Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le courant a emporté le monde
Plus rien n'indique son retour
La communauté est sans travail
Depuis nous sommes sans voix
Il ne m'en a pas fallu beaucoup, une illustration sur la page de couverture qui me rappelait l'île d'Oléron, ou d'autres îles des Charentes maritimes (?) ; un éditeur inconnu et une collection au nom évocateur "La vie rêvée des choses"... pour que j'ai envie de demander ce roman lors de la dernière Masse Critique de Babelio de Septembre.
Un jour, la marée a emporté la mer au loin, et la mer ne revient plus, cette mer qui a toujours été capricieuse mais qui d'ordinaire était là et les faisait vivre.
"Elle", dont nous ne saurons jamais le nom, avait laissé sa cabane de couturière où elle confectionnait des robes de mariées, qui ne se vendaient plus, pour aller travailler dans une autre cabane, celle d'un ostréiculteur.
Le travail est harassant et difficile, mais il faut bien manger et boucler les fins de mois surtout depuis qu'elle reste seule avec sa fille, le père étant parti au loin.
Elle n'avait pas l'habitude de ce travail, mais elle a découvert la solidarité et l'entraide. Les femmes à présent sont désœuvrées, elles continuent à espérer, seules sur leur île, tandis que les hommes choisissent comme le père, de partir au loin.
Sa fille se révolte et ne veut plus être fille mais garçon. Il abandonne ses études et va tout faire pour que la vie change, et surtout que sa mère réagisse et se reprenne en main, en la poussant à faire renaître l'atelier de confection.
Alors notre héroïne aussi ne sait plus ce qu'elle doit faire et elle se laisse porter par le quotidien, ses souvenirs, et l'espoir que la vie reprenne, entrainant le lecteur avec elle...
Nos cabanes sont grises ou noires
Simplement laissées en l'état
Dans une crasse toute maritime
Elles font le bonheur des curieux
Des vagabonds, pèlerins
Au village d'artistes au contraire
Les cabanes sont colorées, se font ateliers
Galeries, boutiques, foyers
Les portes sont ouvertes
On cherche à émerveiller
Cuir, bois, porcelaine, ferronnerie
Voilà un roman-poème déroutant par son histoire courte (92 pages) mais intense, la vie de ces femmes sur leur île n'est pas de tout repos mais courageusement, elles travaillent dans les claires, triant les coquillages dans le froid quel que soit le temps pour remplir des bourriches afin d'honorer les commandes permettant aux autres de faire la fête.
Nous saurons cependant peu de choses de notre héroïne plutôt solitaire et auréolée de secrets que l'auteur nous dévoile par petites touches pleines de délicatesse.
Voilà un roman surprenant par sa forme, sans aucun point même final et donc une ponctuation uniquement constituée de virgules et de rares points d'interrogation. Le rythme est donné par les mots, le souffle de la phrase et le découpage en très courts "chapitres" d'une à deux pages à peine...ce qui ne m'a bizarrement pas du tout gênée lors de ma lecture.
Les phrases sont en vers libres, et forment ainsi mises bout à bout, une histoire très poétique, une histoire que j'ai eu envie de conter à haute voix pour en sentir toute la force, une histoire au pouvoir fortement évocateur...
C'est paisible, doux et mélancolique mais pas triste pour autant. Les odeurs de la mer, les cabanes délabrées ou joliment peintes, les robes de mariée, les huîtres qu'il faut ranger dans les bourriches avec leurs coquilles elles-aussi bordées de dentelles... tout une ronde d'images, d'odeurs, de sensations nous envahit au détour de chacune des phrases.
Déjà le livre en lui-même est un objet à part, très beau : la couverture, le papier, les tons blancs cassés, la mise en page, les illustrations intérieures noir et blanc, sont d'une grande délicatesse et donnent envie de l'ouvrir sans tarder pour le découvrir.
Ce livre qui sortira en librairie en début de semaine prochaine est le dixième de la collection. Je remercie Babelio et l'éditeur "Cours toujours" voir son site ICI, de m'avoir permis de le lire en avant-première.
Mon fils est sur le continent
Il surfe sur le toit des villes
Il n'a plus peur, ni de la pluie, ni des bruits
C'est un homme au grand sourire
Assez grand pour deux, trois, quatre
On est avec lui comme l'eau suit le courant
Je marche de nouveau sur un chemin
J'ai dans les mains mon bouquet de dunes
Statice, fenouil, obione
Je compte mon bonheur