Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
ça fait quoi, Tyrone, de tenir une épaule devant un lac noir, de serrer la main que l'on trompe, de vendre l'amitié, l'amour, l'espoir et le respect ?
Voilà un roman graphique écrit et dessiné par Pierre Alary, un auteur de BD que je ne connaissais pas.
Je suis heureuse d'avoir découvert cette BD après la lecture du roman éponyme de Sorj Chalandon que j'ai présenté ICI sur mon blog et que j'avais beaucoup aimé (lu en 2015). Si vous voulez connaître l'histoire en détails je vous propose de cliquer sur mon lien.
Il s'agit d'un épisode particulièrement douloureux vécu par Sorj Chalandon. En 1977, alors qu'il est en tant que journaliste en train de couvrir le conflit en Irlande, il fait connaissance d'un militant de l'IRA avec lequel il va se lier d'amitié. Il s'agit de Denis Donaldson (Tyrone Meehan dans la fiction). Trente ans après alors qu'il le considère toujours comme son mentor, son père d'adoption, il apprend abruptement que ce dernier les a tous trahis, car en échange d'argent, il donnait des renseignements aux anglais.
L'histoire commence alors qu'Antoine (Sorj Chalandon) petit luthier parisien passe quelques jours en Irlande. Il se rend en Irlande du Nord où il va faire la connaissance de Jim et Cathy qui deviendront ses amis et l'hébergeront dans la chambre de leur petit garçon décédé. Ils lui feront connaitre leur groupe dans lequel tous les membres font partie du mouvement républicain irlandais, et mènent des actions pour l'IRA. C'est eux qui vont le présenter à Tyrone Meehan, responsable de l'IRA, un vétéran charismatique qui se bat au quotidien pour son pays et dont le fils est en prison.
C'est lui le traitre !
Peut-on aimé son pays et le trahir ?
Qui était le vrai Tyrone ?
Leur amitié était- elle réelle ou Tyrone s'est-il simplement servi d'Antoine et de tous ses amis ?
Il m'a regardé en me disant de rester ce que j'étais. Que je leur apportais à lui, à Jim, Cathy, Sheila, à tous, autre chose que ce qu'ils s'apportent les uns les autres. Il ne laisserait jamais personne se servir de moi.
Personne ne naît tout à fait salaud, petit français. Mais on en a tous un bien planqué dans notre ventre. Le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce. Et maintenant, il va falloir te battre contre le tien, petit français, celui que tu nous caches.
Cette adaptation est une parfaire réussite sur plusieurs plans.
Tout d'abord elle donne comme dans le roman la parole au jeune luthier Antoine, qui n'est autre que l'auteur lui-même comme c'est le cas dans le roman.
Elle est donc fidèle à l'histoire et même au texte de Chalandon. Au cœur de l'histoire, dans les bulles comme entre deux planches on trouve des extraits du texte et de l'interrogatoire du traitre par l'IRA, tapés à la machine.
La BD est fidèle aussi à l'ambiance. Le graphisme traduit la joie, la peur, l'expression des visages avec beaucoup de réalisme permettant au lecteur de passer par toutes les émotions possibles. Les couleurs chaudes ou froides rajoutent à la sensation de vivre en Irlande au cœur même du conflit, de comprendre les réactions du peuple, ses désirs, ses émotions, sa douleur ou sa rage. Grâce au choix monochromatique de certaines planches, le lecteur passe d'un sentiment à un autre facilement, par exemple de la violence à des instants plus heureux de partage.
"J'avais envie de raconter une belle histoire comme ça, mais, surtout, en conserver les mots, et toute sa douleur. M'approprier une émotion et la raconter en dessin..." dit Pierre Alary à la fin du livre.
Je ne vous en dirai pas davantage pour ménager le suspense. Mais je vous conseille tout de même pour apprécier pleinement cette BD de lire d'abord le roman qui donne davantage de détails bien entendu non seulement sur l'histoire et les origines de ce conflit qui a marqué l'Europe du Nord, mais aussi sur le ressenti des différents protagonistes.
Il faut donc à présent que j'emprunte pour la lire la suite intitulée, "Retour à Killybegs" en BD qui cette fois donne la parole au traitre. Voir la chronique du roman ICI.
La lecture de cette BD me permet de participer au challenge de Géraldine "Lisez votre chouchou".