Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Un banc de dauphins passa près de la petite embarcation. Ils disparaissaient sous l'eau puis jaillissaient, le dos arqué, en faisant des bons prodigieux. De temps en temps, le barbu et l'homme au visage glabre levaient la tête pour deviner la position du soleil caché par les nuages. Des vols d'outardes parties de la Terre de Feu, se perdaient dans le ciel bas de Patagonie. Des otaries, des pingouins et des éléphants de mer regardaient, impassibles, passer les trois hommes...
- Il a cessé d'être des nôtres , annonça l'homme au visage glabre.
Voici un recueil de douze nouvelles dans lesquelles on retrouve des personnages hauts en couleur. Comme souvent dans les recueils, les histoires sont inégales, et seulement certaines me resteront en mémoire. Mais toutes pourraient donner lieu à des romans car je dois reconnaître que Sepulveda est doué pour les histoires courtes et pour rendre très présents ses personnages en quelques lignes.
Moi qui lis peu de nouvelles, j'ai pu entrer facilement dans celles-ci, m'imprégner de l'univers dans lequel vivent les personnages, car l'ambiance est toujours très réaliste : les mots sont parfois crus, le niveau de langue proche de celui du peuple, la description détaillée des personnages très imagée...tout est propice à faire travailler notre imagination.
De plus, tous les personnages sont touchants car terriblement humains et marqués par la vie, la rudesse de leur pays que ce soit la Patagonie ou un autre pays. Le recueil nous fait voyager, nous parle d'amour, d'exil, de drame humain, de fantômes, d'aventure et d'amitié, d'espoirs et de regrets.
Il est très émouvant aussi de voir la dédicace que l'auteur a apposé avant chacune de ces nouvelles...il cite le nom des différentes personnes tout en nous précisant les causes de leurs disparitions (assassinat, suicide, ou mort naturelle).
La première nouvelle intitulée "La reconstruction de la cathédrale", nous raconte l'histoire d'un vieil homme qui aime lire des romans d'amour, nous rappelant bien évidemment le roman de l'auteur intitulé "Le vieux qui lisait des romans d'amour", lu il y a des années, et que je relirai certainement un jour.
Dans "Hôtel z", la forêt aux confins du Pérou, de la Colombie et du Brésil engloutit peu à peu les traces du passé... dont l'hôtel z dont le lecteur ne connaitra jamais l'emplacement exact. Pourtant dans chacune des chambres, il reste quelques traces des personnes qui y ont séjournées et qui sont venus là pour mettre "de l'ordre dans leurs passions et leurs idées, bercées par la pluie", et ont décidé "de ce qu'ils allaient faire de cette foutue habitude de vivre".
Dans "Café Miramar", nous partons à Alexandrie. Là, alors qu'il se trouve sur le balcon de son hôtel, le narrateur entend chanter une femme à l'accent berlinois...Est-elle vraiment l'une des dernières Grecques d'Alexandrie comme elle le prétend ? Il le saura en se rendant le lendemain au café Miramar...où elle lui donne rendez-vous.
La nouvelle "Un diner en compagnie de poètes morts" est dédié à trois poètes. Elle n'est pas triste pour autant car le narrateur les rencontre les uns après les autres pour partager un verre...et elle met en scène un petit cireur de chaussures qui après s'être fait voler son matériel va devoir cirer leurs chaussures, tant pis si un d'entre eux est en sandales, ce sont ses pieds qui se retrouveront recouverts de cirage !
Dans "Histoire courte", en deux pages le lecteur ne peut qu'être ému de songer à ce petit homme, attendant sa bien aimée avec son bouquet à la main (il m'a rappelé une certaine chanson...).
Dans "Cœur de Maria" une étrange jeune femme ravie le cœur de Gisela sans prévenir...mais qui est-elle et pourquoi vient-elle réclamer son dû lors du défilé de Rio.
"Ding dong ding dong ! Son las cosas del amor"...est une belle histoire entre deux adolescents de 14 ans qui font connaissance lors d'un cours de bonnes manières. Elle disparait, mais lui ne l'oubliera pas...et il va la revoir des années après en pleine manifestation...auront-ils encore des choses à se dire ?
Dans "L'île", une autre histoire d'amour, l'auteur nous emmène en Allemagne, sur l'île de Sylt...Pour ne pas trahir son ami, Kurt, rencontré des années auparavant à Hambourg, le narrateur vient de renoncer à l'amour de sa vie...il nous raconte.
"L'Ultime avatar du capitaine Valdemar Do Alenteixo" débute dans une barque dans laquelle le capitaine des pirates va mourir...grièvement blessé par la flèche d'un indien anekén. Voilà ce qui arrive parfois aux pirates. Il se retrouve donc avec deux autres personnes qui l'emmènent au loin, un espagnol rescapé d'un bateau échoué et un jeune indien sauvé d'une future vente. C'est leur histoire à tous les trois que le capitaine dans un ultime rêve nous raconte. Cette nouvelle est la plus longue du recueil et pourrait constituer un très beau roman de piraterie, le contexte historique, les personnages, l'aventure sont bien là.
"L'arbre", est l'histoire courte (deux pages) d'un vieux mélèze centenaire, seul survivant d'une petite forêt battue par les vents polaires quelque part sur une île perdue de Patagonie. Lui seul porte la mémoires de ceux qui ne sont plus.
"La lampe d'Aladino", la nouvelle qui a donné son nom au recueil, raconte l'histoire d'un homme Aladino Garib, surnommé le Turc, qui est originaire de Palestine. Il débarque à Puerto Eden pour y vendre différents objets. Mais ce que veulent les habitants des lieux, c'est sa couverture toute moelleuse et bien chaude, or celle-ci n'est pas à vendre. Une des femmes du groupe saura pourtant le convaincre...
Dans "la petite flamme têtue de la chance" l'auteur nous explique avec humour comment un vieux vétéran a réussi à cacher toute sa vie un véritable trésor, à sa famille et aux envieux, avec l'aide de Cachupin, son chien bien dressé. Je vous laisse découvrir comment il a fait car il fallait y penser...
Un recueil à découvrir dans lequel on retrouve l'humour de l'auteur et la manière bien à lui de décrire ses personnages en allant droit au but pour nous les rendre sympathiques ou antipathiques. Le lecteur retrouve aussi dans ce recueil l'engagement politique que l'auteur a toujours eu pour son pays, et cela tout au long de sa vie, et aussi la souffrance liée à l'exil et à la solitude...
Ce recueil me permet de participer pour la dernière fois de la saison 2025 au Printemps Latino chez je lis je blogue, voir ICI.
Merci à elle de l'avoir organisé, il m'a permis de faire de belles découvertes même si j'ai décidé de ne me focaliser que sur un seul auteur, Luis Sepulveda ce que beaucoup d'entre vous ont pu remarquer.
En Patagonie, personne ne demande d'où vient ni où va le passant, l'important est qu'il est là.
Les chiens hurlèrent quand je pris sa main, les coqs chantèrent quand elle approcha son visage, tous les cuivres et tous les reptiles se mirent à siffler quand ses lèvres effleurèrent fugacement ma joue pour me donner le baiser de bienvenue.
Je n'avais jamais vu de femme aussi belle...
Elle était beaucoup plus que cela : cette femme était une apothéose.