Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
C'est son heure préférée, celle où la forêt devenue bleue renaît. Cette heure merveilleuse, suspendue avant l'aube, où tous les chagrins s'effacent, où tous les espoirs semblent permis. L'heure des oiseaux.
Voilà un auteur que je découvre avec ce roman très court (158 pages à peine) mais percutant et terriblement touchant. Il se lit d'une traite tant il est prenant car en plus l'auteur s'est inspirée de faits réels.
Dès les premiers mètres, les bois répandent leur odeur aromatique et poivrée. Quand Lily apparaît dans un halo de lumière, les oiseaux lui font fête. Des dizaines de mésanges volent près d'elle, jusqu'à frôler ses cheveux et ses bras. Les passereaux modulent leurs cris différemment, plus fort, plus aigu. Toute la forêt oubliée bruisse de joie.
Pour aider son père âgé, qui a été un enfant placé dans l'orphelinat de l'Île de Jersey, la narratrice se rend sur place, afin de découvrir ce qu'il a oublié ou occulté et le perturbe depuis quelques temps. L'orphelinat qu'on a surnommé "l'orphelinat de la honte" a été fermé dans les années 80 avant que n'éclate en 2008, suite à la découverte d'un corps d'enfant enterré dans une cave sous une dalle en béton, un véritable scandale, fait à la fois de rumeurs et de faits avérés qui pour certains sont toujours en cours d'investigation.
Le père de la narratrice faisait partie des enfants présents en 1959. Il est depuis cette découverte macabre, victime de crises d'angoisse de plus en plus terribles. Le procès dont les médias se sont emparés, en donnant beaucoup de détails, n'a pas arrangé les choses. Pour l'apaiser, mais aussi pour en apprendre davantage sur sa grand-mère biologique, et comprendre pourquoi son père a été abandonné, la narratrice se rend sur l'île afin d'enquêter. Mais depuis longtemps ceux qui savaient quelque chose ne sont plus de ce monde, et ceux qui restent, soixante ans après, n'ont pas envie de dévoiler ce qui a été gardé secret depuis tout ce temps : actes de cruauté, enfermements, privations, humiliations, abus sexuels, la liste est longue de ce qu'elle va tout de même réussir à découvrir.
Derrière cette île paradisiaque qui à l'époque, était un véritable paradis fiscal, se cachent de bien sordides affaires de maltraitance...et l'omerta qui y règne est une seconde violence pour ceux qui sont sortis de cet orphelinat.
En parallèle de cette enquête, l'auteur choisit de nous dévoiler la vie quotidienne fictive de deux enfants de la même fratrie, Lily et celui qu'elle surnomme dans le récit, le Petit.
Lily est une petite fille éprise de liberté, elle trouve le courage de supporter leur vie quotidienne en partant dans la forêt écouter le chant des oiseaux auxquels elle parle et avec qui elle chante. Elle fait la connaissance d'un ermite vivant dans une grotte proche, qui va beaucoup l'aider à connaître l'île et ses richesses naturelles.
Je ne vous dirai pas en quoi ces deux histoires sont liées, ni le drame vécu par le père de la narratrice qui explique que si petit, avant ses 5 ans, il ait totalement occulté le détail de ces événements traumatisants...
Les policiers tentèrent de dresser la liste des personnes impliquées et celle des victimes. L'une comme l'autre furent difficiles à établir : l'orphelinat avait été fermé en 1986, on n'avait conservé aucun registre des employés ni des enfants...
Dans les médias, le doute sur ce qui s'était véritablement passé dans l'orphelinat s'était peu à peu installé, faute de preuves.
Inutile que je vous précise que ce court roman s'inspire d'une histoire vraie mais que les personnages et leurs noms sont de la pure fiction. Cet orphelinat a réellement existé, les faits de maltraitance, d'abus sexuels et autres horreurs décrites sont avérés. Seuls les noms ont été changés. Des notables de la région sont impliqués dans les actes de pédophilie et le cruel Tilbrook, le directeur de ce sinistre établissement a bel et bien existé, même si son nom réel n'est pas dévoilé.
Je tiens cependant à préciser que tout est suggéré. L'auteur raconte la vie quotidienne des enfants avec beaucoup de pudeur et de légèreté. Le lecteur les suit dans leurs rêves, dans leurs escapades, leur fragilité pour celui qu'elle nomme le Petit et leur volonté en ce qui concerne Lily. Par contraste avec ce récit léger, la nature, les oiseaux et le côté paradisiaque de l'île, le lecteur découvre le vécu des enfants au sein de l'orphelinat et le silence des habitants qui tous savaient...mais n'ont pas voulu entacher la belle image idyllique de leur île par pur égoïsme ou intérêt privé.
Peu à peu, au fur et à mesure de ses questionnements, et des révélations qui lui sont faites, la narratrice arrive à en savoir plus et à comprendre le traumatisme vécu par son père.
De nombreuses citations et extraits étayent le récit, nous donnant des éléments sur l'affaire telle qu'elle a pu être traitée par les journalistes.
Un livre fort et pudique à la fois, poignant et qui m'a fait découvrir ce fait divers dont je n'avais jamais entendu parlé, je le reconnais.
La plume de l'auteur très poétique, toute en retenue et en finesse est une belle découverte pour moi qui n'aie pas encore eu l'occasion de lire son premier roman.
...des adultes avaient abusé de la vulnérabilité d'êtres sans défense issus de milieux défavorisés, et leurs agissements avaient pu se dérouler pendant des années en toute impunité parce qu'il y avait eu un terrible échec de la protection de l'enfance.
En temps normal j'aurais été séduite par la beauté de ce spectacle marin, mais depuis quelques jours je percevais la mer différemment : c'est elle qui avait permis à ces gens de vivre en paix avec leurs secrets, elle qui leur conférait cette arrogance. Coupés du reste du monde par l'immensité d'eau, ils étaient entre eux.
La mémoire se conforme à ce que nous croyons nous rappeler, on ne peut pas davantage se fier à nos souvenirs qu'à notre imagination.
Petite remarque à destination de mes fidèles lecteurs...
Merci tout d'abord à tous pour votre fidélité, vos commentaires auxquels je ne réponds pas toujours par manque de temps, préférant aller sur vos propres blogs. Merci pour votre présence, et merci aussi à mes nouveaux abonnés.
Vous êtes nombreux à me faire la remarque que je lis beaucoup. Deux romans par semaine en moyenne (parfois trois, s'ils sont courts ou si ce sont des polars) ce n'est pas beaucoup en fait quand on ne lit que le soir, vu que je regarde rarement la TV. Par contre ce qu'il faut prendre en compte et qui explique mes nombreuses chroniques c'est que, lorsque je me mets en pause, je lis aussi, et oui (!) alors que je ne publie pas. J'ai donc toujours beaucoup plus de livres à vous présenter que ce que je lis "en live". Par exemple, je vous présente encore en ce moment des livres lus l'été dernier pendant les heures de canicule ou bien ceux lus pendant les vacances de Toussaint alors que je n'avais pas la garde de mes petits-enfants et que les jours commençaient à bien raccourcir...
Ceci dit...
Bonnes lectures à ceux qui aiment lire ou découvrir. Un grand merci pour votre intérêt, même si comme je le dis souvent en réponse à vos commentaires, vous n'êtes pas obligés de laisser un message si le sujet de mes articles ne vous intéressent pas. C'est normal de faire des choix notre temps est tellement précieux.
Bonne semaine à tous !