Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voici aujourd'hui pour bien commencer le mois de novembre, le premier recueil d'une nouvelle collection à destination des amateurs de SF, sorti en librairie la semaine dernière. Intitulée "Abécédaire de l'imaginaire", coréalisée par l'Asiathèque et la revue allemande "Kapsel" qui publie des textes de science-fiction chinoise contemporaine depuis 2017, cette collection démarre par un titre commençant par la lettre "A", lettre que nous voyons donc apparaitre en grand sur la couverture. Elle sera entièrement consacrée à la Science-Fiction chinoise et européenne. Tous les textes seront bâtis autour d'une nouvelle chinoise qui sera suivie par des récits européens inédits, écrits en écho au premier récit, et illustrés par de jeunes artistes-étudiants de la Haute Ecole des arts du Rhin (HEAR).
Le livre lui-même est déjà un objet original : 152 pages à peine, petit format (12 x 18 cm), couverture et illustrations intérieures dans les tons rose, bleu et blanc et, police de caractère et mise en page, faisant penser à celles d'une revue.
Ce petit livre est à découvrir et à offrir aux fans ou à ceux qui, par curiosité, veulent découvrir la science fiction d'aujourd'hui.
Dans ce premier recueil constituée de trois nouvelles, vous allez découvrir ce que pourrait devenir le monde de demain...
Chen Qingyen trouva la cérémonie longue et fastidieuse. Ce ne fut que lorsque les jeunes filles se mirent à rire et à chanter l'hymne de la vie, puis à planter les fruits de leurs arborescents qu'un peu de joie gagna la place toujours baignée de lumière froide. Quel peuple étrange, pensa-t-il. Seules les femmes connaissent une vraie naissance, alors que les hommes doivent être élevés pendant deux ans à partir de ces fruits....
La première nouvelle "Le nid" a été écrite par l'autrice chinoise, Chi Hui. Elle est traduite du chinois par Gwennaël Gaffric (qui avait déjà participé à la traduction de "Perles", voir ICI sur mon blog et "Taipei" dont il avait aussi écrit la préface, voir ICI sur mon blog. Il dirige actuellement chez l'Asiathèque, la collection « Taiwan Fiction ».
Sur une lointaine planète, "Tantatula", vivent les Tanla qui forment une société matriarcale. Durant les deux premières années de leur vie, les hommes ressemblent à des arbres. Les femmes les élèvent dans des pots avant de les "libérer". La jeune Tanla et son "arborescent" forme alors un couple de "gémeau" dont les deux membres ne peuvent être séparés.
Mais dans ce monde paisible où tout est bien réglé, James Sun, un être humain, se faisant passer pour un biologiste, enlève une jeune Tanla et son gémeau et les oblige sous la menace, à se rendre dans leur lieu sacré, sous terre, pour lui servir de guide. Or il est interdit d'y pénétrer et encore moins avec un "passant".
Qui est-il ? Pourquoi veut-il défier les lois ancestrales ? La paix entre les humains, possesseurs des routes de la planète et les Tanla, propriétaires de la terre est-elle menacée ?
Chen Qingyan, un autre passant demande à la Guide du nid, de lui venir en aide afin de stopper James Sun avant qu'il n'atteigne son but. Il devra pour cela en apprendre davantage sur ce peuple étrange et sur leurs coutumes et découvrir l'étendue de leurs connaissances et leur secret bien gardé au fin fond de la terre.
Le "nid" est une histoire originale, pleine de rebondissements qui nous tient en haleine jusqu'au bout...
Dans la seconde nouvelle, "Une fluctuation dans le vide" de Aiki Mira, traduite de l'allemand par Miléna Yung et Thomas Herth, le lecteur va côtoyer une larve qui ne sait pas encore si elle deviendra mâle ou femelle, ni qui elle est, ni à quoi elle ressemble. Elle ne ressent que des sensations diffuses. A Cosmo Park, une station spatiale où elle vit, elle se sent très seule. Dans ce lieu dénué d'humanité, les corps ne sont que de simples enveloppes, pas vraiment vivantes, des structures artificielles qu'il faut recharger de temps en temps, comme de simples batteries...
Certaines "larves" rêvent de s'enfuir, d'atteindre des planètes "où les corps poussent comme de l'herbe". C'est ce que la narratrice va décider de faire en devenant une fugitive et en tentant de monter dans un des vaisseaux spatiaux, susceptible de lui faire quitter cette station pour une autre, mais avant, il va lui falloir changer d'apparence. Une pirate de l'espace va lui venir en aide, bien entendu, je ne vous dirai pas comment elle va s'y prendre... "Une fluctuation dans le vide" est une quête d'identité et une touchante histoire de liberté et d'amour.
Enfin la troisième nouvelle "Marginalia" a été écrite par luvan, nom de plume de Marie-Aude Matignon. Elle se présente sous la forme d'un récit épistolaire qui raconte des événements se déroulant sur la planète Kegin qui a été colonisée par des femmes sous la contrainte. Elles seules en effet peuvent métaboliquement y vivre car elles ne peuvent pas muter, ce qui serait le cas des hommes. Cependant ceux-ci, qui les ont chassé de leur lieu de vie sur Terra, continuent à garder le pouvoir et ne distillent les informations utiles pour leur survie qu'au compte goutte...
Après la mort de Marta, sa mère, la narratrice entreprend d'envoyer une copie de toutes les lettres que celle-ci a envoyées sur Terra et qui sont restées sans réponse, espérant en obtenir enfin, à présent que la plupart d'entre elles ont survécu aux séismes et autres catastrophes naturelles. Depuis toujours, elle veut savoir pourquoi les hommes les ont exilées sur cette planète dangereuse, comprendre pourquoi Norah, sa jeune soeur, est différente d'elle depuis sa naissance...
Malgré des difficultés de communication, les habitantes de Kegin qui désormais forment deux groupes physiologiquement distincts, vont s'unir et se rebeller pour contrer le pouvoir central et interdire aux hommes l'accès à Kegi. Je ne vous dirai pas comment.
Voilà une histoire surprenante qui fait l'éloge de la différence et prouve qu'elle n'est pas une entrave ni à la communication, ni à l'action, ni à la tendresse...
Ce recueil a été une bonne surprise pour moi qui aie beaucoup lu de SF dans mes jeunes années, une jolie façon de renouer avec ce genre littéraire qui je le découvre, a su évoluer pour se moderniser. De plus, je ne connaissais pas du tout la SF chinoise et la première nouvelle m'a beaucoup plu. Il faut noter que les nouvelles sont suffisamment longues pour que le lecteur ait le temps de s'imprégner de l'ambiance, des lieux et des habitudes toutes plus originales les unes que les autres, des habitants. Bien évidemment, vous l'aurez compris, sous couvert de SF, ces trois nouvelles ont été écrites pour nous faire réfléchir sur l'évolution de nos sociétés modernes et leurs dérives. Il y est question d'identité, de pouvoir (politique ou social), mais aussi de valeurs humaines...entre autre.
Vous pouvez retrouver la biographie des trois autrices ainsi que celle de leurs traducteurs et de toutes les personnes ayant participé à la création de cette nouvelle collection, ICI sur le site de l'Asiathèque.
Merci à Pascaline pour sa confiance et l'envoi de ce livre en service de presse.