Retour à Killybegs / Pierre Alary d'après le roman de Sorj Chalandon

Voici un roman graphique qui doit être lu de préférence après avoir lu le roman éponyme de Sorj Chalandon présenté ICI sur mon blog et la BD de Pierre Alary, intitulée "Mon traître" présentée ICI. 

Dans "Mon traître" en effet, Sorj Chalandon présentait l'histoire du point de vue d'Antoine (l'auteur donc), ce petit luthier parisien qui était tombé amoureux de l'Irlande et avait un peu par hasard adhéré à la cause irlandaise. Lors de cet engagement, il avait intégré un groupe d'amis qui lui avait présenté Tyrone Meehan...lequel les avait trahis en travaillant pendant plus de 20 ans pour les services de renseignements britanniques. 

Là dans ce second opus, nous sommes en 2007 et c'est désormais Tyrone qui prend la plume pour raconter l'histoire de son point de vue à lui. Il veut donner sa propre version des faits maintenant, avant que les autres parlent à sa place. Il a été dénoncé par les anglais, a été longuement interrogé par l'IRA, puis relâché. 

Tout le monde sait à présent qu'il a trahi.

Il s'isole et retourne s'installer à Killybegs dans la maison de son enfance. Tyrone y attendra la mort enfin libre car jamais dans sa vie il n'a eu le choix...c'est ce qu'il va nous raconter. 

Il fait le récit de son enfance avec un père alcoolique et violent qui les laissera à sa mort encore davantage démunis, de l'exil qui poussera sa mère à s'installer à Belfast pour espérer trouver du travail, de son engagement et de son emprisonnement, de son amour pour Sheila... 

Le lecteur apprend pourquoi il a été obligé de mentir et de trahir.

Comme dans le roman, le récit alterne entre l'enfance de Tyrone, et son engagement politique. Le conflit irlandais est là en toile de fond encore plus présent dans ce récit que dans le précédent.

C'est encore une fois une bande dessinée magnifiquement adaptée du roman éponyme, un récit empli d'humanité. Le lecteur va comme dans le roman découvrir à quel point la vie de Tyrone a été compliquée et retrouver avec plaisir les héros du récit précédent, tout en faisant connaissance avec de nouveaux protagonistes. La mère est émouvante, le père est un des personnages marquant qui a joué un rôle important dans la destinée de Tyrone, entre autres. 

Pierre Alary a su comme dans "Mon traître" nous faire ressentir parfaitement l'émotion particulière qui nous a envahie à la lecture du roman. Il utilise pour cela son trait minutieux et précis pour transmettre avec réalisme les différentes situations et donner aux visages des personnages une expression qui sonne toujours juste. Il utilise aussi les couleurs comme vous pouvez le voir sur les quelques planches que je vous mets en illustration (toutes empruntées sur internet) pour nous faire partager l'ambiance sombre ou lumineuse du récit. 

Comme dans le roman, l'auteur ne porte aucun jugement, nous laisse nous faire notre propre opinion sur cet homme, à la fois héros et traitre qui par amour de son pays a sacrifié tous les siens. On se surprend à vouloir le comprendre, à ressentir de l'empathie et même de l'admiration pour lui, tout en n'oubliant à aucun moment qu'il a trahi. Des sentiments ambigus animent donc le lecteur, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. 

A lire absolument, et si vous n'aimez pas les BD, si vous vous intéressez à l'histoire contemporaine, lisez les deux romans ! 

La lecture de cette BD me permet de participer encore une fois au challenge de Géraldine "Lisez votre chouchou".