Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce troisième opus est le premier volet du cycle II de cette série sur le thème de l'adoption. Il fait suite à l'Adoption (1) : Qinaya, présenté ICI et à l'Adoption (2) : La Garua présenté ICI sur le blog. Mais ne vous attendez pas, si vous les avez lu, à retrouver les mêmes personnages. Il n'en est rien. Le thème commun est bien celui de l'adoption et les auteurs veulent nous montrer les différentes motivations qui peuvent pousser un couple à adopter, les circonstances, et les comportements humains autour de ce sujet.
Ce cycle II est également un dyptique que j'ai eu la chance de recevoir à la maison grâce à une Masse Critique privilégiée de Babelio que j'en profite pour remercier ici ainsi que l'éditeur. Malheureusement les livres sont arrivés pendant mon absence et j'ai donc pris le temps de les lire avant de vous les présenter.
On a accueilli cet enfant. On lui offre un foyer, on lui donne tout notre amour...Et voilà comment il nous remercie...
- Il a passé la moitié de sa vie en enfer ?..."
- Oui eh bien, maintenant, l'enfer, il l'a ramené chez nous !
Dans cet opus, Wajdi arrive tout droit du Yémen. Il a 10 ans et n'a toujours connu que la guerre durant laquelle sa soeur et ses parents biologiques ont disparu. Ses parents adoptifs, Gaëlle et Romain l'accueillent avec joie, par une fête totalement déplacée (avec champagne et toute la famille ou presque réunie) mais totalement concevable pour eux qui vivent dans un milieu aisé et n'ont jamais manqué de rien.
Ils tombent de haut, car très vite ils se rendent compte que le jeune garçon n'aime pas qu'on l'approche, ne supporte aucun contact, encore moins un câlin, ne parle pas un mot de français et que de plus il se moque de tout ce qu'ils ont préparé pour lui, chambre magnifique ou jouets à profusion, n'ayant connu que la violence, la faim, et les souffrances.
Les seules personnes qui lui manifestent un peu de soutien sont la grand-mère âgée qui cherche à comprendre ce qu'il a vécu et sa nouvelle grande soeur, Esterina qui est lycéenne et essaie de l'aider à s'adapter. Elle est la seule à se mettre à son niveau pour lui parler et le regarder dans les yeux.
Ne comprenant pas le monde dans lequel il a atterri, ne comprenant rien à ce qui se dit autour de lui, Wajdi interprète de travers les gestes les plus anodins, les bruits inconnus qui lui font peur. Il va apprendre très vite à dire non et réagira avec une violence disproportionné aux événements.
Ses parents adoptifs ne comprenant pas son comportement, le jugeant ingrat alors qu'il devrait se montrer enthousiaste devant leur belle maison, la chambre superbe et la salle de bain aux multiples boutons tous aussi dangereux les uns que les autres pour le jeune garçon qui n'en a jamais utilisé, ils prennent alors une décision incroyable...qui laisse le lecteur anéanti.
- Je suis comme... désorientée, Giacomo. Vois-tu, Wajdi semble répugner au moindre contact physique.
Et moi, tu me connais, je suis très "touche-touche".
- Il a peut-être été victime de violences physiques. Qu'est-ce que vous en savez, après tout, de la vie de ce gamin.
- Pas grand-chose.
J'avais beaucoup aimé les deux premiers tomes sur le sujet de l'adoption avec une préférence marquée pour le premier qui m'avait profondément émue. Zidrou n'a pas son pareil pour nous faire réfléchir, nous mener là où on ne pensait pas aller. J'avais été en particulier touchée en plein coeur par le personnage de Gabriel, ce grand-père bougon et maladroit mais empli de tendresse, par l'humanité des situations et les passages drôles, touchants et réalistes qui mettaient en lumière nos rapports humains intrafamiliaux. L'émotion était au rendez-vous à chaque page.
Celui-ci est différent...parce que la famille est différente et surtout, ce qui est important, a des motivations différentes pour adopter un enfant déjà grand, motivations que nous comprendrons au fil du récit.
Romain est dentiste et a l'impression de faire une bonne action aux yeux du monde en adoptant. Sa femme Gaëlle voulait un autre enfant depuis longtemps pour masquer son ennui quotidien, remplir un manque... J'ai l'impression bizarre qu'ils ne se sont pas préparés du tout à la venue de leur fils adoptif, n'ont pris aucun renseignement sur lui, sur sa famille ou sur sa vie dans son pays d'origine. Pour eux tout ce qui compte c'est l'image qu'ils renvoient à leurs amis, membres de la famille et connaissances. De plus, ils ne se mettent à aucun moment à la place du petit garçon qui a laissé la guerre derrière lui et n'a vu que violence et cruauté depuis son enfance. Mais ce qui m'a profondément choquée, c'est que jamais, jamais ils n'ont pour le jeune garçon ce qui ressemble à de l'amour, de la tendresse ou même de l'empathie. Tout ce que fait Wajdi, ils le prennent mal comme si cela était contre eux, ce qui bien évidemment n'est pas le cas. Mais étant égoïstes et centrés sur eux-mêmes, il ne peut en être autrement.
Pourtant au fond d'eux, le lecteur sent des failles. Mais vu leur milieu, ils sont tenus de les cacher, de ne rien montrer...c'est la raison pour laquelle, malgré les apparences, je ne les ai pas trouvé totalement odieux. La suite me donnera raison même si j'ai été sidérée par la fin de ce premier opus à laquelle je ne m'attendais pas du tout, mais que je ne vous dévoilerai pas.
J'ai beaucoup aimé bien entendu ce que l'auteur suggère avec beaucoup de finesse à travers cette histoire et son texte. Le décalage entre les attentes de chacun est déchirant. Il sait particulièrement bien décortiquer les ressentis de chacun avec subtilité et sincérité. Les attitudes du jeune Wajdi sont très réalistes et ce que l'on apprend de son passé est bien entendu bouleversant.
Les illustrations d'Arno Monin sont magnifiques, très expressives et toutes douces. Wajdi est attachant et le lecteur se prend d'affection pour lui dès les premières planches quand il le voit sur le pas de la porte avec sa veste à capuche dans laquelle il se sent à l'abri parce qu'elle le relie à son ancien monde. Je reconnais que je me suis mise par moment à détester ce couple (ok un peu caricatural je l'admet). Les illustrations apportent un peu de douceur bienvenue et certaines des planches sont si parlantes, qu'elles se passent tout simplement de textes.
Un album à découvrir !
4800 kilomètres...non mais tu te figures, Ess ?
- C'est la distance entre Nantes et Dakar.
Il n'y a que les héros pour entreprendre un voyage pareil !
- Les héros et les gens désespérés.
Les enfants ne fatiguent jamais les personnes âgées. Ils leur donnent des regrets parfois, mais ils ne les fatiguent jamais.