Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le chemin de pierre s'enfonce dans la montagne vers le nord, sous un nuage bas qui ferme le ciel. De chaque côté, le paysage se dessine en éboulis de pierres noires et crêtes de lave au milieu de pentes aux verts acides. Presque fluorescents. Ils remontent le long d'une rivière grossie de dizaines de ruisseaux d'écume qui caracolent en petites cascades. Le contraste des roches noires et calcinées avec le vert anisé de l'herbe fait vibrionner la lumière. Puis le soleil vaporise le nuage qui voilait la vallée et glisse ses rayons chaleureux jusqu'à eux. Kornélius s'arrête et ferme les yeux pour sentir ses rayons fondre sur son visage. Quand il les ouvre à nouveau, au-delà du fond de la vallée, se dessine le dôme ensoleillé de nacre du glacier.
Poursuivons notre semaine en restant au chaud, avec un bon polar pour les amateurs du genre, un bon thé (un café, un chocolat ou une tisane ?) et peut-être le chat sur les genoux ou le chien sur vos pieds...le bonheur quoi !
C'est le second polar de l'auteur dans lequel apparait Kornélius Jakobsson. Le premier, que je n'ai pas lu, ce qui ne m'a pas du tout gêné pour lire celui-ci, s'intitule "Heimaey" et se passe aussi en Islande. Apparemment, l'auteur aimant les trilogies, un troisième est à prévoir.
De l'auteur, je vous ai déjà présenté sur ce blog la trilogie "Yeruldelgger ICI, ICI, et ICI qui se déroulait en Mongolie.
Encore une fois, Ian Manook nous fait voyager. Il nous emmène en Islande, dans les terres sauvages et désertiques de l'Askja, une vaste zone volcanique formée de caldeiras et entourée de volcans.
Ces rochers sont habités par le Huldufolk, le peuple caché. On a préféré les contourner pour ne pas les déranger quand on a construit ce quartier. Un elfologue est entré en contact avec eux et il a dit qu'il valait mieux éviter leur colère.
- Un elfologue, ça existe ?
- Bien sûr, se récrie-t-il ?
- Ce n'est pas plutôt un square pour les enfants , Cherche-t-elle à rationnaliser.
- Non, c'est une habitation pour les elfes. D'ailleurs regardez la numérotation des maisons de chaque côté...
Kornélius est un flic à la vie dissolue, faisant partie de la police criminelle de Reykjavik. Il n'hésite pas à sortir de la norme pour résoudre une enquête, et il se fait taper sur les doigts par sa hiérarchie à cause de cela, vous vous en doutez. De plus, il ressemble à un troll et la vie l'a terriblement meurtri, ce qui nous le rend particulièrement sympathique.
Kornélius est appelé en urgence pour venir enquêter sur un corps qui a mystérieusement disparu. Un jeune du coin a pourtant filmé la scène avec son drone...mais impossible d'en savoir plus, car le vieil homme qui habite juste à côté, et qui devient le principal suspect, est atteint de la maladie d'Alzheimer ce qui n'arrange rien.
Plus loin, près de Reykjavik, au fond d'un cratère visité par de nombreux touristes, des sous-vêtements sont retrouvés tous près d'un tesson de bouteille de vodka, couvert de sang, mais pas de victime. Le seul témoin potentiel, le gardien de nuit ne se souvient de rien. Il a lui-aussi des trous de mémoire, liés à l'absorption trop rapide et importante d'alcool.
Les deux affaires sont-elles liées ?
Elles ne manquent pas de rappeler à l'équipe, la sombre histoire qui avait secoué l'Islande dans les années 70, et amené les policiers de l'époque à condamner un groupe de jeunes gens qui ne se souvenaient de rien, mais avaient fini par avouer les crimes. Là aussi, aucun corps n'avait été retrouvé.
En parallèle, un snipper s'acharne à terroriser les visiteurs sur les sites touristiques les plus connus de la région. Heureusement, il ne blesse jamais personne en tirant, car son but apparemment n'est pas de tuer et pourtant, vu la précision des tirs, il s'agit d'un homme particulièrement doué et sans nul doute formé à la manipulation des armes...
Tous les ingrédients sont réunis pour un excellent polar !
Quand on va chercher un souvenir ancien dans la zone où il est imprimé pour le ramener à la surface et le "travailler", il retourne ensuite dans la zone des souvenirs anciens où il reprend exactement sa place chronologique, mais modifié par ce qu'on vient d'y implanter. Du coup le sujet considère que les nouvelles informations datent bien de la première création de ce souvenir.
Peu à peu, dans ce décor particulièrement hostile mais fascinant, l'auteur tisse l'histoire, détails après détails, nous faisant douter de nos propres hypothèses.
Il nous permet de rencontrer des personnages truculents et passionnés, autant dans l'équipe de Kornélius (voir par exemple Komsi et Spinoza, les flics décalés et philosophes) que parmi les accusés et ceux qui les entourent.
Le lecteur entre peu à peu dans les légendes du pays, son histoire et les croyances tenaces qui sont toujours d'actualités dans la population. L'affaire Einarsson, évoquée dans le roman, est un fait réel qui a profondément marqué les islandais. C'est l'occasion pour l'auteur de critiquer certaines méthodes d'interrogatoire très controversées, et de nous rappeler aussi comment fonctionne notre mémoire. Voir ICI pour en savoir plus sur cette affaire.
Les chapitres sont courts, les dialogues souvent très réalistes et teintés d'humour, le récit entrecoupé de moment plus intimes durant lesquels le lecteur découvre la vie personnelle de Kornélius, ses problèmes de couple, le départ d'Alma sa fille et de sa femme pour la Nouvelle-Zélande, quelques années auparavant, qui l'a profondément meurtri, ses amours de passage ou plus sérieux, avec ses collègues de travail, dans lesquels il ne s'implique pas vraiment...
Les suspects de départ vont devenir très vite des victimes, mais victimes de quoi et de qui, vous le saurez en lisant cet excellent polar, car vous vous en doutez, je ne peux vous en dire davantage sans dévoiler le sel de l'histoire.
Bonne lecture !