Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
C'était une manière de faire mes adieux à mon enfance à laquelle je tournais définitivement le dos. En fermant les yeux, je voyais une longue plage blonde où le bonheur n'en finissait pas de couler. Si j'avais peu de certitudes, une seule était totalement inébranlable : peu d'enfants avaient vécu une enfance aussi libre et heureuse que la nôtre, un long fleuve d'insouciance.
Voici le second tome de la saga commencée ICI avec "Les déracinés". C'est d'après moi une série qu'il faut lire dans l'ordre afin de préserver l'intérêt de l'histoire et de mieux comprendre le ressenti des personnages.
Bien entendu, je suis obligée de dévoiler certains éléments du tome 1 pour poursuivre mes chroniques donc si vous comptez la lire, passez votre chemin sauf si vous êtes très curieux ou impatients.
Après la mort de son père, Ruth qui a aujourd'hui 21 ans, abandonne ses études d'infirmière et quitte son île adorée, pour se rendre à New York afin de s'inscrire dans une école de journalisme. Il est prévu qu'elle s'installe chez sa tante Myriam, la sœur de Wil et elle espère faire davantage connaissance avec le petit Nathan qui l'attend de pied ferme. Ils ne manquent de rien et leur vie est facile, car Aaron est architecte, et Myriam a ouvert son école de danse. Ils font maintenant partie de la bourgeoisie mais n'oublient pas pour autant leurs origines et ce qu'ils ont du fuir.
Ruth au fond d'elle-même veut suivre les pas de Wilhelm, son père.
Sur le bateau où elle a embarqué le cœur serré, laissant derrière elle son île, sa mère et son frère Frédérick qui s'occupe à présent de la ferme familiale, elle fait la connaissance d'un jeune homme qui deviendra très vite pour elle un véritable ami sur lequel elle va pouvoir compter tout au long de sa vie. C'est Arturo.
Avec lui qui étudie pour devenir musicien et sa nouvelle amie Deborah, rencontrée sur les bancs de l'école, elle va très vite et avec bonheur découvrir les plaisirs de la ville et de la vie culturelle new-yorkaise, aidée en cela par Myriam qui ne lui refuse rien.
Mais Ruthie au fond d'elle-même n'est pas vraiment heureuse. Ses parents l'ont élevé dans un cocon doré, loin des tracas de la vie véritable. Elle réagit souvent comme une enfant trop gâtée, et se pose beaucoup de question sur son identité.
Comment accepter ses racines quand on est fille d'exilés, née en République Dominicaine de parents juifs autrichiens ?
Heureusement Ruth qui s'était jusqu'à présent très peu impliquée va faire des découvertes qui la feront grandir, connaître de belles personnes qui vont l'obliger à s'engager davantage et à peu à peu s'intéresser à la politique, mais qui vont aussi bouleverser sa vie. Svenja sa marraine, l'incite à couvrir le procès d'Eichmann et publier ses articles dans le journal local de Sosúa qui avait été créé par son père. Cela va lui permettre de faire ses preuves et de voir la fierté briller dans les yeux de sa mère, une fierté dont elle a besoin pour se construire. Avec ce procès, elle va renouer avec son histoire personnelle et celle de sa famille.
Elle va trouver auprès d'Almah et de Svenja, mais aussi de Myriam tellement maternelle, un peu de réconfort sans toutefois (re)prendre totalement confiance en elle. Elle a le grand "défaut" de ne jamais se sentir à la hauteur. Il faut dire aussi que ces trois femmes qui l'entourent et qu'elle adore, sont chacune à leur manière des femmes fortes et courageuses qui ont su bâtir leur vie malgré les horreurs vécues.
Ruth sera-t-elle capable de prendre les bonnes décisions, même si celles-ci doivent l'éloigner de son île, qu'elle aime par dessus tout ?
Vous le saurez en lisant ce tome...
Ce que Ruth ne disait pas dans sa lettre, c'était à quel point elle était bouleversée au plus profond de son être car, à nouveau, elle avait l'impression de mettre ses pas dans ceux de ses parents.
C'est un volume que j'ai trouvé un peu en dessous du premier en intensité. Il faut dire aussi que le premier démarrait très fort.
Ruth n'a pas la personnalité attachante de sa mère, mais elle a besoin de grandir loin des siens pour découvrir qui elle est vraiment.
Quand on connait son histoire familiale, on ne peut qu'être touché par sa quête d'identité. Elle a été élevée loin des horreurs du nazisme, à l'abri d'un passé que ses parents lui ont caché. Elle ne sait plus qui elle est et peine à savoir ce qu'elle veut. Sa personnalité a été un peu "étouffée" par celle de sa mère qui pourtant est une femme fabuleuse, mais Ruth est ainsi, elle doute toujours d'elle-même et certains lecteurs pourront trouver long ses doutes et ses questionnements.
Personnellement j'ai trouvé très intéressant que l'auteur s'interroge sur la vie des générations d'après la Shoah. Car les non-dits, l'ombre des disparus, le besoin de leurs parents de passer à autre chose, à défaut d'oublier... pèsent très lourdement sur les épaules de leurs enfants. Ce tome nous le prouve à travers les questionnements de Ruth, son mal-être et ses prises de décision. Son frère Frederick s'en sort apparemment mieux.
Le roman est aussi prétexte à poursuivre l'Histoire de la petite communauté de Sosúa.
En toile de fond, le lecteur va redécouvrir l'Histoire des années 60 aux États-Unis, l'ampleur des luttes et manifestations pour les droits civiques, le discours de Martin Luther King en août 1963 devant des milliers de personnes, la guerre du Vietnam...
Le lecteur (re)découvrira aussi la vie en Israël et dans un kibboutz.
Pour comprendre véritablement ce tome, il faut avoir lu le premier, sinon vous ne ferez que le survoler sans ressentir aucune des émotions suscitées par les propos de l'auteur. Enfin ce n'est que mon avis.
Bonne lecture !
Nous n'avons jamais participé à rien dans ce pays, nous y avons fait notre vie en marge de la société. Nous ne nous sommes jamais compromis, nous avons enterré nos idéaux sous la prétendue reconnaissance que nous devions au régime. Tous sauf Wil, nuança-t-elle à mi-voix. Il a été le seul à s'élever publiquement contre la dictature.