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Il s'était fait le serment des cinq étoiles. Celui de leur maître à tous, le grand Gengis Khan, à la veille de traverser le fleuve jaune pour attaquer la ville tangoute de Lingzhou. Il avait vu s'aligner dans le ciel du dernier bivouac cinq astres célestes et avait pris ce signe pour un avertissement. Pour conjurer ce mauvais sort annoncé, il avait alors fait une promesse aux esprits. Ne plus tuer aveuglément et n'ôter la vie qu'à ceux qui prendraient les armes contre lui...
Voici le troisième et dernier opus de la série dont le héros principal, Yeruldelgger, est un commissaire d'Oulan-Bator. Vous pouvez lire les chroniques précédentes ICI (1) et ICI (2), si le coeur vous en dit.
Les trois tomes sont désormais parus en poche et cette trilogie peut donc être un joli cadeau de noël pour les amateurs du genre.
Le lecteur le retrouve fatigué et usé par sa lutte incessante contre le crime. Il a quitté Oulan-Bator pour se retirer dans la steppe et méditer. Pour cela, il a planté sa yourte au cœur du désert de Gobi où il tente d'oublier la belle Solongo qu'il aime tant mais si maladroitement.
Mais décidément le destin encore une fois en a décidé autrement.
Il avait décidé de tourner le dos à son passé de flic, mais sa tranquillité sera de courte durée : le voilà sollicité pour résoudre plusieurs affaires intrigantes qui se déroulent près de chez lui.
D'abord, il y a Tsetseg venue lui demander de l'aider à retrouver sa fille disparue depuis plusieurs mois à présent.
Puis Odval, qui vient de découvrir que son amant, un géologue travaillant pour le BRGM français, vient d'être assassiné, et sa yourte entièrement détruite.
Enfin, il y a le jeune Ganbold qui a découvert un charnier au coeur de la steppe...
Mais ce n'est que le début !
En effet, les morts s'accumulent non seulement en Mongolie mais aussi à l'étranger. L'intrigue part dans différentes directions et s'expatrie jusqu'à New York, au Québec, en France et en Australie. Bien évidemment, les différents événements sont comme d'habitude, reliés entre eux, vous vous en doutez...
Bien qu'il ne veuille pas s'engager, et désire avant tout se tenir éloigné de ces crimes, Yeruldelgger va se retrouver en plein cœur d'une révolte mongole contre les compagnies minières locales...et se mettre à la poursuite d'une superbe femme fatale, Madame Sue, qui règne d'une main de maître sur des entreprises internationales plus que mafieuses, et arrive à corrompre tout un pays, au détriment bien entendu des populations locales, ce que notre héros, vous le savez bien, ne peut laisser faire.
Il reçut la vision de cette vallée détruite comme une agression, et la confirmation de ce qui distillait depuis longtemps une longue tristesse en lui. Rien se servait décidément plus à rien...
Rien ne repousserait plus sur ces herbes stériles, écrasées sous les remblais, brûlées par les acides et lessivées par les ruissellements. Plus aucun troupeau ne viendrait y pâturer. Des chevaux sauvages s'y briseraient les antérieurs, les yeux fous de panique, en trébuchant dans les trous d'eau sous les orages. Et les loups écœurés n'oseraient même plus dévorer leurs carcasses encore vivantes, effrayés par la cruauté des hommes envers leur propre territoire...
Encore une fois Ian Manook nous enchante par la beauté et la poésie qui se dégagent de ses descriptions des grands espaces et des coutumes de ce pays fascinant qu'est la Mongolie. Un pays qui aujourd'hui a du mal à préserver ses traditions face à la modernité qui l'envahit et attire de plus en plus les jeunes générations.
Mais cette modernité n'a pas que du bon et implique, en même temps que le capitalisme et le pouvoir de l'argent, l'entrée du pays dans des magouilles mafieuses impliquant les politiques les plus haut placés.
Le roman nous fait sombrer dans le réalisme, l'actualité, où la noirceur et la violence, comme dans ces précédents opus, peuvent choquer par moment le lecteur.
Personnellement quelques rares longueurs ont entaché mon plaisir de lire.
Comme l'indique le titre, l'amour et le sexe sont très présents dans cet opus où l'amour et la mort se côtoient. La "mort nomade", faisant référence à l'amour nomade, c'est-à dire à la tradition qui prévaut dans la steppe de profiter des rencontres fortuites sans arrière pensée.
Voilà donc un roman noir, très noir, parfaitement rythmé et qui sait nous offrir aussi quelques passages emplis d'humour. Son côté écolo rappelle à quel point la nature a été là-bas comme ici, ravagée par l'industrie, pourtant pourvoyeuse de travail.
L'émotion est au rendez-vous car s'il arrive encore à résoudre les affaires et à arrêter les méchants dont on connait assez vite l'identité, Yeruldelgger cette fois, va devoir affronter de nombreuses pertes et laisser derrière lui tout ce qu'il aimait le plus, mais chut...je ne vais pas vous en dire plus !
C'est la fin de la trilogie et même si ce roman-ci est d'après moi nettement en-dessous des deux précédents opus, je ne regrette pas de l'avoir lu car il clôt la série par une fin ouverte, qui laisse au lecteur la possibilité d'imaginer une suite possible...
Les Occidentaux se rattachent aux morts, mais nous, nous nous rattachons au monde. Ils sont dans le culte du souvenir, nous dans celui de l'oubli. Le but de la mort nomade, c'est d'oublier le mort jusqu'à l'endroit même où on l'a laissé. Pour ne vivre qu'avec son esprit, toujours, partout, où qu'on soit...