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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Du côté sauvage / Tiffany McDaniel

Editions Gallmeister, 2024

Editions Gallmeister, 2024

C'était mamie Milkweed qui nous apportait des feutres et veillait à ce qu'on ait toujours assez de rouge pour colorier le dos de la coccinelle, assez de bleu pour le ciel, assez de vert pour donner vie aux collines. On dessinait même notre mère et notre père. On les faisait sourire, parce que c'étaient des dessins, et dans les dessins, vous n'êtes pas obligé de dire la vérité.

L'histoire se passe à Chillicothe, dans l’Ohio, au pied d'une papeterie qui émet sans discontinuer odeurs et fumées sur la population locale mais offre aussi son lot d'emplois. Mais comme le raconte souvent le papa d'Arc et de Daffy, ce n'est pas l'usine, ce sont les "chevaux qui galopent sous la terre" qui font toute cette poussière dans laquelle ils vivent...  

Arc et Daffy sont deux jumelles inséparables. Elles sont rousses et ont les yeux de couleurs différentes, un bleu et un vert, disposés en miroir.

Le moins qu'on puisse dire c'est qu'elles n'ont pas eu une enfance heureuse. Elevées un temps par leur merveilleuse grand-mère, dans un cocon familial sécurisant et empli de belles expériences, elles vont être reprises par leurs parents tous deux d'anciens toxicos qui ont promis de rester clean, mais vont replonger.

Leur situation familiale s'aggrave à la mort de leur père d'une overdose. C'est désormais au milieu du désordre, des seringues usagées, de la télé qui marche toute la journée pour occuper leur tante venue vivre avec elles et, près de Addy leur mère, couchée en permanence, qu'elles vont tenter de grandir, aidées de temps en temps par leur grand-mère "mamie Milkweed" (d'après le nom de l'asclépiade, plante qui constitue l'unique nourriture de la chenille des papillons monarques). Celle-ci ne vient à la recousse que lorsqu'on le lui demande, mais elle prend de l'âge et ne ne va pas tarder à disparaitre dans un terrible accident, devant la porte même de sa maison. Le sort semble s'acharner sur la famille...

Au fil des différents chapitres qui constituent cette lente descente aux enfers, les deux gamines vont tenter d'éloigner l'Araignée (un des hommes de passage dans la maison pour leur mère qui visite aussi leur chambre), tout en rêvant comme seuls savent le faire les enfants, et en se réfugiant dans leurs jeux, dans les croyances poétiques de leur grand-mère, seule personne encore debout dans cette famille. 

Elles dessinent sur le sol les repas qu'elles ne prennent pas, parce qu'il n'y a rien à manger à la maison, dessinent aussi le gâteau d'anniversaire et les cadeaux qu'elles voudraient avoir, mais qu'elles n'ont jamais, et partagent leurs rêves...

C'est alors qu'elle est devenue adulte qu'Arc découvre le cadavre d'une femme dans la rivière. Elle ne sera pas la dernière...et peu à peu le tueur va s'en prendre aussi à ses amies, les unes après les autres et Arc se demande sans cesse qui est le tueur, et qui sera la prochaine, car il a l'air de bien connaître certains de leurs secrets. 

Arc n'arrivera pas à tenir Daffy à l'écart de la drogue, de la prostitution et des "araignées" donc de la violence et du mépris des "johns" ces hommes qui les paient pour cela, et qui leur permettent d'acheter leur drogue, les fameuses "couronnes". Elle le lui avait pourtant promis...

Arc et sa soeur Daffy, leurs amies Sage Nell, Thursday, Violet, Indigo, Harlow tentent le centre de désintoxication pour s'en sortir, mais il est tellement facile de retomber quand on ne s'éloigne pas des lieux de la malédiction, même si on lutte à plusieurs, qu'on se prend pour des "reines de Chillicothe"...et qu'on pratique certains rituels au bord de la rivière. 

Comment tenir ses promesses quand on vit dans un tel milieu ? Pas facile de sortir de cet engrenage, de recoudre les fils du "côté sauvage" de l'existence, comme la grand-mère le faisait pour l'envers, le côté sauvage de sa couverture tricotée en laine. Pas facile de fuir les fantômes de l'enfance et les peurs viscérales... 

Nous autres, les êtres humains, avons toujours connu la douleur. L'histoire nous le dit dans les vestiges que les différentes civilisations ont laissés derrière elles.
...
Tandis que la drogue courait dans mes veines, je me sentais détachée de cette douleur. C'est la sensation inaccessible qu'elle vous donne. C'est le sale tour qu'elle vous joue.
Ce qu'elle ne vous dit pas, c'est ce qu'elle vous prend en échange.

La dépendance est une voleuse. Elle nous vole les minutes du jour. La couleur du ciel. Elle vole le héros de l'histoire, les feuilles sur les arbres, la réponse à la question "Qui suis-je ?"La voleuse ne disparait pas complètement parce que vous avez cessé de vous planter une aiguille dans le bras. L'abstinence est juste une meilleure cachette pour les minutes du jour, la couleur du ciel et la réponse à la question...

Je touchais l'eau avec mes mains nues et la rivière, en réponse, me toucha avec les siennes. J'avais envie de laisser mon ancienne vie derrière moi aussi facilement qu'on laisse une tasse sur le plan de travail avant de partir. Je demandai à la rivière si c'était possible. Et elle me dit tout sauf les mots oui et non.

Ce livre est magnifique, mais il n'est pas à mettre entre toutes les mains tant il est sombre, très très sombre. D'ailleurs arrivée au 2/3 du roman j'ai fait une pause, en me demandant pourquoi je me torturais ainsi ! Mais à défaut d'avoir trouvé la réponse, j'ai repris ma lecture et je ne l'ai pas regretté une seule minute tant ce roman est fort et marquant comme tous ceux de l'autrice lu précédemment. 

- Betty présenté ICI.

-L'été où tout a fondu, présenté  ICI.

S'inspirant d'un fait divers réel, l'autrice nous offre un roman social et familial terriblement poignant et éprouvant sur les junkies, la prostitution et surtout l'enfance maltraitée.

En effet, dans ce petit village proche du lieu d'habitation de l'autrice, Chillicothe, anciennement appelée Chala-ka-tha par les tribus autochtones qui vivaient là avant l'arrivée des Blancs, six femmes disparurent entre 2014 et 2015. Deux n'ont jamais été retrouvées mais le meurtre des quatre autres n'a jamais pour autant été élucidé. Les victimes étaient toutes des droguées ou des prostituées, elles vivaient en marge de la société et les habitants du village ne se souciaient pas d'elles... 

Durant les neuf parties qui constituent le roman, l'autrice donne la parole à Arc, la narratrice pour rendre un hommage époustouflant et glaçant à ces femmes disparues qui comptaient si peu pour leur entourage et subissaient la violence des hommes à tel point que personne n'a cherché à savoir pourquoi elles avaient été tuées et par qui surtout, étant donné qu'elles étaient toutes des prostituées et des droguées. 

Malgré le drame, la tristesse de ces faits absolument révoltants (mais où sont passés les services sociaux ?!), l'autrice nous offre un roman lumineux mêlant la beauté et la laideur du monde, l'innocence de l'enfance et la violence des adultes,  qui nous parle d'amour entre soeur, de la perte d'un être cher, d'amitié, de générosité et de solidarité entre femmes, de la beauté de la vie, de la poésie héritée de leur grand-mère, un peu sorcière, qui efface par ses propos la noirceur du côté sauvage de l'existence. Même la rivière a une âme...

Les personnages sont profondément humains et marquants ce qui rend cette lecture encore plus difficile à supporter. Quant on lit les extraits du journal intime de la maman et combien elle a été heureuse de reprendre ses filles, comment elle était pleine d'espoir de devenir enfin une bonne mère, quant on écoute Thursday parler de sa grossesse (qui n'arrivera pas à terme) ou Violet bâtir son projet professionnel qui lui permettrait de reprendre la garde de sa fille et que nous savons que rien de tout cela ne pourra aboutir, un immense sentiment d'impuissance nous envahit. Comment peuvent-elles espérer échapper à leur destin ? Elles semblent toutes marquées par un destin qui ne peut que se transmettre de génération en génération...alors que chacune d'entre elles n'aspire qu'à s'éloigner de cette noirceur quotidienne, de la destruction inexorable de leur corps et de cette boue qui les entraine inexorablement vers leur perte. 

Comme à chacune de mes lectures de cette autrice, j'ai choisi mon moment pour me plonger dans cette lecture éprouvante car on ne sort pas indemne d'un tel roman, et on ne peut passer à autre chose facilement d'autant plus que la fin que je ne vous raconterai pas, est stupéfiante même si j'avais commencé à me douter d'une telle fin au cours de ma lecture de ces 700 pages.

Quand le côté sauvage devient insupportable dit-elle, vous prenez une aiguille et vous faites rentrer les fils.
_ Une aiguille ? demanda ma soeur en regardant l'objet.
_ On peut transformer le côté sauvage en beau côté avec une aiguille.
Mamie Milkweed me reprit l'aiguille et se remit à rentrer les bouts de fil elle-même.
Nous restâmes silencieuses, tandis que les larmes coulaient doucement sur ses joues vieillies.

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L
J'avais beaucoup aimé Betty mais déjà ce fût une lecture éprouvante ! Je me note les deux autres titres de l'autrice que j'aimerais beaucoup découvrir.
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S
Très sombre mais intense, je crois qu'il me plairait, je vais le noter, merci Manou. Belle semaine à toi. Bises.
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V
J'ai hésité, un court moment, mais je ne pense pas le lire... le côté sombre à ce point-là, bof bof. Et puis, je fais partie des rares qui n'avaient pas tellement aimé Betty...
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P
"Betty", je connais, mais je ne l'ai pas lu. Celui-ci m'est inconnu. <br /> 700 pages et sombre ! Il faut donc s'accrocher !
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A
Une lecture qui fut émouvante, un personnage que je n'oublierai pas.
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G
Un univers beaucoup trop sombre et glauque pour moi. mais j'ai dans ma PAL l'été où tout a fondu, donc je découvrirai cette autrice, en espérant que ce titre soit un peu moins dur à lire.
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R
Bonjour Manou, ton analyse de "Du côté sauvage" est tout simplement bouleversante, tu as su décrire avec une grande sensibilité les épreuves traversées par les personnages et la profondeur de ce roman, ta plume met en lumière la beauté et la douleur de cette histoire, et ton récit est une véritable invitation à la réflexion, merci de partager cette lecture intense et marquante, bonne journée Manou.
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F
Je n'ai toujours pas lu cette autrice dont les romans rencontrent pourtant beaucoup de succès auprès de leurs lecteurs. Je ne suis pas sûre d'y trouver mon compte. Ton commentaire sur le fait que ce soit particulièrement sombre me fait déjà hésiter ici, mais il faudra que je la lise un jour quand même, par curiosité.
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M
Choisis bien ton moment sinon je comprends ton hésitation. Perso je l'ai découverte comme beaucoup d'entre nous avec "Betty" qui est en partie autobiographique puisqu'elle y parle de sa mère...il m'avait bouleversé.
E
je n'ai pas envie d'aussi sombre en ce moment, mais ça a l'air fort!
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M
Je peux le comprendre, voilà pourquoi j'alterne mes lectures mais pas forcément mes présentations sur le blog...
B
Les amateurs de lecture sombre vont se régaler.
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A
Je n'ai pas lu Betty et celui-ci à l'air encore plus sombre. Je ne sais pas si je le lirai un jour .. je ne ferme pas la porte, mais pas pour le moment.
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M
Il n'y a aucune urgence, je pense qu'on va entendre encore parler d'elle et de ses romans...
S
J'ai adoré Betty et je vois donc la dureté dont tu veux parler, mais aussi toute la beauté qui peut jaillir sous la plume de Tiffany McDaniel. Je le note pour un moment à bien choisir en effet.
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M
C'est exactement ça dans la noirceur il y a toujours de la lumière et c'est ce qui est beau dans ses romans...si tu as adoré "Betty" tu aimeras celui-là. Mais choisis ton moment...
M
Même si ce livre est sombre, j'aimerais le lire... merci de nous le faire connaître
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P
Coucou Manou,<br /> Si le début de ta présentation me plaisait à mesure que je continuais à te lire je n'accrochais plus. Pas parce que tu racontes mal bien au contraire. Mais pour la dureté de ce roman qui me semble d'une grande dureté.<br /> Bonne fin de journée Chère Manou. Bises
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M
Bonjour Manou,<br /> Ce livre m'a intérressée, je viens de le télécharger!<br /> Merci pour la présentation.<br /> Bises.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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M
J'espère qu'il te plaira ce qu'elle écrit est toujours très fort ! Bisous et une belle journée
S
Ce livre est à rapprocher, je crois, de "On m'appelle Demon Copperhead" de Barbara Kingsolver. Il raconte aussi les ravages de la drogues, toutes ces vies gâchées et ces espoirs perdus. <br /> Malgré la noirceur du sujet, il semble y avoir de bien belles choses dans ce roman.
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M
En effet la plume de Tiffany Mac Daniel est toujours belle et poétique malgré la noirceur évidente des histoires qu'elle raconte, c'est ce qui fait que ses romans sont marquants...Je connais Barbara Kingsolver mais je n'ai pas encore eu ce titre dont tu me parles, j'attendrai un peu pour le rechercher en médiathèque si le sujet est proche.
D
Merci pour ta présentation sincère de ce livre. Il faut en effet bien choisir son moment pour lire ce roman et en affronter la noirceur.
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D
Une très belle présentation de ce livre, mais je ne le lirai pas, trop sombre pour moi.<br /> Passe une belle journée<br /> bises
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C
en te lisant, je me suis retrouvée dans ces pages noires qui décrivent si bien la situation de ces femmes ... oui, ce livre est dur et pourtant même si l'on souffre en le "pénétrant", nous sommes bien loin de ce qu'elles ont eu a vivre au pied de cette rivière sauvage qui a une âme .<br /> amitié .
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M
Les romans de Tiffany McDaniel sont très réalistes, elle s'inspire d'histoires vécues, là des faits divers révoltants qui nous font réfléchir sur le principe d'égalité qui est censé régir nos sociétés...
E
J'avais beaucoup apprécié "Betty", aussi je lirai ce livre que tu nous présentes aujourd'hui. Merci pour ce conseil.<br /> Passe une belle journée Manou.
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