Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
- Le loup a pu changer de vallée ?
- C'est moi qui l'ai tué, et en plein dans le parc, par-dessus le marché. C'était une louve. Elle m'avait déjà tué 150 brebis la saison dernière. C'était elle ou mon troupeau.
J'ai choisi.
Une bête magnifique, une reine. J'avais jamais vu un animal pareil. Une reine, je te dis.
Mais reine ou pas, je luis ai mis une cartouche.
Cela fait longtemps à présent que je voulais découvrir Jean-Marc Rochette, un amoureux inconditionnel de la nature et en particulier de la montagne.
Gaspard est un vieux berger qui vit toute l'année, seul dans les montagnes, avec pour unique compagnie son chien. Il a perdu son fils, soldat au Mali, et vit à présent séparé de son épouse. En été, il s'occupe de ses brebis.
Un jour, une louve attaque son troupeau et tue cinquante brebis. Très en colère, il sort alors son fusil bien que le loup soit protégé dans le parc et la tue. Elle avait un petit louveteau...qui a vu la scène, ce que Gaspard découvre en s'approchant de la dépouille.
Le louveteau va devenir un superbe loup blanc que Gaspard surveille de près, et vice versa, car il ne semble pas avoir peur du berger et s'approche souvent de la cabane et du troupeau.
Un jour, à cause de la peur qu'il exerce sur le troupeau, toutes les brebis se dérochent. Dans la bataille entre le loup et le troupeau, Gaspard perd son chien, celui qu'il considère son compagnon même s'il n'est que le gardien de ses brebis.
Persuadé que le loup lui veut du mal, il décide de le traquer et cette traque va devenir pour lui une véritable obsession, dominée par le désir de vengeance : l'affrontement est inévitable.
Mais... la montagne en hiver ne fait pas de cadeaux aux hommes, même à ceux qui pensent bien la connaître et être infaillibles.
Le loup et l'homme vont-ils arriver à leur fin ? Ou bien vont-ils arriver à se respecter et à cohabiter ?
Vous le saurez en lisant cette BD passionnante...
Ce roman graphique nous raconte surtout en images, car il y a peu de dialogues, le duel entre le berger et le loup blanc quelque part dans le parc des Ecrins.
L'auteur s'est inspiré de son grand-père pour décrire le caractère du vieux berger. Et bien entendu, le lecteur pense aussitôt à d'autres combats/traques contés par d'autres auteurs comme Herman Melville, Ernest Hemingway ou encore Jack London pour ne citer qu'eux.
Le suspense va crescendo et le lecteur est pris dans la tourmente. Il comprend le berger tout en voulant protéger coûte que coûte la vie de ce magnifique loup blanc.
L'auteur que je découvre avec ce roman graphique aime la montagne et veut avant toute chose qu'elle soit préservée et que la faune qui y vit puisse continuer à le faire en toute tranquillité. Il ne porte pas de jugement sur le berger qui passe l'hiver là-haut tout seul, respecte à sa façon cette montagne qu'il aime aussi, mais chasse pour se nourrir. Il comprend que le berger veuille protéger son troupeau pendant l'été, comme nous le comprenons aussi, mais il faut aussi préserver les animaux qui ont été réintroduits dans les parcs et tous ceux qui y vivent en parfaite harmonie.
Le graphisme est plutôt classique, mais très cinématographique avec une alternance de plans rapprochés ou éloignés, de planches entièrement silencieuses ou étayées de quelques rares dialogues. Dans les montagnes les habitants sont taiseux !
J'ai aimé aussi la lumière qui marque à merveille le déroulé des jours, du lever de soleil à la nuit et celui des saisons avec cette alternance de blanc, de vert et de bleu. C'est superbe et j'ai été fortement imprégnée de l'ambiance en le lisant ainsi que des ressentis du berger : la colère, la solitude, le froid.
Par la fiction, l'auteur nous pose une question essentielle à laquelle nous devons répondre : l'homme et l'animal pourront-ils encore cohabiter ?
Et si la réponse est oui, quelles réflexions devons nous mener pour que cette cohabitation soit harmonieuse ?
On peut découper ce roman graphique en deux parties : la première, réaliste, montre la vie quotidienne du berger dans sa montagne, en été et en hiver, l'attaque de la louve, son troupeau décimé et le petit louveteau qui grandit.
La seconde, est le récit de la traque : l'obsession du berger lui fait prendre tous les risques, il en perd la tête, il a des visions...le récit devient alors plus proche d'un conte, un lien indéfectible va définitivement l'unir au loup.
Les quatre dernières pages, signées Baptiste Morizot, nous offrent quelques pistes de réflexion intéressantes.
Je découvre en rédigeant ces lignes que cette bande dessinée fait partie d'une trilogie sur la montagne. Je chercherai donc les autres opus à l'occasion car à ce jour, je n'ai pas encore pris le temps de repérer leurs titres.
Voir la nature comme un environnement donateur, c'est ainsi entretenir un autre rapport au territoire, que connaissent ceux qui cultivent ce qu'ils mangent en accord avec les animaux et les plantes sauvages du coin, en négociant des relations complexes avec l'écosystème...
C'est la seconde lecture qu'on peut faire de l'histoire.