Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
A la fin du XIXe siècle, les ateliers de soierie lyonnais embauchent de toutes jeunes filles, logées sur place pour la plupart, afin de veiller au moulinage des fils de soie. On les appelle aussi des "ovalistes" en référence à la forme ovale de la pièce centrale du moulin. Elles doivent pour un salaire de misère (1.40 F pour 12 heures de travail quotidien) surveiller le bon déroulement de l'opération, garnir et dégarnir les bobines, nouer les fils cassés et vérifier la qualité de la soie.
Elles viennent pour la plupart de la campagne, ne savent ni lire ni écrire, et 10 % d'entre elles arrivent tout droit du Piémont et ne parlent pas un mot de français. Elles ont été recrutées dans les régions pauvres où le colporteur a fait miroiter à leur famille, une vie idyllique. Or sur place elles déchantent car les conditions de vie sont précaires en échange d'un travail éprouvant.
C'est ainsi que pendant les deux tiers du roman, l'autrice va nous présenter quatre jeunes filles qui ne vont pas être embauchées dans le même atelier lyonnais et donc n'auraient jamais dû se croiser.
Tout d'abord, il y a Toia qui descend tout droit du Piémont et ne parle donc pas un seul mot de français ; Rosalie Plantavin, elle, a quitté Nyons, dans la Drôme où les filatures ont fermé les unes après les autres suite à la maladie du mûrier blanc ; Marie Maurier a abandonné avec peine ses belles montagnes de Haute Savoie. Elle brandit sa bonne humeur comme une arme contre la trop dure réalité ; et Clémence Blanc a la chance d'être lyonnaise, donc de connaître la ville. Elle a d'ailleurs son propre toit qu'elle partageait avec son amie, morte en couches.
Elles espèrent toutes avoir une vie meilleure que celle qu'elles ont eu jusqu'à présent...mais c'est la misère qui les attend, l'exploitation, la soumission dans des conditions de vie inhumaine mais reflétant bien cette époque. Pourtant, la soie est très prisée et est vendue dans le monde entier...
La grève est inévitable, les femmes ne demandent rien d'extraordinaire juste d'être payées 2 F par jour, pour une heure de moins de travail quotidien. Elles vont être soutenues par les hommes, les moulineurs qui eux, pour le même travail, gagnent déjà 2 F. Le mouvement s'amplifie, des lettres sont écrites mais resteront sans réponse. Les patrons en profitent pour se moquer des femmes. La grève durera néanmoins un mois...même si certaines doivent reprendre le travail pour se nourrir, les réunions et les revendications continuent,car les grévistes sont nombreuses (il y avait entre 2000 et 4000 ovalistes à Lyon à cette époque). Elles s'enhardissent et nos quatre protagonistes apportent chacune leur pierre au mouvement, dans l'enthousiasme de leur jeunesse...
Jamais peut-être elles n'auront été autant elles-mêmes que ces jours et ces nuits-là, des mois de juin et juillet 1869, si être soi-même consiste à se mêler, à parler fort, à être d'accord, à ne pas être d'accord, à rire, consiste à marcher sans se presser dans la rue, au milieu des autres, à marcher dans la rue de nuit, à envahir les cafés, pas en famille, pas discrètement en tête-à-tête, mais en bande, à tenir table comme à tenir tête, à sortir des ateliers, des dortoirs, de soi, être soi-même en sortant de soi, consiste à éprouver ce que nous ignorons, une ferveur ? une joie ? la joie et la peur de trahir, les parents, les patrons ? un déchirement ? une rage ? un allant ? consiste à reconnaître pareils sentiments, à se reconnaître...
en ses semblables.
Voilà un livre qui avait tout pour me plaire : un éditeur que j'aime beaucoup, une histoire de femmes, des ateliers de soierie dans la ville de Lyon et, le récit de la première grève de femmes en 1869 appelée la révolte des ovalistes à propos de laquelle je le reconnais, je ne savais presque rien.
Mais car il y a un mais, vous vous en doutez, je n'ai absolument pas accroché avec l'écriture de l'autrice, je ne me suis attachée à aucune des personnes présentées, et je me suis forcée à finir ce petit roman d'à peine 148 pages. Quel dommage !
Pourtant, l'histoire en tant que telle est très intéressante parce que le récit de cette première grève de femmes est peu connu et donc peu traité en littérature. Je trouvais donc que ce roman pouvait être un bel hommage à ces femmes qui finalement se sont battues pour nous.
Le fait de mieux connaître la personnalité de ces quatre femmes aurait du permettre de vivre les événements de l'intérieur, de mieux adhérer à leur cause, ce qui n'a pas été du tout mon cas car je suis restée du début à la fin totalement en dehors de leur histoire, ou presque, car seulement de rares passages ont su me toucher.
A noter : La construction du récit est cependant originale. Entre deux chapitres durant lesquels l'autrice présente les jeunes filles, un court chapitre intermédiaire les compare à des sportives passant le témoin à la suivante, comme dans une course de relais qui les relierait et les mènerait toute vers l'action et donc vers la première grève de femmes. J'ai bien aimé l'idée que cette course de relais symbolise la solidarité, l'entraide, l'action de ces femmes qui ainsi se passent le relais de femme en femme, de génération en génération, au fil du temps et jusqu'à nous aujourd'hui car nous savons bien que le combat pour l'égalité est encore en marche et que nous ne devons pas baisser les bras. C'est finalement cette idée-là sous-tendue dans le roman qui m'a le plus plu et ému, en tant que femme.
Mais j'ai donc un avis très mitigé sur ce roman qui pourtant me permet de participer à deux challenges d'ingannmic, "Lire sur le monde ouvrier ICI" et "sous les pavés, les pages" ICI.