Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Il écrit qu'il viendra par le vapeur le jour de son anniversaire.
Elle n'a qu'une vague idée de lui, forgée année après année, comme les pièces d'un puzzle. Elle se l'est représenté par la grâce des souvenirs semés chez les uns et les autres. D'abord ceux de sa mère qui répète souvent qu'il était grand et beau. Parfois elle ajoute qu'il était pareil au fleuve, obstiné, impétueux, comme s'il avait quelque chose à prouver au monde, Une revanche à prendre sur les obstacles dressés en travers de sa route...
Sa mère refuse de se figurer d'autres vies. Les mots comme "affranchi", "amendement", "droit", "liberté d'entreprendre" ne font pas partie de sa grammaire intime. Ils lui sont étrangers. ils portent en eux des territoires d'abîmes...
Nous sommes en juillet 1878 dans la ville de Memphis. La chaleur est insupportable et la ville étouffe.
C'est alors qu'un homme, Billy Evans, arrivé depuis peu en ville, s'écroule en pleine rue, brûlant de fièvre. Il venait de passer la nuit dans le bordel local de la ville, celui bien connu d'Anne Cook. Avant de mourir, elle l'a reconnu car elle avait fait sa connaissance dans une prison, il y a des années. Elle sait qu'il vient voir, comme promis, sa fille Emmy, qui a treize ans aujourd'hui. Elle se promet de partir à sa recherche...
Devant le vapeur qui était censé lui ramener son père, Emmy vient d'assister à une étrange scène. Un des marins a été débarqué dans une civière et les passagers refoulés et sommés de retourner à bord. Le bateau est ensuite reparti. Il est mis en quarantaine...
Ces deux hommes sont les premiers morts d'une fièvre inconnue qui fera des milliers de morts en quelques jours à peine, se répandant de villes en villes à grande vitesse, au gré des communications de l'époque.
La terreur gagne alors les habitants, les obligeant à tout laisser derrière eux pour se sauver où ils le peuvent du moment que c'est en-dehors de la ville...
Dans la ville, Keathing est journaliste et dirige le journal local. Il ne se défend pas de ses idées racistes. Il est proche du Ku Klux Klan qui règle encore ses comptes avec les noirs du pays, pourtant aujourd'hui devenus libres, et c'est fréquemment que le matin, les habitants découvrent un homme pendu durant la nuit, qui a été au préalable torturé avec toute la violence dont les hommes sont capables. Mais devant le fléau qui les touche, coûte que coûte, Keathing va décider de continuer à publier pour informer la population de l'évolution de la maladie.
Raphael T. Brown, un ancien esclave devenu libre qui se bat pour faire reconnaître ses droits, va avoir l'idée de créer une milice locale pour éloigner les premiers pillards qui débarquent nombreux en ville pour faire commerce des trésors qui se trouvent dans les maisons abandonnées. Le voilà en première ligne à présent, pour défendre cette ville et ses habitants qui ne voulaient pas de lui.
Anne Cook, pendant ce temps va transformer sa maison close en hôpital de fortune.
Quant à Emmy, je ne vous dirai rien de ce qui l'attend mais son rôle dans le roman est tout aussi important...
Dans ce roman captivant, qu'on ne peut lâcher dès les premières lignes, tant il est riche en événements, l'auteur nous plonge dans une histoire vraie qui, encore une fois, ne peut laisser le lecteur indifférent.
Les hommes sont confrontés à une épidémie qui les dépasse et que les médecins ne savent pas soigner : ça vous rappelle quelque chose n'est-ce pas mais depuis, je vous rassure, la médecine a fait des progrès et un vaccin existe pour la contrer puisqu'il s'agit de la fièvre jaune.
Là, dans ces circonstances si particulières, des hommes vont se révéler dans leur vraie nature : les plus humbles et discrets, deviendront des héros tandis que ceux qui, racistes, ne semblaient pas devoir se remettre en question vont changer de points de vue et que d'autres, enfin, que l'on pensait pourtant honnêtes et disposés à aider leur prochain, vont fuir comme des lâches et parfois même continuer à semer le mal autour d'eux, même une fois au loin.
L'auteur nous livre une analyse psychologique d'une grande finesse et nous offre tout un panel de personnages attachants et magnifiques. C'est donc un roman édifiant sur la nature humaine qui est la fois tragique, mais aussi profondément réaliste, car il s'interroge sur notre capacité à surmonter la vie quotidienne quand survient une catastrophe qui nous dépasse et nous terrifie...
Un roman choc dans lequel j'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteur de "Ces rêves qu'on piétine" et de "Le coeur battant du monde" tous deux présentés sur le blog.
Je vous invite à aller lire l'avis d'Alex ICI.
Les Noirs n'ont qu'à bien se tenir. Ils restent des esclaves, même si la loi du Nord leur a donné le droit de choisir leur champ, leur maitre et leur foyer.
C'est une mêlée folle, l'épouvantable image d'une ville prise de panique, mise en échec, sans ligne de front visible. La mort va frapper sans égard. Elle ne discernera pas les bonnes ou les mauvaises fortunes, les qualités des gens...
La raison craque comme un vulgaire tissu.