Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Parfois, les membres de la Symphonie itinérante se disaient que leur activité était noble. Certains soirs, autour du feu, l'un d'eux faisait une remarque stimulante sur l'importance de l'art, et les autres dormaient plus paisiblement cette nuit-là. A d'autres moments, ça leur paraissait un mode de survie difficile et périlleux qui n'en valait pas la peine, surtout quand ils devaient camper entre deux villes, quand ils étaient chassés d'endroits hostiles sous la menace de révolvers...quand ils avaient froid, peur, les pieds trempés.
Le roman commence un soir d'hiver, à Toronto. Lors d'une représentation du roi Lear, le célèbre acteur, Arthur Leander, s'effondre sur scène, victime d'une crise cardiaque foudroyante. Présents sur les lieux, les différents membres de la troupe, dont la petite Kirsten, 8 ans, et Jeevan Chaudhary qui faisait partie des spectateurs et a tenté de le réanimer sans résultat.
Lorsque ce dernier décide de rentrer chez lui il apprend par un ami médecin, qui travaille à l'hôpital, qu'un mystérieux virus en provenance de Géorgie, est en train de gagner la ville, et tue en quelques heures ceux qui en sont atteints. Au lieu de partir comme tant d'autres, Jeevan se terre dans l'appartement de son frère paraplégique, qui ne peut se débrouiller sans lui ou fuir la ville.
Dès lors, rien ne sera plus comme avant...
En quinze jours à peine, l'ancien monde n'existe plus : le virus va tuer près de 99 % de la population mondiale.
Les rescapés errent sur les routes sans but. Ils doivent apprendre à survivre, s'établissent dans des villages de fortune et subsistent au départ en raflant tout ce qu'ils peuvent trouver de l'ancien monde dans les maisons abandonnées. Ils doivent s'habituer à ne plus avoir d'eau courante, ni d'électricité, de médicament ou de nourriture, et surtout à ne plus avoir aucun moyen de transport ou de communication.
Vingt ans plus tard, la Symphonie itinérante, une troupe composée d'acteurs et de musiciens parcourt la région du lac Michigan et tente d'apporter un peu de joie aux survivants en jouant Shakespeare et quelques morceaux de musique dont Beethoven. Parmi eux se trouve Kristen qui est devenue une jolie jeune femme. Elle est le symbole de la jeune génération qui a oublié le passé car il devient de plus en plus lointain et flou pour elle.
Bien que ne se rappelant que très peu du monde d'avant où elle jouait sur scène, elle est obsédée par Arthur Leander et collectionne tout ce qu'elle a pu trouver sur lui au fil du temps. Elle collectionne en particulier les vieux magazines people, récupérés en fouillant les maisons abandonnées.
Les anciens aiment se rappeler le temps d'avant et raconter aux jeunes générations qui n'ont pas connu leur vie, comment c'était : les avions qui volaient dans le ciel, l'électricité, les moyens de communication...
Et ces jeunes qui n'étaient pas nés ou ont tout oublié, car ils étaient trop jeunes, ont du mal à croire que tout cela ait pu exister !
La troupe arrive dans un village où ils ont déjà séjournés un an auparavant et où ils comptent retrouver deux de leurs membres. Mais leurs amis sont partis sans les attendre et une secte bizarre s'est installée sur les lieux. Elle veut faire croire que ses membres seuls peuvent apporter la joie, la lumière et l'espoir. Le chef de la secte, surnommé le prophète, les rend particulièrement mal à l'aise. Ils décident donc de jouer tout de même, mais de ne pas s'attarder, et quittent les lieux dès la fin de la représentation.
C'est alors qu'ils sont en route depuis quelques jours que la troupe voit peu à peu ses membres disparaitre mystérieusement...les uns après les autres. Après une partie de pêche organisée pour nourrir le groupe, Kirsten se retrouve seule avec August, alors que la troupe était censée les attendre. Ils décident de se rendre tout de même dans l'aéroport désaffecté, leur futur lieu de rendez-vous, mais en prenant un chemin détourné, tout en espérant y retrouver les autres.
Tandis que l'angoisse les étreint, ils doivent monter la garde à tour de rôle la nuit et faire face à des rencontres inattendues, bienveillantes ou pas, potentiellement carrément dangereuses le plus souvent.
Parce que survivre ne suffit pas...
Le docteur Eleven est un physicien. Il vit sur une station spatiale extrêmement avancée sur le plan technologique, qui a été conçue pour ressembler à une petite planète. On y trouve des mers d'un bleu profond et des îles rocheuses reliées entre elles par des ponts ; on y voit des cieux cramoisis et orangés, avec deux lunes à l'horizon...
Clark avait toujours eu le goût des beaux objets...
Il examina ceux qui étaient exposés dans la vitrine et se découvrit ému par chacun d'eux, par l'ingéniosité humaine qui avait présidé à leur conception. Regarde cette boule à neige. Imagine le cerveau qui a inventé ces blizzards miniatures, l'ouvrier d'usine qui a transformé des feuilles de plastique en flocons de neige, la main qui a dessiné le plan...
Clark secoua la boule et la tint à la lumière.
Cela se passait le dernier mois de l'époque où il était possible, en appuyant sur les touches d'un téléphone, de parler avec une personne qui se trouvait à l'autre extrémité du globe.
Ce roman est une dystopie totalement addictive et originale qui nous emmène dans un avenir post apocalyptique étonnant. Il a été écrit quelques années avant le COVID donc cela n'a aucun rapport avec la pandémie et ce que nous avons vécu.
J'ai découvert l'écriture de l'autrice avec grand plaisir et je tiens à préciser que ce n'est pas un livre triste malgré le sujet. C'est un roman qui prend son temps pour se mettre en place et se déroule au rythme des pas de la troupe, qui marche à pied accompagnée de ses chevaux qui tirent d'anciennes roulottes.
Entre deux chapitres, parlant de la vie de la troupe qui continue donc son périple sur les routes, l'autrice revisite le passé et les différents événements vécus par les membres ou les personnes rencontrées.
Le vécu des différents personnages s'entremêle à ce qu'ils sont devenus pendant la pandémie ou depuis. Ainsi par exemple, le lecteur va suivre la vie d'Arthur Leander de son adolescence à sa vie adulte, ses mariages et divorces, son ascension sur les planches et au cinéma, sa vie privée exposée à tous et mise au jour par les paparazzis.
Peu à peu, les différentes pièces du puzzle se rejoignent et le lecteur trouve des réponses aux mystères et autres suppositions qu'il n'avait pas manqués de faire en cours de lecture.
Tout est lié... mais il faudra attendre la toute fin du roman pour tout comprendre.
Le fil directeur de cette dystopie est une bande dessinée de Science-fiction, écrite et illustrée par Miranda, la première femme d'Arthur Leander, et dont elle n'a pu faire paraître que les deux premiers volumes avant la pandémie. Ces deux opus passent de main en main, je ne vous dirai pas comment, ni par qui, ni dans les mains de qui. Son titre vous le devinez c'est "Station Eleven".
Il est très difficile pour moi de résumer un tel livre d'une grande richesse de sujets, émotionnellement très fort tant sur le plan humain que par les réflexions qu'il suscite sur la société d'aujourd'hui, les relations intergénérationnelles, le besoin de pouvoir des hommes. Il est porteur d'espoir car il montre bien que les hommes peuvent réaliser de belles choses pour avancer vers l'avenir quand ils acceptent de mettre en commun leurs idées. Les personnages que nous retrouvons au fil des pages sont attachants (sauf vous vous en doutez...le prophète).
Le roman montre aussi que les souvenirs qui relient les hommes, l'amitié et l'entraide peuvent permettre de tout supporter, même la fin du monde.
L'art apporte du rêve et de l'espoir au milieu du chaos.
L'autrice nous montre avec réalisme un monde possible et nous donne espoir que l'humanité puisse un jour renaître de ses cendres sans pour autant nous laisser croire qu'elle serait un monde sans violence ou un monde semblable à aujourd'hui.
Ce roman a été Finaliste du NATIONAL BOOK AWARD en 2014 aux Etats-Unis. et a obtenu le Prix ARTHUR C. CLARKE en 2015. Il a été également adapté en mini-série par le scénariste et romancier Patrick Somerville en 2022. Je n'ai pas eu l'occasion de voir la série mais peut-être vous, oui.
La lecture de cette dystopie qui redonne espoir en l'humanité, me permet de participer au challenge Objectif SF 2025 ICI chez Sandrine.
Le décor, pour cette production de Lear, était magnifique. Une haute estrade, édifiée au fond de la scène, avait été peinte de manière à représenter un balcon aux colonnes ouvragées...Au premier acte, l'estrade figurait le cabinet de travail d'un roi vieillissant, et pendant que la salle se remplissait, Arthur était assis dans un fauteuil pourpre, de profil par rapport au public, sa couronne entre les mains.
Un roi fatigué, arrivé au terme de son règne, l'esprit peut être moins vif qu'autrefois, confronté à une division désastreuse de son royaume.
Dessous, sur la scène proprement dite, trois petites filles se tapaient dans les mains sous un éclairage tamisé.
Ce qui a été perdu lors du cataclysme : presque tout, presque tous. Mais il reste encore tant de beauté : le crépuscule dans ce monde transformé, une représentation du "Songe d'une nuit d'été" sur un parking...avec le lac Michigan qui brille à cinq cents mètres de là. Kirsten dans le rôle de Tatiana, une couronne de fleurs sur ses cheveux ras, la cicatrice irrégulière de sa pommette atténuée par la lumière des bougies.
Le public est silencieux...