Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce livre n'est pas une nouveauté puisqu'il est paru en 2009, mais bon quand j'ai vu l'éditeur (Le Rouergue) et la collection (doAdo monde) puis le sujet (une histoire d'amour en prison) j'ai voulu savoir si cette lecture était vraiment faite pour les ados et à partir de quel âge...donc je l'ai emprunté à la médiathèque.
C'est un roman épistolaire qui se présente comme un récit-témoignage, celui d'une histoire d'amour entre deux ados de Harlem, Natasha et Antonio, issus de milieux défavorisés mais que le destin va s'efforcer de séparer malgré tout l'amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre...
"Baby, la première chose qu'il faut que je sache, c'est si tu crois que j'ai tué mon père."
Ainsi commence la correspondance entre les deux ados le 25 janvier 1990, une correspondance qui s'achèvera le 21 mai 2000, dix ans après...Le lecteur est mis aussitôt dans l'ambiance.
Antonio a été emprisonné parce qu'il a tué son père après avoir surpris, une fois de plus celui-ci, en train de tabasser sa mère.
Au début son avocat pense le sauver de la prison : il est mineur et il a des circonstances atténuantes.
Dans leurs lettres, les deux ados ne parlent que d'amour, de leur projet de mariage, de leur vie future ensemble.
Mais lors du procès, Antonio ne réussit pas à garder son calme, durant son interrogatoire. Puis on retrouve, dans ses affaires du lycée, un carnet où il a mentionné toutes les façons dont il rêvait de tuer son père...
Le verdict tombe : Il est condamné à 10 ans de prison.
Pour les deux ados, la réalité rattrape leurs rêves...
Commence alors une véritable descente aux enfers, le désespoir, la solitude, les doutes...
Natasha doit continuer à vivre avec la honte (elle est montrée du doigt par les autres), ses conditions de vie difficiles en famille (son père est mort et son beau-père n'est pas un tendre), le lycée, et son désir de vivre et de poursuivre des études (elle veut devenir avocate et le deviendra) pour se sortir de ce quartier.
Lui, n'a plus qu'elle pour ne pas devenir fou et aussi Mme Harris, qui l'aide à construire un projet de formation et à penser à son avenir. Les conditions de vie dans la prison ne sont pas faciles et, dans les lettres, il raconte souvent les problèmes de violence mais aussi la vie avec ses compagnons de cellule.
Le temps passe : Natasha s'est inscrite à un programme spécial qui lui permet de partir pour l'été à Paris, puis elle est acceptée à l'université...
Parce que tous les deux changent et deviennent plus matures, ils s'éloignent doucement l'un de l'autre, ne croyant plus qu'à moitié aux promesses qu'ils se sont faites...puis plus du tout.
Si la vie à l'extérieur continue, elle semble figée à l'intérieur dans une attente douloureuse et interminable. L'écart se creuse et leur amour n'y résiste pas.
C'est un roman qui se lit d'une traite. Le fait que tout soit raconté dans des lettres permet d'éviter le récit linéaire, ce qui serait ennuyeux. Là c'est comme les pièces d'un puzzle que le lecteur rassemble... Beaucoup de choses sont dites sans chichis et avec une liberté de langage que l'auteur doit bien connaître puisqu'elle est enseignante à Harlem. Les deux personnages sonnent justes.
Les lettres se répondent au début puis s'espacent pour finalement suivre leur chemin parallèle comme si elles ne s'adressaient plus à une personne en face. Elles maintiennent juste le lien.
Ce roman est à réserver aux plus de 15 ans (donc aux lycéens) car le langage, parfois très cru, et les situations violentes peuvent marquer des lecteurs plus jeunes.
Quelques extraits
"Ici, les blacks traînent avec les blacks, les Portoricains avec les Portoricains. Comme dans la vie. Tout le monde a son territoire : y a des frontières imaginaires dans le réfectoire, les douches, les cabines téléphoniques, la cour. Séparés mais INégaux, comme dans la vie."
"Tout le monde me conseille de casser avec toi, mais je ne peux pas. Je ne peux pas te quitter. Je peux même pas y penser, parce que tout ce que je vois c'est toi, tout seul dans ce lieu sordide, et je ne sais pas, ça me fait quelque chose au coeur."
"Faut jamais qu'il t'arrive ce qui m'est arrivé, que tu ressentes ce que je ressens tous les jours quand je me lève. L'impression d'être un graffiti décoloré sur un mur qu'on va bientôt faire tomber - quelque chose sur lequel un homme a beaucoup travaillé pour rendre le monde plus beau, mais que personne n'a su apprécier..."
" On va pas y arriver...on peut plus partager une part de pizza...On peut plus aller au ciné...On peut pas se serrer dans les bras en parlant de toutes les choses qu'on peut faire dans la vie...Pour toi je ne suis qu'un paquet de lettres dans une boîte et quelques photos affichées aux murs...Mais toi tu es bien plus que ça pour moi."