Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ils se regardèrent droit dans les yeux et ne furent plus que regard et âme. Ils ne voulaient pas détacher ce regard et redevenir l'Olga habituelle et l'habituel Herbert. Jusqu'au moment où Olga sourit et dit :
"Qu'est-ce que nous allons faire ? Je ne peux pas travailler, quand tu me regardes. Et quand je te regarde.
- On se marie, et tu arrêtes de travailler."
Olga se pencha en avant et lui mit les bras autour du cou.
"Tu ne vas pas m'épouser, pas maintenant que tu es trop jeune pour te marier, ni plus tard parce que tes parents trouveront pour toi un meilleur parti...
Nous devons seulement, dit-elle en souriant à nouveau, décider quand nous nous regardons et quand je travaille."
Tu me manques dans tout ce que nous faisions ensemble et que maintenant je fais seule. Et dans tout ce que je fais seule et que nous n’avons pas encore fait ensemble, mais dont je sais que nous pourrions le faire.
A la fin du XIX° siècle, la petite Olga vit dans un quartier pauvre d'une ville de Silésie (en Pologne actuellement). Quand elle se retrouve orpheline, elle est recueillie par sa grand-mère, une femme sévère et acariâtre qui l'emmène en Poméranie. Solitaire, elle se réfugie dans la lecture car elle sait déjà lire (et écrire) avant de rentrer à l'école.
C'est là-bas qu'elle va se lier d'amitié avec les deux enfants d'un riche industriel local, Viktoria et Herbert. Elle s'attache particulièrement à Herbert. Ils deviennent amis malgré le rejet de sa famille. Tous deux se retrouvent en cachette en limite de la forêt, loin du regard réprobateur des adultes.
Olga qui a toujours été curieuse et pleine de vie, est brillante en classe. Malgré les obstacles, elle rêve de devenir institutrice et y parviendra. Elle va en effet réussir le concours d'entrée à l'Ecole Normale. Pendant ce temps, Herbert la détourne de ses études, rêve à des voyages lointains. Il sait que ses parents le destinent à un avenir tout tracé : succéder à son père.
Olga et Herbert deviennent amants, mais Viktoria, jalouse, ne pense qu'à les séparer. Elle va faire jouer ses relations, pour faire muter Olga à Tilsit, à l'autre bout de l'Empire allemand. Là-bas, Olga ne va pas se décourager, elle va sympathiser avec des voisins adorables qui s'occupent d'une ferme et beaucoup s'investir dans sa classe d'une part, mais aussi, dans la garde d'un petit garçon, Eik...
Herbert fait ses deux années de service militaire obligatoire dans l'armée coloniale et part en Afrique. Ce départ le comble et les deux amants ne vont se voir plus qu'épisodiquement. Il participe aux massacres contre les indigènes (répression du mouvement Herero) persuadé qu'il aide ainsi son pays à atteindre ses rêves de grandeurs. Il repartira ensuite en Amérique du Sud, puis en Carélie mais son rêve c'est de partir explorer l'Arctique et le célèbre passage du Nord Est. C'est en 1913 qu'il concrétisera son rêve.
Olga va l'attendre toute sa vie...
Dès le premier jour Herbert avait aimé le désert. Au sud les dunes se dressaient haut pour tomber à pic dans la mer, majestueuses et en même temps présentant des rondeurs d'une beauté sensuelle. Vers l'est c'était une vaste étendue de pierres et de sable, aux grains tantôt rougeâtres et tantôt gris, parsemée de lichens sombres et de maigres herbes claires, avec parfois de petites éminences buissonnantes qui évoquaient de gros monts de Vénus. Herbert aima que coexistent ainsi uniformité et diversité...
Elle se disait qu'en amour on n'est pas à la disposition l'un de l'autre, mais qu'on est un cadeau, et qu'on pouvait être un cadeau l'un pour l'autre aussi par lettres.
Elle aimait les cimetières parce que là ils étaient tous égaux, les puissants et les faibles, les pauvres et les riches, les gens qui avaient été aimés et ceux dont personne ne s'était soucié, ceux qui avaient connu le succès et ceux qui avaient échoué. A cela le mausolée ou la statue d'ange ou l'imposant tombeau ne changeaient rien. Ils étaient tous également morts, nul ne pouvait ni ne voulait être plus grand, et trop grand ne voulait plus rien dire.
C'est un roman d'ambiance qui prend son temps pour mettre en place l'histoire et nous faire découvrir les personnalités très différentes de nos deux protagonistes. Le lecteur attentif comprendra certains éléments que je ne vais pas vous dévoiler, bien avant la fin de sa lecture.
Le roman est écrit en trois parties. La première nous raconte la vie d'Olga de sa jeunesse à sa retraite anticipée pour des raisons de santé. La seconde est écrite à la première personne par un narrateur qui l'a bien connue car elle a fait pendant des années des travaux de couture pour ses parents. Dans la troisième, qui se situe après la mort d'Olga, le narrateur précédent va nous permettre de reconstituer le puzzle, en nous révélant ce que nous devons savoir...à partir de lettres écrites par Olga et adressées à Herbert, dont je ne vous raconterai pas les détails, ni comment elles sont arrivées en sa possession.
C'est un roman résolument féministe qui nous parle de la place de la femme dans la société du début du XXe siècle. L'histoire d'Olga et le récit de sa vie sont très émouvants.
Le récit de sa vie est inscrit dans la grande Histoire, celle de la colonisation, celle des deux guerres mondiales mais aussi, celle des explorateurs qui sont partis à la conquête du monde...au péril de leur vie.
Je me suis attachée à ce personnage féminin dès le début du roman. En fait on découvre sa personnalité intègre et qui ne déviera jamais de l'idéal de vie qu'elle s'était fixé, à travers ce qui est raconté de sa vie, sa détermination à sortir de son milieu social, en choisissant une profession qui lui permettrait à la fois de vivre de manière indépendante, sans dépendre d'un homme et de son salaire (en cela elle est d'avant-garde) mais aussi de continuer à transmettre son savoir, tout en aidant les autres, donc ses élèves, à réaliser leurs rêves.
C'est un roman intimiste tout en finesse dans lequel certaines personnes peuvent trouver des longueurs ce qui n'a pas été mon cas. On ne peut pas apprécier la plume de l'auteur si on ne s'attache pas un tant soit peu à l'héroïne.
Il faut noter que le personnage d'Herbert s'inspire d'un personnage réel, Herbert Schröder-Stranz, un explorateur peu connu. Mais il faut noter que c'est suite à l'échec de son expédition que des experts ont exigé de contrôler plus précisément, chacune des expéditions organisées dans l'arctique.
Bonne lecture !
C'est un type d'humanité qui se trouve encore au plus bas degré de civilisation et qui est dépourvue de nos meilleures et plus hautes qualités comme le sérieux dans le travail, la gratitude, la compassion, tout ce qui est idéal. Même s'ils se formaient extérieurement, les âmes ne suivraient pas.
De cet auteur j'avais lu "Le liseur" présenté ICI sur mon blog. J'espérais emprunter en médiathèque son dernier roman "La petite-fille" et pour me consoler de ne pas le trouver j'ai emprunté "Olga".
Bizarrement j'ai dit chez Kathel (ICI) qui présentait "La petite-fille", que je ne connaissais pas l'auteur et, le lendemain je me suis mise à douter de ce que j'avais dit... j'ai bien évidemment trouvé très vite ma chronique. C'est un livre qui pourtant m'avait beaucoup marquée lors de ma lecture et dont à présent je me souviens parfaitement ! La mémoire nous joue parfois des tours étonnants...Dois-je m'en inquiéter ?!!
Ceci dit j'ai beaucoup aimé "Olga" et je remercie Kathel de m'avoir donné envie de découvrir ce roman (voir sa chronique ICI). Je languis à présent de continuer ma découverte de cet auteur.
Enfin elle put lire tout ce qu'elle avait toujours voulu lire: des classiques et des modernes, des romans et des poèmes, des livres sur l'histoire des femmes, celle des aveugles, des sourds-muets, sur l'empire et sur la république de Weimar, des partitions de musique qu'elle avait jouées à l'orgue, et aussi de la musique qu'elle aurait aimé jouer.
Quels lâches vous êtes, vous les hommes ! Tu n’avais pas eu le courage de m’annoncer la bêtise que tu allais faire en partant pour l’hiver, lui n’a pas eu le courage de parler avec moi de son choix politique démentiel. Vous saviez tous les deux que je me disputerais avec vous, et vous n’avez pas voulu risquer le conflit. Face à la neige et à la glace, aux armes et à la guerre, là vous vous sentez à la hauteur, vous les hommes, mais pas face aux questions d’une femme.