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L'histoire (pour ceux qui ne la connaissent pas encore) se passe à Amsterdam en Hollande pendant la deuxième guerre mondiale. En 1942, le régime nazi est bien implanté et les juifs (majoritaires, mais ce fut également le cas d'autres personnes) sont persécutés dans toute l'Europe pour être déportés et exterminés.
La famille de Peter s'installe dans l'Annexe où vivent déjà les Frank avec leur deux filles, Margot et Anne, la plus jeune qui écrit son journal. Ce journal deviendra "tristement" célèbre par la suite. C'est, et il le restera encore longtemps, LE témoignage à lire et à faire lire aux ados. D'autres témoignages s'adressent plus aux adultes comme "Si c'est un homme" de Primo Lévi par exemple. Les habitants de l'Annexe seront dénoncés et arrêtés le 4 août 1944. Tous déportés, seul le père d'Anne reviendra vivant des camps.
Dans l'Annexe, aménagée à l'étage derrière les bureaux de Otto Frank, la vie est très organisée. Chacun a son espace et respecte celui des autres : La mère de Peter cuisine ; celle de Anne s'occupe du linge ; les ados font leurs devoirs scolaires ; chacun participe à la vie commune avec ses capacités ; Anne, elle, écrit son journal dans lequel elle s'adresse à une amie imaginaire qu'elle surnomme Kitty...
Au début, Peter a du mal à se faire à la vie collective et surtout à l'enfermement. Il est hanté par la vision du dehors, de la liberté, de ceux qu'il a aimé et qui ont été arrêtés. Son seul espace de liberté est le grenier et le carré de ciel qu'il peut apercevoir au dehors par la lucarne.
Au début cela se passe très mal avec Anne, mais il va apprendre à l'aimer. Il écrit lui aussi ses espoirs, ses colères, ses joies, ses peurs et dessine beaucoup. Mais son récit continu et, alors que celui d'Anne s'arrête lorsque sa famille est arrêtée, Peter nous parle d'après : l'arrestation, le train, la séparation, puis la vie dans les camps jusqu'à la libération qu'ils avaient tant imaginé et qui ne sera pas comme prévu...
Ce roman est une vraie fiction. Tout (ou presque) est totalement imaginé, seule, la deuxième partie s'appuie sur des témoignages de rescapés des camps.
Comment, alors, le lecteur peut-il démêler le vrai de la fiction ?
Certains faits se sont réellement passés et dans ce cas Anne en parle dans son journal. Seuls les personnages de l'Annexe sont bien réels. Nous les avons connu selon le point de vue d'Anne, dans le superbe et bouleversant "Journal d'Anne Frank", irremplaçable à mes yeux. Tout ce qui est raconté qui n'est pas mentionné dans le journal d'Anne aurait pu se passer mais a été inventé par l'auteur : c'est donc de la fiction...
L'auteur nous livre ici un autre point de vue, celui de Peter qui a partagé avec ses parents la vie de l'Annexe. Mais il faut noter que Peter n'a laissé aucun témoignage, nous ne le connaissons qu'à travers le regard d'Anne. Dans ce roman leurs deux voix se rejoignent...
Celle de Peter est même une réponse aux écrits et aux interrogations d'Anne dans son journal.
C'est une autre facette d'Anne que le lecteur découvre : une jeune fille souvent exaspérante par ses questions incessantes et sa manière effrontée d'avoir un avis sur tout mais, comme elle apparaît déjà dans son journal, si brillante, si vive, si curieuse, si passionnée, si exceptionnelle, elle qui, au coeur du drame, continue toujours d'espérer... Pour elle, des milliers d'adolescentes ont pleuré, comme s'ils perdaient une amie. Grâce à la lecture de son journal, chaque année, des jeunes de tous les pays prennent conscience des évènements tragiques de la deuxième guerre mondiale et de l'horreur de la Shoah.
Je ne crois pas que le succès de celui-ci durera aussi longtemps...
A vrai dire j'ai trouvé ce roman très dérangeant au départ. Je l'ai lu par curiosité. Je n'ai pas du tout aimé le démarrage, ce côté voyeur avec lequel Peter nous fait entrer dans l'Annexe.
J'ai tout de suite pensé que c'était un roman fabriqué, ce que j'appelle une "commande d'éditeur". Je me suis dit que tous les moyens étaient bons pour se faire de l'argent sur le dos du malheur des autres et des événements tragiques de notre passé...
Mais, après coup, je me suis dit que si ce roman était lu par au moins un ado et que cela le touche au point de le faire réfléchir sur l'importance de la liberté, sur le poids de l'intolérance dans nos sociétés en crise, que cela change son regard d'ado sur le monde, alors oui... je veux bien le faire lire aux ados.
Peut-être d'ailleurs touchera-t-il plus les garçons qui ont du mal à lire et aimer l'histoire d'Anne Frank ?
Le positif est que c'est une lecture très facile, emplie de dialogues non dénués d'humour qui nous parle de tolérance et d'amour dans sa première partie puis dans sa très courte seconde partie, de la vie dans les camps de la mort.
Il peut se lire même si on n'a pas lu le "Journal d'Anne Frank".
L'auteur sait écrire avec des mots justes et toucher le lecteur.
Elle nous fait entrer dans l'intimité d'un jeune ado de 16 ans. C'est d'ailleurs le seul intérêt que j'ai trouvé à la première partie de ce roman. Le point de vue d'un garçon amoureux, sur ses propres désirs d'ados et ses rêves d'avenir dans un huis clos particulièrement difficile à vivre est tout à fait intéressant.
La construction du roman est originale puisque l'auteur alterne les chapitres où le narrateur (Peter) raconte les événements vécus dans l'Annexe, puis les courts moments transcrits en italique où il s'adresse directement au lecteur comme s'il nous parlait (ce qui renforce l'effet "témoignage).
Mais l'histoire aurait pu se passer ailleurs (il y a eu beaucoup de famille de juifs cachées dans tous les pays). J'aurai d'ailleurs préféré qu'elle se passe ailleurs, que l'auteur imagine la vie d'une autre famille, cachée elle aussi pendant la guerre.
Cela ne m'a rien apporté que ce soit Peter qui "parle". Son point de vue sur la vie de l'Annexe et le caractère de ses habitants ne m'intéresse pas en fait.
Je préfère celui d'Anne et je ne change pas d'avis...Mais comme je suis tolérante, j'attends de voir ce qu'en penseront les ados...
L'auteur, née en 1962 dit avoir eu envie d'écrire ce roman en voyant sa fille lire le "Journal d'Anne Frank".