Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La première colonie lunaire fut construite sur les vastes plaines silencieuses de la Mer de la Tranquillité, à proximité de l'endroit où les astronautes d'Apollo 11 avaient aluni en un siècle reculé. Leur drapeau était toujours là, au loin, fragile petite statue sur la surface sans vent.
L'immigration dans la colonie suscita un vif intérêt. La Terre était alors extrêmement surpeuplée et nombre de régions en avaient été rendues inhabitables par les inondations ou la chaleur.
J'ai découvert cette autrice canadienne récemment en lisant "Station Eleven", présenté ICI ce qui m'a donné envie de poursuivre ma découverte de son œuvre.
Dans ce roman de Science-Fiction, elle aborde le thème du voyage dans le temps.
Le roman commence en 1912, le jeune Edwin St. Andrew qui vient d'être renié par sa famille alors qu'il n'a que 18 ans, découvre le Canada et l'immensité de la nature. Alors qu'il ne sait que faire de ses journées, il se promène en forêt dans les bois de Caiette, sur l'île de Vancouver, il perd un instant conscience, entend de la musique douce provenant d'un violon et se retrouve quelques secondes à peine dans un terminal au milieu d'un bruit étrange qu'il ne reconnait pas mais qui s'avèrera être le bruit d'un engin volant au décollage. Il pense à un coup de fatigue et à une sorte d'hallucination. Il s'en inquiète. Serait-il en train de devenir fou ?
En 2020, un siècle plus tard, nous croisons Mirella Kressler dont l'autrice avait déjà parlé dans un de ses précédents romans que je n'ai pas lu ("l'hôtel de verre"). Elle est venu écouter en concert le frère de Vincent qui était son amie afin de reprendre contact avec elle. Elle avait cessé de la voir après le suicide de son mari qui avait été ruiné par le mari de Vincent pourtant leur ami. Mirella Kessler a bien du mal à surmonter sa mort mais elle voudrait à présent renouer avec Vincent. Or celle-ci aussi n'est plus de ce monde. Ce jour-là, le compositeur leur fait voir une vidéo étrange.
En 2203, nous faisons connaissance avec Olive Llewellyn qui effectue la promotion de "Marienbad" son dernier roman d'anticipation. Pour cela, il lui a fallu quitté la Lune où elle vit actuellement, pour se rendre sur la Terre. Elle a laissé là-bas dans la Colonie Deux (la seconde colonie lunaire qu'on surnomme à présent la Cité de la Nuit) son mari et Sophie, sa petite fille, ce qui la rend triste. Mais entre deux interviews, elle se fait une joie de revoir ses parents, car la Terre est sa planète natale. Mais alors qu'elle circule d'une ville à l'autre une nouvelle pandémie menace la planète.
Enfin, en 2401, nous suivons le jeune Gaspery Roberts, très proche de Zoey, sa sœur qui effectue des recherches en physique à l'Institut du Temps, une organisation dépendant du Gouvernement central. Elle lui fait part de ses dernières découvertes, et d'une anomalie dont elle ne s'explique pas la présence. Elle est persuadée que cette anomalie a lieu parce que notre monde n'est pas réel. Pour le savoir et comprendre ce qui s'est réellement passé, il faut donc que quelqu'un accepte de remonter le temps et d'aller interroger tous ceux qui ont pu y assister.
Gaspery propose de le faire et de mener sa propre enquête. Zoey finit pas accepter mais ce sera à ses risques et périls car l'opération n'est pas sans danger !
A quoi peut être du cet étrange phénomène qui se produit à diverses époques et toujours de la même façon ? Quel lien ont tous les personnages entre eux ?
Et le monde dans lequel ils vivent et dans lequel nous vivons, est-il réel ou une simple simulation ?
Enfin, la présence de Gaspery dans le passé, ainsi que ses questionnements, vont-ils modifier ou influencer durablement le futur ?
L'expérience que j'ai eu à Caiette ne pouvait en aucun cas être réelle, murmura-t-il. Elle était due à un dérèglement des sens.
- Vraiment ? Moi, je crois que vous avez bel et bien entendu de la musique de violon, jouée par un musicien dans un terminal d'aéronefs en l'an 2195.
- Un terminal...l'année deux mille cent quoi ?
- Et ensuite, un bruit qui a dû vous sembler très étrange. Une sorte de Whoosh, c'est bien ça ?
- Comment le savez-vous ?
- Parce que c'est le bruit que font les aéronefs, répondit Gaspery. Ils ne seront inventés que dans quelques temps. Quant à la musique de violon...une sorte de berceuse, n'est-ce-pas ? Il se tut un instant, puis fredonna quelques notes..."L'homme qui a composé cet air ne naîtra pas avant cent quatre-vingt-neuf ans.
Pour ma part, je suis convaincue que si nous nous tournons vers la fiction post-apocalyptique, ce n'est pas parce que nous sommes attirés par le désastre en soi, mais parce que nous sommes attirés par ce qui, dans notre esprit, risque fort de se produire. Nous aspirons en secret à un monde moins technologique.
C'est un roman d'anticipation captivant et prenant, une fois découverts les différents personnages au fil du temps. L'ambiance est paisible, il n'y a aucune violence ce qui permet d'avoir une lecture très agréable.
Cependant attendez-vous à être ballotés dans le temps_ tantôt vers le futur, tantôt dans le passé _ et dans l'espace, ce qui ne manquera pas de vous faire perdre vos repères. Mais, malgré les apparences, le roman n'est pas du tout complexe car il est facile pour le lecteur de se repérer et de savoir sur quelle planète il se trouve et... à quelle époque.
L'autrice nous fait pénétrer dans un univers qui ne manque pas de poésie tout en étant réaliste. Elle aborde des sujets intéressants comme par exemple, les conséquences de la colonisation, l'oisiveté, le rejet familial, la différence, la solitude, la maladie...mais elle nous propose aussi de réfléchir sérieusement sur le sens de notre propre vie.
Elle nous parle d'un monde futuriste crédible, dans lequel la lune a été colonisée. Les conférences ne se font pas toujours en présentiels mais par l'intermédiaire d'hologrammes, et... voyager dans le temps est parfaitement réalisable.
L'autrice ancre son propos dans la réalité nous donnant aussi des repères historiques et sociaux sans pour autant modifier son style d'écriture. Ainsi, le temps d'un chapitre, nous suivons nos différents protagonistes dans leurs échanges très réalistes avec leurs proches, dans leur vie quotidienne faite de petits détails, nous découvrons leurs rêves et leurs déceptions ce qui les rend très humains et plus proches de nous quel que soit leur vécu, l'époque et l'endroit où ils vivent.
Pour Olive la romancière, il semblerait que l'autrice se soit inspirée de son propre vécu, car nous partageons intimement non seulement ses interviews ( et les anecdotes et questions des lecteurs) mais aussi ses angoisses de mère.
Il n'y a pas de temps mort et le lecteur ne s'ennuie pas, car le suspense va crescendo et les fils qui se tissent au fur et à mesure de l'histoire, vont se rattacher les uns aux autres.
Toutes les questions que le lecteur se pose, ainsi que tous les mystères qui perdurent au fil du récit, vont trouver à la fin une explication réaliste dans un final étonnant.
J'ai encore une fois beaucoup aimé ma lecture et elle me permet de participer une fois de plus au challenge "Objectif SF 2025" chez Sandrine.
Aucune étoile ne brûle éternellement. Gaspery grava ces mots sur le mur de sa cellule, des années plus tard, si délicatement que, de n'importe quelle distance, on aurait dit un simple défaut dans la peinture. Il fallait s'approcher pour voir de près l'inscription, et il fallait avoir vécu au vingt-deuxième siècle ou plus tard pour en comprendre la signification.
Nous savions que ça allait venir.
Nous savions que ça allait venir et nous nous préparions en conséquence, du moins c'est ce que nous avons raconté à nos enfants- et à nous-mêmes - au cours des décennies suivantes.
Nous savions que ça allait venir mais nous n'y croyions pas tout à fait, aussi nous préparions-nous de façon discrète, en douceur...
Nous savions que ça allait venir et nous prenions la chose avec désinvolture. Nous détournions la peur avec une insouciance bravache...