Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Terminons le mois d'octobre, tout en douceur et poésie, avec le second tome de la série intitulée "Le poids des secrets" qui en comporte cinq.
Ayant eu la chance d'acquérir la pentalogie d'occasion, je me suis décidée enfin à la terminer pendant l'été après avoir (re)lu et beaucoup aimé le premier tome, présenté ICI, intitulé "Tsubaki" que je vous invite à (re)découvrir si vous ne le connaissez pas encore.
Je demande :
- C'est quoi, épouser ?
ELLE répond :
- Tu ne sais pas ? Un homme et une femme habitent ensemble pour le reste de la vie et ils élèvent des enfants. L'homme travaille pour gagner de l'argent et la femme reste à la maison pour s'occuper des enfants. Mais il faut fêter le mariage avant ça.
Je comprends maintenant et dis :
-Alors j'aimerais épouser ma mère pour habiter avec elle pour le reste de ma vie...
Dans ce second tome, nous retrouvons les personnages dont nous avons fait connaissance dans le premier, mais l'histoire est à présent racontée sous un angle différent puisque du point de vue de Yukio. Il est désormais marié et père de trois grands enfants.
Yukio se souvient très bien de la petite fille avec laquelle il jouait au parc lorsqu'il était enfant et du monsieur qui l'accompagnait et avec qui sa mère, Mariko, quelquefois le laissait. Enfants, ils s'étaient jurés qu'un jour, ils se marieraient et avaient écrit leurs deux noms au cœur d'un coquillage, mais ils se sont perdus de vue.
Mariko s'est mariée avec M. Takahashi et tous les trois ont quitté définitivement Tokyo, pour Nagasaki. Avoir un père adoptif, change la vie du jeune garçon qui n'a alors que 4 ans et découvre les joies d'avoir une véritable famille. Il ne sait pas que pour sa mère quitter Tokyo a été à la fois un soulagement, et un drame, ni que cet homme qui accompagnait la petite fille n'est autre que son père biologique.
Yukio et Yukiko se retrouve alors qu'ils sont adolescents mais ils ne se reconnaissent pas. Très vite, ils s'attachent l'un à l'autre et deviennent inséparables. Tout se passe bien jusqu'au jour où, sans raison apparente, et sans explication, elle ne veut plus le voir. Ce sera pour lui une terrible déception qui le poursuivra toute sa vie. Il ne saura qu'à la fin de sa vie ce qui le rattache à la jeune fille.
Le père adoptif de Yukio a été envoyé en Mandchourie pour son travail, mais il ne donne plus de nouvelles depuis longtemps, lorsqu'en 1945, la bombe atomique, lancée par les américains, tombe sur Nagasaki...Yukio et sa mère n'étaient pas présents en ville. Ils ont eu beaucoup de chance ce qui n'a pas été le cas de leurs voisins, le père de Yukiko na pas survécu. La jeune fille et sa mère quittent la vallée ravagée.
Cinquante ans après, alors qu'il vit toujours à Nagasaki avec sa femme, Shizuko, et sa mère Mariko, Yukio entame des recherches, tandis que sa mère se sentant partir refuse toujours de lui révéler les secrets qui entourent sa naissance...mais il va peu à peu les découvrir tout seul.
Il n'y a plus de cours maintenant. Les étudiants de notre âge ou plus vieux doivent travailler dans une usine réquisitionnée par l'armée. Tous les matins, le directeur nous donne des instructions. Et de temps en temps, un commandant vient inspecter l'usine et nous fait un long discours...
Tout le monde écoute, silencieux. Les paroles offensantes pour l'armée sont interdites. Si on lui réplique, on est giflé.
Dans une écriture très poétique et émouvante, l'auteur sait par petites touches, nous tenir en haleine et nous parler avec pudeur et douceur des non-dits qui empoisonnent la vie de cette famille.
Ce n'est pas un livre triste, il n'y a aucune rancœur dans les propos tenus par Yukio. Il est arrivé à l'âge de la raison et il sait, avec une certaine sagesse, accepter son destin et "le poids des secrets" de famille ce qui rend ses propos encore plus émouvants.
Ce qui est perturbant c'est que le lecteur est en avance par rapport à Yukio puisqu'il a déjà découvert une partie des secrets dans le premier opus, mais cela n'entache en rien son plaisir de la lecture car, il n'y a pas de répétition et il trouve des réponses à ses questions. De plus grâce aux phrases courtes et aux chapitres de quelques pages à peine, l'histoire se lit d'une traite.
Le lecteur apprend beaucoup de choses sur l'histoire du Japon avant et pendant la guerre. Par exemple, j'ignorai les événements en Mandchourie, le travail des enfants pendant la guerre et l'interdiction de certains livres par le gouvernement japonais.
Remarque : l'Hamaguri est le nom donné à une grosse palourde d'eau salée (Meretrix lusoria). Dans le roman, les enfants jouent avec les coquilles de ces coquillages, le jeu ( le kaïawase) consistant à les assembler deux par deux pour former des couples parfaits. C'est également dans ce coquillage qu'ils vont écrire leurs deux prénoms.
Ce court roman de 112 pages à peine, a obtenu le Prix Ringuet de l'académie des Lettres du Québec.
Yukiko ne vient plus dans le bois de bambous. Je l'attends une semaine, deux semaines, trois semaines en vain. Je commence vraiment à m'inquiéter à son sujet. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Est-elle tombée malade ? Je ne la vois jamais devant la maison...
Je reste maintenant seul dans le bois, le coeur brisé.