Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce qui m'éblouissait chez ce Rital aux yeux noirs, en dehors de son chouette sens de l'humour, c'était cette capacité de rester classe et inébranlable en toutes circonstances. Quoi qu'il fasse, il était toujours sûr de lui, entier, solide. J'enviais tout, chez lui : sa démarche, ses attitudes, sa manière de parler aux profs, de parler aux filles, sans jamais avoir l'air d'être gêné, sa façon de s'imposer comme chef de bande sans avoir jamais besoin de marquer son territoire. C'était naturel, chez lui, animal. Et cette assurance en pierre brute, justement, elle me faisait cruellement défaut.
Ce roman nous raconte les aventures d'Hugo Felida, dit Bohem, durant son road trip à travers ce qui semble être les États-Unis, sans que cela ne soit précisé dans le texte.
L'histoire commence à Providence, une petite ville fictive où tout le monde s'ennuie et où de nombreuses familles vivent avec difficulté.
Hugo a à peine 17 ans, et il est déjà très seul, rejeté par ses parents depuis la mort accidentelle de sa petite soeur, il vit dans une roulotte sur le terrain familial. C'est la roulotte de celui qu'il appelait Papy Galo, un gitan de passage que son propre grand-père avait accueilli des années auparavant et qui était resté parmi eux.
Hugo n'aime pas l'école et s'ennuie. Dans son nouveau lycée, il va rencontrer la bande à Freddy Cereseto dans laquelle il va être intégré. Dans cette bande, il y a déjà Oscar et Alex, tous issus de familles défavorisées et tous en opposition avec toute forme d'autorité. Tous les quatre vont devenir inséparables, faire de la moto la nuit en cachette et ils vont se mettre à commettre de petits larcins sans gravité au départ. Leur point de rencontre, c'est la roulotte d'Hugo.
Mais, à cause d'Oscar qui abuse des drogues et fait de petits trafics, ils vont être arrêtés et envoyés dans un centre de redressement pour jeunes adolescents.
A leur sortie, le lecteur espère qu'Hugo a réfléchi et qu'il va choisir de travailler au garage avec le père de Freddy qui le lui propose, mais c'est sans compter sur ce qui l'attend et le rend fou de rage : il découvre en effet que ses parents qui n'ont jamais pris une seule fois de ses nouvelles pendant son séjour en centre de redressement, et ne sont jamais venus le voir une seule fois, ont mis le feu à sa roulotte contenant tout ce qu'il aimait (ses livres, ses disques et tous ses souvenirs d'ado). De plus, sa petite amie a quitté la ville et personne ne sait où ses parents sont allés s'installer.
Hugo a la rage et est surtout désespéré. Il se sent très seul et encore une fois abandonné par ses proches. Il réussit à convaincre les autres de le suivre afin de traverser le pays pour tenter de retrouver le grand frère d'Alex qui vit à Frémont (la ville de la baie de San Francisco ?). Mais Freddy qui est pour Hugo comme un frère, les abandonne au dernier moment, et décide de rester pour aider son père au garage.
Hugo en est ulcéré, mais part tout de même. Il n'a plus d'attaches, et Providence est devenu un lieu de trop de douleurs pour lui.
Pour les trois ados, la route sur leurs bécanes, devient le seul lieu où ils se sentent vivre.
Peu à peu, ils vont comprendre comment fonctionnent les clans de motards, les fameux MC (Motorcycle Clubs), dont j'ignorais les codes et le langage, l'importance d'avoir leurs propres couleurs pour être respectés (ils vont devenir les Spitfires), et ils vont rencontrer sur leur route des personnes capables de les aider.
Loyauté, Honneur et Respect deviennent les mots d'ordre de leur nouvel art de vivre, mais ce n'est pas si simple de vouloir vivre en toute liberté et en allant à l'encontre des choses établies, difficile de passer inaperçus quand sur leur route, ils sèment de menus larcins, traces de bagarres au départ, puis plus graves ensuite.
Leur code d'honneur résistera-t-il aux problèmes qui s'accumulent le long de leur parcours ?
Arriveront ils à ne pas enfreindre leur serment de fidélité ?
Le destin est en route, car il arrive parfois que ce soient vos proches qui vous trahissent le mieux. La fin n'en sera que plus tragique.
Je me souviens encore du parfum des hautes herbes, le vent du soir qui caressait nos joues, le bruit de nos pas sur les chemins de terre, le parfum des cyprès qui était comme de l'encens, et ce ciel, tellement grand, tellement plus grand que tout le reste. À cette minute-là, je me suis dit que la liberté, ça devait avoir un peu cette odeur.
C'était un de ces moments où l'on se sent vivre pour de vrai, où plus rien ne compte que l'instant présent, parce que ce présent est si savoureux et qu'on a l'impression qu'il nous appartient tout entier.
Dans ces lettres, on se disait des choses qu’on prend jamais le temps de se dire dans la vie, et on a fini par se construire un monde à nous, avec des mots à nous, parfois c’était un peu n’importe quoi, comme des paroles de chansons qu’on s’écrivait, des codes qui voulaient dire qu’on s’aimait comme seuls peuvent s’aimer les adolescents, avec toute la pureté et la violence de l’âge, et c’était délicieusement sot, il y avait plein de tendresse et de tristesse dans ces pages noircies.
Il y a quelque chose dans le partage des couleurs qui est difficile à expliquer, comme si ça jouait un rôle d'accélérateur dans les rapports humains, parce que ceux qui en portent, quand ils se croisent, ils savent qu'ils ont forcément pas mal de choses en commun, comme des fêlures qui les rapprochent.
"Nous avions à peine vingt ans et nous rêvions juste de liberté".
Voilà, au mot près, la seule phrase que j'ai été foutu de prononcer devant le juge, quand ça a été mon tour de parler. Je m'en faisais une belle image, moi, de la liberté. Un truc sacré, presque, un truc dont on fait des statues. J'ai pensé que ça lui parlerait.
Ainsi commence le roman…
Et c'est Hugo (Bohem donc) qui parle avec ses mots à lui, des mots simples, ceux qu'il emploie avec ses potes.
Je découvre l'écriture d'Henri Loevenbruck avec ce roman qui d'après la presse fait partie des dix meilleurs romans de la décennie, ce que je ne savais pas quand je l'ai emprunté à la médiathèque.
Maintenant je comprends pourquoi. C'est à la fois un roman d'aventure et un roman initiatique, un roman sur l'amitié et un roman sur la trahison. Mais aussi bien entendu, un roman sur la délinquance.
Mon premier bémol est que j'ai trouvé dommage que ce livre puisse induire chez certaines personnes l'idée que "motard" rime avec "loubard".
L'auteur décrit les scènes avec beaucoup de réalisme, qu'il s'agisse de bagarres entre clans ou de courses à moto à travers le désert, les cheveux au vent. Il faut dire aussi que le narrateur est Hugo lui-même. Bien entendu, et je n'en ai pas été surprise, le style, les mots qui sonnent justes, les tournures de phrases vont avec.
Le lecteur ne peut que se placer tout près de ces jeunes, de leur soif de vivre et de leurs rêves, tout en condamnant leurs actes bien évidemment, c'est là le dilemme. Difficile de lâcher ce livre en cours de lecture tant on veut savoir ce qui va encore leur arriver. J'ai été surprise de garder une certaine distance au départ puis au fur et à mesure de me laisser prendre par l'histoire et finalement, j'ai été subjuguée par cette lecture, par ces jeunes aux grands cœurs qui ne jurent que par la liberté, et l'amitié avec un grand A, une amitié indéfectible, croient-ils. Mais ils vont se retrouver dans des situations dramatiques, car Bohem paiera cher sa soif de liberté, sa recherche constante de l'amitié et son grand sens de l'honneur, de l'engagement et du respect de la parole donnée.
Bohem est vraiment une belle personne, empli d'humanité, mais il pense que tout ce qu'il a fait pour les autres, les autres le feront pour lui. Que de naïveté dans ses propos et dans son attitude, mais c'est parce qu'il se met à nu qu'il nous touche, parce qu'il croit en la loyauté et en l'amitié et tiendra le coup quoi qu'il advienne. Il m'a rappelé beaucoup des jeunes avec qui j'ai eu l'occasion de travailler dans ma vie professionnelle, des jeunes qui manquaient d'amour, de repères, qui avaient de vrais failles à la place du cœur, et à qui parfois il aurait suffi de tendre la main pour les sortir de la délinquance dans laquelle peu à peu par facilité, mais aussi parce qu'ils ne voyaient pas d'autres issues possibles, ils s'enfonçaient peu à peu.
C'est sans doute pour cela que j'ai beaucoup aimé ce roman, mais aussi parce que la fin que je ne vous raconterai pas, est totalement poignante.
C'est un roman puissant que je ne suis pas prête à oublier.
Mon second bémol, et le plus important à mes yeux, c'est la manière dont les filles sont traitées dans ce roman...c'est la raison pour laquelle je n'en fais pas un coup de cœur.
Je ne suis pas étonnée qu'un film adapté de ce roman soit en cours de réalisation (tournage prévu en 2025).
J'ai essayé de dire les choses comme je les avais vécues, les paysages et les gens, la solitude et la plénitude, les routes, les villes, les belles rencontres et les moins belles, le temps qu'on passe à réfléchir, mais dans des mots ça paraissait tout petit, tout ridicule.
Plus le temps passe, plus j’ai l’impression de voir nos libertés s’abîmer, comme un buisson auquel on ne fait rien que de couper les branches, "pour son bien". J’ai le sentiment que, chaque jour, une nouvelle loi sort du chapeau d’un magicien drôlement sadique pour réglementer encore un peu plus nos toutes petites vies et mettre des sens interdits partout sur nos chemins.
Ce que je savais pas, c'est que ça existait. C'est toi qui me l'as prouvé. La liberté, ça existe. Elle coûte drôlement cher, mais elle existe.