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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Comme des ombres sur la terre / James Welch

Albin Michel, 1994 / 10-18, 1996

Albin Michel, 1994 / 10-18, 1996

-C'est vrai, admit Chef Montagne. Si le coeur des autres chefs penchait comme le mien, nous prendrions le sentier de la guerre. Nous chasserions ces presque-hommes blancs de notre sol. Nous abattrions leurs animaux comme des insectes. Nous brûlerions leurs maisons carrées et ferions disparaître toutes les traces des Napikwans. Notre peuple du lointain passé reconnaîtrait alors de nouveau cette terre. J'ai honte de penser qu'ils ne trouvent pas le repos dans les Collines de sable pare que leurs enfants n'agissent pas...
Nous sommes devenus un peuple-de-rien.

Nous sommes en 1870, au Nord-Ouest du Montana, juste à la frontière avec le Canada. Depuis 1826, le Bureau des affaires indiennes gère les relations avec les autochtones. 


Le clan des Mangeurs Solitaires appartient à la tribu des Pikunis, une des trois tribus du groupe des Pieds-Noirs (Blackfeet). Ils se sont installés sur leur territoire de chasse, comme le faisaient leurs ancêtres, au bord de la rivière des Deux-Médecines. Ils vivent essentiellement de la chasse au bison, mais en totale harmonie avec la nature, ne prélevant que ce qui leur est nécessaire pour vivre et n’oubliant pas de la remercier de ce qu’elle a bien voulu leur donner. 
Ce peuple fait partie des plus puissants peuples d’Indiens des Plaines. Ce sont de redoutables guerriers. Ils recherchent donc les territoires qui leur permettent de chasser mais ceux-ci ont de plus en plus souvent été récupérés par les blancs qui y installent leurs 'cornes blanches' domestiquées, et s’approprient leur terre pour y installer leurs ranchs.
Le clan des Mangeurs solitaires est dirigé par le Chef "Trois Ours" qui a trois femmes. "Chien de l’homme blanc" le héros du roman est le fils de sa seconde femme. Il a 18 ans au début de l’histoire. 


Au cours d’une expédition contre les Crows (= les Corbeaux), les jeunes de la tribu vont devoir prouver leur bravoure, pour impressionner le clan d’une part, y trouver leur place, mais aussi plaire aux jeunes filles parmi lesquelles se trouve celle qui deviendra peut-être leur future épouse. Ils ne peuvent devenir adulte qu’en devenant des guerriers reconnus par leurs pairs. L’expédition est menée par "Rein Jaune" (38 ans) et va durer quinze nuits à l’aller et autant au retour.
Parmi les jeunes de la tribu, il y a "Cheval Rapide" (19 ans) et d’autres jeunes chasseurs de la tribu. 
Au cours de l’expédition contre les Crows, les jeunes volent 150 chevaux qu’ils doivent ramener à leur campement. 


Mais, à cause de "Cheval rapide", qui n’en fait qu’à sa tête, "Rein jaune" est capturé et torturé. Les ennemis lui coupent tous les doigts de la main et le garde en captivité alors que tout le monde le croit mort. 
Pendant ce temps, "Chien de l’homme blanc", une fois revenu au camp, s’occupe de la famille de "Rein jaune" et partage la nourriture avec eux qui n’ont plus personne pour chasser. 
Lorsque des mois après, "Rein jaune" réapparait parmi les siens, il a perdu sa dignité, car à quoi sert un homme qui ne peut plus chasser. 

Pour venger "Rein jaune", les Mangeurs Solitaires vont partir en guerre contre les Corbeaux et à cette occasion "Chien de l’homme blanc" deviendra "Trompe-le-corbeau". Il se mariera avec "Peinture Rouge" et sera désigné par la tribu qui lui fait confiance pour aller parlementer avec les blancs.


Mais jour après jour, les blackfeet sentent que les choses ne sont plus comme avant, car les Napikwans, les hommes blancs, se font de plus en plus présents et pressants. Ils veulent récupérer les terres et les affrontements semblent inévitables semant la discorde au sein des membres de la tribu…certains sont d’accord pour coopérer, d’autres pour se battre et pour conserver ce qui leur appartient malgré le fait que les hommes blancs sont de plus en plus nombreux.
Certains sont persuadés que le chef Soleil brillera encore longtemps pour eux, d’autres pas, et les divergences sont sources de conflits dans les familles, comme dans les clans.
Si certains clans décident de devenir amis avec les Blancs, de se soumettre et de signer des traités de paix comme le font les Corbeaux, d’autres se révoltent et massacrent eux-mêmes les blancs comme le fait dans le roman "Chef montagne", tandis que le clan des Mangeurs solitaires décide de résister, en se tenant à l’écart...

Le vieil homme engloba d'un geste le paysage et reprit : "Pourquoi cultiver ces plantes squelettiques quand les racines et les baies abondent autour de nous ? Nous pensions que les Napikwans nous laisseraient en paix, car nous avions essayé leur voie et elle ne nous convenait pas. Pourtant ils insistaient pour que nous renoncions aux cornes-noires et plantions leurs graines...

Considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature américaine, ce roman est cependant d’une grande tristesse, car nous savons par avance ce qui attend les indiens et tout ce qu’a fait l’homme blanc pour les chasser de leurs terres, les parquer dans des réserves et détruire les survivants avec l’alcool, l’ennui et l’exil. 


L’auteur sait de quoi il parle puisqu’il a des origines indiennes et c’est bien l’histoire de son peuple qu’il nous raconte. C’est donc à la fois un roman historique mais aussi un documentaire et un témoignage de la vie de ses ancêtres. Ce qui est surprenant et bouleversant, c’est qu’il nous livre cette histoire, son histoire, sans aucune colère, comme s’il la découvrait et voulait juste en témoigner. 
Ce n’est donc pas en ethnologue qu’il pose un regard sur les coutumes et les croyances de ses ancêtres mais bien en indien. Il nous fait partager la vie de sa tribu, vivre tout près de ses hommes et de ses femmes, participer à leurs rites, à la chasse au bison, aux querelles de clans souvent violentes, mais aussi comprendre leurs valeurs et leur manière poétique de voir le monde qui les entoure et en particulier la nature.

Chaque clan a son homme médecine, chaque chasseur a son chant. Les prières sont adressées aux éléments, au soleil, à l’étoile du matin ou à la lune mais aussi à la Terre. Les rêves prémonitoires sont interprétés et écoutés comme celui de "Trompe le Corbeau" qui verra en rêve tous les bisons disparus, les massacres et les maladies et les quelques survivants de leur clan, devenus des mendiants, errer près des forts construits par les Blancs. 

Au début du roman, il faut faire un effort pour entrer dans ces pages : les noms des personnages, des animaux et des lieux, tout comme des différents éléments, sont ceux de la langue indienne traduite mot à mot en français (voir préface).
L’hiver est le "faiseur de froid".
La frontière avec le Canada, la "ligne Médecine".
Les "grandes-bouches" sont les loups. 
Le sel, le "sable blanc qui rend les aliments doux". 
Les bisons sont les "cornes-noires"…

Les hommes blancs sont nombreux et apportent avec eux leur lot de maladies graves comme la "maladie des croûtes blanches" (= la variole) que les indiens seuls ne savent pas soigner malgré les Hommes médecines. 
L’histoire se termine vers 1870 , donc peu de temps avant les événements dramatiques de Little Big Horn (en 1876), et  le massacre de Wounded Kne (en 1890).

Ce roman magnifique est une lecture exigeante mais que j'ai beaucoup aimé. Il s'agit pour moi d'une relecture faite durant l'hiver dernier et que j'avais oublié de vous présenter. En effet j'ai lu ce roman documentaire historique, paru en 1994 en France peu après sa sortie ( j'ai retrouvé la trace de ce livre dans un ancien carnet de lecture). A cette époque, je lisais beaucoup de témoignages ou de romans sur les Indiens d'Amérique. Ce qui est formidable lorsqu'on relit un livre que l'on a aimé, c'est de se souvenir de certains passages et d'en découvrir d'autres comme si on ne l'avait jamais lu. La mémoire tout de même nous joue de sacrés tours ! 

L'auteur James Welch est un romancier et poète américain, né en 1940 dans la Réserve indienne des Pieds-noirs dans le Montana. Il est mort en 2003. Vous pouvez retrouver sa biographie complète sur Wikipedia et sur d'autres sites comme Babelio.

Ses origines amérindiennes ont marqué son œuvre. 

Si les Pikunis veulent survivre, ils doivent apprendre à traiter avec les hommes blancs. Ils sont trop nombreux pour que tu puisses agir comme tu le fais.
- Un jour, vieil homme, un Napikwan se tiendra à l'endroit même où tu te tiens et tout autour de lui paîtront des milliers de leurs cornes-blanches. Tu ne seras plus qu'un grain de la poussière qu'elles soulèveront...

Nous devons penser à nos enfants, dit-il. Il baissa les yeux sur le chiot roux qui avait roulé sur le dos, les pattes de devant ramenées contre sa poitrine.
Aucun d'eux n'avait d'enfants...

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S
Très bon souvenir de lecture, j'avais trouvé ce livre déchirant.
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C
pas pour moi ce roman mais je ne doute pas qu'il soit magnifique<br /> merci de tes présentations formidables, j'aime beaucoup<br /> douce soirée<br /> bisous<br /> patricia
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T
Un sujet important, je prends note du nom de l'auteur, qui n'est malheureusement pas au catalogue de ma bibliothèque.
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M
Cette destruction du peuple indien me touche beaucoup c'est tellement horrible !<br /> Merci de nous faire part de tes impressions sur cet ouvrage Manou
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E
Bonjour Manou. Je ne pense pas que je le lirai dans l'immédiat, même si l'histoire des Améindiens m'intéresse. Bonne journée et bisous
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F
Tu me fais penser que ça fait un moment que je n'ai pas lu d'ouvrages sur les Amérindiens alors que c'est une thématique qui me parle énormément. Je n'ai toujours pas lu ce livre non plus, mais ton billet me motive bien à le remonter dans mes priorités.
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É
Coucou Manou !La vie du Clan des Mangeurs Solitaires m'intéresse ! Je vais me rendre à la bibliothèque ici à Ottawa en espérant trouver le livre ! Je note <br /> Bisous
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P
Un roman certainement intéressant, mais qui ne m'attire pas plus que ça. L'auteur m'est inconnu.
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D
Ce roman doit être vraiment intéressant, montrant hélas ce qui est arrivé aux indiens. C'est vrai que la mémoire nous joue des tours, surtout avec des années d'écart entre les lectures, et parfois on relit un livre dans un état d'esprit différent, sous un autre angle. En tout cas, je note ce titre que tu me donnes envie de lire.
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I
Un sujet toujours passionnant, bien que désespérant, oui...
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F
Passionnant... et qui nous renvoie à cette conquête de terres par les hommes "presque" blanc mais pas innocents. Envahisseurs, voleurs exploiteurs, ainsi est la nature humaine par ce qu'elle comporte de sombre et d'improductif... Les tribus indiennes d'Amérique ont eu à subir les conséquences des aventuriers qui franchirent l'océan en quête de richesses bien plus que de découvertes d'autres cultures... l'homme est un loup pour l'homme et je me dis que cette comparaison n'est pas flatteuse pour le canidé sauvage... les loups ont leurs codes de vie comme ces Indiens d'Amérique avaient les leurs respectant la Nature et n'abusant pas de ce qu'elle met à disposition.. Me reste à lire ce reportage témoignage si le roman se trouve encore en librairie.<br /> <br /> Amitiés.
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R
the story seems sad but captivating. thank you for another excellent review. Have a wonderful day. HUGS
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M
Bonjour Manou,<br /> Séduite par ta présentation, je viens de télécharger cet ouvrage.<br /> Merci à, toi!<br /> Bisous.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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A
On sait en effet comment l'histoire se termine. C'est triste et ça met en colere aussi quand on sait que les Americains ne reconnaissent toujours pas ce massacre. Je n'ai pas eu l'occasion.de lire cet auteur. Pourquoi pas s'il.croise ma route.
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M
J'ai bien aimé te lire, je suis certaine que c'est un beau livre mais je ne me sens pas capable d'entrer dans cette histoire. La concentration me fait défaut depuis un moment 😉 il me faut donc des histoires plus légères pendant les vacances j'ai lu Christian Signol un livre trouvé dans une boîte à livres 📚<br /> Gros bisous et bonne journée ☀️<br /> Mitou
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L
Merci pour cette découverte. Bisous
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B
J’ai dû le lire à l’époque
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M
Un livre qui doit être très intéressant pour apprendre à mieux connaître ces peuples qu'on a détruits avec toutes leurs richesses
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P
Quel aurait été le destin du monde si les hommes blancs n'avaient pas pillé les richesses des indiens, anéanti leurs différents peuples et détruit leurs connaissances ? Il y aurait eu beaucoup à apprendre pourtant, il y a encore en Colombie, dans la Sierra Nevada, le peuple des Kogis, souhaitons qu'il continue à enseigner ses traditions et sa vision cosmique, restons dans l'espérance. Merci pour ce beau billet Manou, belle semaine à toi. brigitte
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V
Il a l'air très beau ce livre, mais trop triste. Gros bisous Manou. cathy
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