baleine aigre"...avis aux amateurs !!
"Rien ne se présente comme à l’accoutumée, en cet ultime jour de novembre – un jour ténébreux sur l’île ; nous portons tous les deux un pull-over, le mien est blanc à col roulé, le sien est neuf, vert menthe, tricoté main, avec un motif à torsades et une capuche. La température est comparable à celle de Lisbonne le jour précédent, à ce que dit la radio, et l’on prévoit encore de la pluie et un réchauffement. C’est pourquoi une femme seule avec enfant ne devrait pas se trouver sans raison valable sur les routes, dans des zones sombres et inhabitées, et encore moins au voisinage de ponts à voie unique, les routes étant souvent inondées."
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