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Commençons, si vous le voulez bien, ce mois de novembre par une belle balade en Haute-Loire.
Cela fait des années que je voulais découvrir le Ravin de Corboeuf que l'on surnomme le "Colorado auvergnat". Ce canyon profond de plusieurs dizaines de mètres, est désormais un site protégé et classé depuis 2013. Nous y sommes allés il y a quelques semaines, à la fin de l'été.
Ce lieu emblématique de la région de l'Emblavez est situé en Haute-Loire près de Rosières, un petit village qui doit sa notoriété à ce superbe vallon creusé par l'érosion durant des millions d'années dans des argiles multicolores. Ce nom "Emblavez" vient du verbe "emblaver" qui signifie "semer le blé" car la plaine possède un sol riche, parfait pour leur culture.
Plusieurs itinéraires faciles sont proposés pour admirer les magnifiques paysages. Le parking se situe à Rosières près de l'ancienne gare et de la gendarmerie.
De là, il faut emprunter la voie verte qui est l'ancienne voie ferrée qui reliait Firminy_ le Puy-en-Velay. Cette voie ferrée ouverte en 1839 a été complétée par une ligne locale passant par Rosières qui a été mise en circulation en 1890 et était utilisée aussi bien pour les voyageurs que pour les transports de marchandise. Mais suite à un grave accident de déraillement, ayant fait de nombreux blessés et morts, la ligne ferme en 1952. Elle a été récemment transformée en voie verte.
Cette voie que l'on appelle aussi localement le "sentier de la Galoche", monte tout doucement sous les arbres. Elle porte ce nom car les ouvriers qui ont construit la ligne dans ce coin reculé du Velay, étaient chaussés de galoches. Ce chemin va directement jusqu'à un petit hameau que je vous montrerai dans mon prochain article.
Au niveau du viaduc, entièrement bâti en basalte provenant des prismes d'une coulée proche du hameau de Chastel, nous traversons un petit ruisseau, le rasa qui est le ruisseau principal qui traverse le ravin pour se jeter ensuite dans la Suissesse, un affluent de la Loire. Nous profitons du paysage : déjà au loin on devine le Ravin derrière les arbres. Il doit être davantage visible de là en plein hiver quand les arbres ont perdu leurs feuilles.
Au lieu d'aller directement au hameau de Chastel, en suivant la voie verte, nous avons choisi, juste après le viaduc de tourner à gauche pour prendre un sentier ombragé qui grimpe fort par endroit mais borde le ravin de Corboeuf au plus près. Ce sentierlà n'est pas accessible en poussettes et il vaut mieux avoir de bonnes chaussures car il est par endroit assez caillouteux.
Un premier belvédère permet de faire une halte instructive et poétique à la fois, le temps de lire le panneau explicatif. La vue extraordinaire sur ce ravin creusé par l'érosion est tout simplement extraordinaire. Ici, il y a 40 millions d'années, il y avait un lac au fond duquel se sont déposés, de l'Éocène supérieur à l'Oligocène des roches détritiques puis des argiles. Ici aucun fossile n'a été mis au jour mais dans un lac similaire proche géographiquement, divers spécimens ont été découverts permettant de reconstituer qui vivait dans ce lieu.
Le second belvédère est tout aussi magique. J'ai adoré cet endroit !
Un peu de géologie.
En fait, l'histoire géologique du bassin du Puy et de l'Emblavez est assez complexe.
Il y a 40 millions d'années, la plaine de l'Emblavez et le bassin du Puy-en-Velay était recouverte de dépôts datant de l'Eocène, puis comme je viens de vous le dire, à l'Oligocène, l'endroit est recouvert par un immense lac d'eau douce peu profond, au fond duquel se déposent de manière quasiment horizontales des couches d'argiles entrecoupées par endroit de couches de marnes composées d'argiles et de carbonate de calcium. Ce sont elles qui prendront une teinte bleutée par la suite.
Selon leur composition chimique, les argiles forment des couches successives de différentes couleurs et épaisseurs (en tout près d'une centaine de mètres d'épaisseur par endroit).
Il règne alors un climat tropical, et le lac s'assèche (je simplifie).
Il y a 35 millions d'années, les sols sont ainsi mis totalement à nus et érodés. Entre 4 à 15 millions d'année, entre les sillons creusés par l'érosion, on voit apparaitre les premières crêtes.
Très sensibles au ravinement, ces couches ouvrent de grands espaces nus sans végétation que l'on surnomme des badlands.
Dans le vallon de Corboeuf, seule la nature a façonné le relief.
Selon les saisons, et l'humidité, on voit distinctement des couches de teintes rouges, vertes, bleues ou ocres clair. On les voit aussi sur mes photos mais il faisait très sec et donc ce n'est pas évident de les visualiser correctement. Ce qu'il faut savoir c'est que le paysage évolue encore d'années en années car l’érosion continue de façonner le ravin.
Les argiles rouge et verte sont appelées argiles à illites (en fait elles sont constituées d'un mélange d'illite, de montmorillonite, et de kaolinite).
A noter que l'argile verte n'est pas exploitée ici dans le ravin mais dans un site proche situé à Saint-Paulien (12 km environ) et situé dans le bassin du Puy où se trouvait donc il y a 40 millions d'années le même lac. Cette argile verte a de nombreuses vertus médicinales.
La balade entière (tout le tour du canyon et retour au village) fait un peu moins de 6 kilomètres et peut se faire en une après-midi même avec de jeunes enfants capables de marcher. Le dénivelé est faible puisqu'il est interdit de descendre dans le canyon qui est actuellement, je le rappelle, un site protégé et classé. Il faudra bien évidemment les surveiller lorsque l'on s'approche des points de vue, car ceux-ci sont sécurisés par des barrières à travers lesquelles les jeunes enfants peuvent se glisser.
Et c'est avec ce panneau montrant l'environnement et en particulier la plaine actuelle de l'Emblavez que se termine l'article du jour.
Prochainement nous visiterons le petit hameau de Chastel, hameau que nous aurions pu également atteindre soit en voiture, soit à vélo, soit à pied en poursuivant par la route, ou alors par la voie verte, enfin comme d'habitude...si vous le voulez bien !