Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Avez-vous déjà eu le sentiment d'être abandonnée ?"
La phrase de Marceline m'est revenue tandis que, assise sur les marches en haut du cimetière de ma ville natale, je contemplais les tombes et le lac artificiel au-delà.
Voilà aujourd'hui un roman poétique et plein de charme que je voulais lire depuis longtemps. Il nous raconte l'histoire toute simple de Célian, un jeune garçon surdoué en rupture scolaire et de Mary, sa maman qui ne sait plus comment faire pour que sa vie prenne un nouveau tournant après une rupture amoureuse douloureuse.
Célian est incompris par sa maîtresse qui le juge paresseux. Mary ne lui en veut pas mais elle sait que son petit garçon est à part, et qu'il a une âme de poète. Toujours en train de rêver, hypersensible, il s'évade très vite hors des murs pour penser à ce qu'il aime faire et en particulier à la nature dans laquelle il se sent particulièrement bien. Comme il a toujours la tête dans les étoiles, la maîtresse pense qu'il doit redoubler son CM2 et ne pourra pas suivre au collège. Sa mère s'y oppose.
En plus des dessins, des animaux et des aquarelles de sa mère, tous les soirs, il se passionne pour les récits qu'elle lui fait de la vie de Tycho Brahe, un grand astronome danois précurseur de l'astronomie moderne, qui vivait à la Renaissance. Cet astronome, au destin fabuleux, son propre père en parlait déjà à Mary lorsqu'elle était enfant et elle veut transmettre ce qu'elle sait à son petit garçon.
Dans un premier temps, Mary qui est dépressive se réfugie dans le Morvan auprès de sa mère afin de se ressourcer, puis...elle décide de déscolariser Célian pour la fin de l'année, et de partir avec lui au bord de la Baltique dans une île légendaire : l'île de Ven. Cette destination n'a pas été choisie au hasard ! C'est là en effet que l'astronome s'était fait construire un observatoire, le plus grand de l'Occident, depuis lequel il redessina la carte du ciel et fit toutes ses recherches.
Dans cette île préservée où les gens sont accueillants, tous deux vont peu à peu se reconstruire, réapprendre à aimer la vie en toute liberté, tout en faisant de belles rencontres.
Posée là toute la journée derrière la fenêtre de ma chambre en compagnie d'un vieux chat, le regard perdu au-delà des collines bleues de mon enfance, je ne ressentais que l'appel du vide et une extrême fatigue. Mon existence était une eau qui coule entre les mains. Je désirais dormir, oublier et être oubliée. Ne plus jamais avoir mal...
Depuis que nous sommes sur l'île je découvre la patience de mon fils, capable de rester des heures appuyés sur les coudes pour tenir ses jumelles, et tout ça parce qu'il espère l'apparition d'un animal dont rien ne garantir la venue. Cela fait plusieurs jours qu'il a ainsi repéré le manège d'un oiseau inconnu, volant des brindilles dans un champ voisin. Cette fois-ci il voudrait le prendre en photo pour l'identifier, si nous avons la chance de le voir réapparaître. Quand nous nous arrêtons, il murmure :" Des tas d'animaux nous regardent en ce moment-même."
J'apprécie de plus en plus la plume de Maud Simonnot que j'ai découverte récemment en lisant "L'heure des oiseaux", présenté ICI.
Le roman alterne dans un court chapitre, la voix de Célian, puis sur quelques pages, celle de Mary. Il est bâti en trois parties et les chapitres se lisent très facilement.
C'est un roman qui nous parle d'abord de l'amour d'une mère pour son fils et de la manière dont elle accepte sa différence, tout en le protégeant des autres du mieux qu'elle peut. L'île est un endroit un peu magique où l'enfant réapprend à rire, à s'aimer, à profiter de la liberté après avoir subi beaucoup de remarques humiliantes à l'école. Mary fait tout ce qu'elle peut pour apporter à son fils le maximum et le voir s'épanouir et devenir qui il est vraiment. Elle parle de lui avec beaucoup de tendresse et de bienveillance, nous faisant ressentir sa fragilité tout comme la sienne et en dévoilant les pans douloureux et marquants de sa propre enfance.
Le lecteur est forcément touché par cet enfant qui revient à la vie au cœur de la nature, aidé par des gens chaleureux qui ne portent aucun jugement sur lui et l'acceptent tel qu'il est. J'ai pourtant trouvé que par moment (c'est mon seul bémol), tout surdoué qu'il soit, ses propos ne correspondaient pas vraiment à ceux d'un enfant de son âge.
C'est un roman tout en finesse et poésie, une ode à la nature préservée et sauvage et à la beauté du ciel et de l'univers. Si vous aimez les étoiles, vous découvrirez avec plaisir au passage la vie de Tycho Brahe, un astronome peu connu chez nous mais qui a su révolutionner son époque en changeant le regard porté par les autres scientifiques sur le ciel et l'astronomie.
Les parallèles entre la vie de Shakespeare et de l'astronome ne manquent pas dans le livre. Tous deux ont vécu à la même époque et aurait pu se rencontrer mais je ne vous dirai rien des découvertes que Mary et son fils vont faire à ce propos, car elles font partie intégrante de l'histoire et en constituent une des facettes passionnantes.
La fameuse phrase que nous connaissons tous : "To be or not to be" est- elle le lien et faut-il lire entre les lettres une autre réalité "T(ych)O B(rah)E OR NOT T(ych)O B(rah)E" !
Vous le saurez en lisant ce roman doux et contemplatif, qui fait du bien.
Il m'a cependant un peu moins touchée que "L'heure des oiseaux". Par moment, j'ai eu l'impression de rester trop en dehors, en position de spectatrice, une position que je n'aime pas du tout avoir quand je lis un roman.
Célian :
Le temps est différent ici, il glisse.
Dans le hall de la pension, il y a une horloge en bois. Je touche le balancier en cachette à chaque fois que je passe devant. ça me rappelle une histoire de Maman sur une horloge magique qui sonne une treizième heure après minuit...