Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Sur le trajet jusqu'à l'aéroport, j'ai dû supporter un autre de ces monstres de loquacité que sont les taxis madrilènes.
- Vous aimez les taureaux ? a-t-il attaqué ?
- ça dépend de la cuisson.
- Mais non, je vous parle de la corrida, des toreros, vous comprenez ?
- Et moi je parle de testicules, de couilles grillés, mais celles du taureau, vous comprenez ?
Il a eu l'air de comprendre parce qu'au lieu de me vanter un matador auquel les femmes jetaient leur soutien-gorge, il s'est mis à se plaindre des Arabes, des Noirs...et de toute l'humanité qui ne répondait pas à ses critères...
Un tueur professionnel rentre de Moscou où il a accompli sa précédente mission. Il doit passer une semaine de vacances avec sa petite amie, mais avant il doit honorer un nouveau contrat. Alors qu'il attend à Madrid qu'elle vienne le rejoindre (elle est à Mexico en vacances), elle lui apprend qu'elle ne viendra pas. Il est totalement déboussolé car ils vivent ensemble depuis 3 ans déjà. Voilà qu'il se met à se poser des questions, ce qu'un tueur ne doit jamais faire... Qui est sa cible et pourquoi doit-il l'éliminer ?
Il aurait du à mon avis refuser cette dernière mission !
En effet, il y a des jours comme ça, des jours où il vaudrait mieux ne pas se lever, des jours où il ne faut pas tomber amoureux, d'autres où celui que tu dois tuer, te sauve la vie, brouillant les cartes que tu as en main, des jours où surtout il ne faut pas mélanger l'amour et le travail.
Mais notre tueur qui est donc le héros de l'histoire, ne va pas du tout suivre ces conseils et il sera obligé de parcourir la moitié de la planète et de demander à son double (dans le miroir) ce qu'il doit faire, tant les situations, les erreurs et les quiproquos s'enchainent d'aéroport en aéroport, de Madrid au Mexique en passant par la Turquie...
- Bon. Un jour, ça devait arriver. Elle est jeune et toi tu es sur la pente descendante. Mais qu'est-ce qui te fait si mal ? Tu en as fait une femme, et quelle femme ! alors à quoi ça sert de te plaindre, m'a dit dans le miroir un type à poil qui me ressemblait comme un frère.
- Je ne me plains pas. Je sais perdre, mais je ne supporte pas la déloyauté, lui ai-je répondu tandis que nous partagions la même crème à raser.
- Un assassin qui parle de loyauté. Salaud, m'a-t-il dit en levant un rasoir comme le mien.
En me penchant sur une fontaine, j'ai vu le type qui portait ma veste. Son visage avait le même air préoccupé que le mien.
- Tu as battu le record mondial de conneries, dit-il en guise de salut.
- Je sais. Aide-moi à réfléchir.
- Tu n'as pas trop le temps. Prends un taxi et fais-toi amener à l'aéroport. La cible doit être en train de faire la même chose...
J'ai suivi les conseils de mon double.
Continuons la découverte (ou la relecture) de Luis Sepulveda avec ce titre que je ne connaissais que de nom.
Il s'agit d'un roman court de 96 pages à peine, publié pour la première fois en 1996. Il a été également publié dans un recueil "Journal d'un tueur sentimental et autres histoires..." que je n'ai pas pu trouver en médiathèque. Ce texte très vivant a été mis en scène au théâtre.
Le texte est divisé en six chapitres correspondant à six journées et présenté comme un journal, d'où le titre.
J'ai découvert avec plaisir une autre facette de Luis Sepulveda avec ce roman déjanté et mouvementé qui nous parle d'un héros finalement attendrissant, qui perd momentanément les pédales, parle à son reflet et lui demande des conseils, même si on sait qu'il est un tueur professionnel avéré et qu'il va tout faire pour mener à bien sa dernière mission.
Je l'avoue, je m'attendais un peu à cette fin que je ne vais pas vous raconter, mais je n'ai pas boudé mon plaisir lors de cette lecture vraiment jubilatoire. Un vrai moment de détente, des situations cocasses et une lecture facile, tout est réuni pour passer un bon moment.
C'est un roman qui peut être lu dès l'adolescence et dont la lecture peut être partagée en famille.
Il me permet de participer encore une fois au Printemps latino, chez "Je lis, je blogue" voir ICI le récapitulatif.