Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Parfois, je me dis que les relations humaines sont un peu comme le sable ou l'eau, qu'on leur donne forme quand on les verse dans un contenant. La relation d'une mère avec sa fille épouse la forme du récipient qui porte l'étiquette "mère-enfant", elle en prend les contours pour le meilleur et pour le pire. Peut-être que certaines amies en mauvais termes auraient été parfaitement heureuses en tant que sœurs, ou des couples mariés plutôt comme parents et enfants, va savoir ?
Voilà un roman résolument moderne dont j'avais lu plusieurs critiques intéressantes sur internet. Quand je l'ai trouvé à la médiathèque, je n'ai pas hésité une seconde à le prendre. Pourtant mon avis sera mitigé...
C'est l'histoire de deux amies. Il y a d'abord Alice, une jeune romancière de 29 ans, un peu dépassée par son succès inattendu. Après une grave dépression, elle quitte Dublin pour s'installer dans un petit village. Eloignée de son amie Eileen qui travaille en ville pour un magazine littéraire, elle correspond avec elle à travers de longs emails où toutes deux tentent de se parler comme si elles se retrouvaient dans un café ou pour une soirée.
Elles échangent ainsi sur le monde d'aujourd'hui, leur vie intime, la politique, la beauté, l'amitié, l'argent, les relations avec leur famille, donc tout ce qui fait partie de leur vie et parfois ce sont de simples petits riens mais ça leur fait du bien.
Le roman débute alors qu'Alice qui se sent seule, et vient de s'inscrire sur un site de rencontres, fait la connaissance de Félix à l'opposé de ce qu'elle est. Il ne sait pas qu'elle est romancière et célèbre. Lui multiplie les rencontres féminines ou masculines, peu importe pour lui. Il travaille comme manutentionnaire et s'ennuie ferme dans son travail, il faut bien qu'il compense. C'est un gars du coin, simple, direct qui profite de la vie.
Eileen quant à elle, renoue avec Simon, un copain d'enfance avec qui elle a peur d'entamer une relation sérieuse. Elle manque d'assurance, est à court d'argent car elle est mal payée et est obligée de vivre en colocation, ce qui n'arrange pas sa vie quotidienne. Mais lui a toujours été amoureux d'elle sans vraiment oser le lui avouer.
Tous les quatre arrivent à l'âge où ils vont commencer à se poser des questions sur leur vie, sur leur métier, leurs amis, leurs amours...et beaucoup d'autres choses.
J'ai tellement peur d'être blessée- la souffrance, je sais que je peux la supporter, mais pas l'indignité de la souffrance, l'indignité de la vulnérabilité.
...
Alors, malgré tout, malgré l'état du monde tel qu'il est, l'humanité au bord de l'extinction, me voilà encore en train d'écrire un mail sur le sexe et l'amitié.
Mais qu'y a-t-il d'autre à vivre ?
Je ne connaissais pas cette jeune romancière alors que ce roman est son troisième. Elle a été propulsée sur le devant de la scène littéraire (un peu comme Alice son héroïne) grâce à son best-seller "Normal People" que vous connaissez peut-être et qui a été adapté sur Netflix ce qui explique qu'elle soit très connue parmi les trentenaires d'aujourd'hui. Son second, "Conversations entre amis" est sortie en série sur ARTE mais je ne l'ai pas vu et n'en avais pas entendu parler non plus.
Ce roman est un livre résolument moderne, à la fois grave et léger, peu sérieux mais drôle, et cependant plus profond qu'il n'en a l'air au premier abord.
C'est un livre résolument féministe dans le bon sens du terme. Les jeunes femmes sont sur le devant de la scène, elles se questionnent beaucoup sur l'amour, sur le sentiment amoureux, sur ce qu'elles ressentent et se demandent sans cesse si elles sont heureuses ou pas, et pourquoi, sans toutefois savoir ce qu'elles veulent vraiment pour leur avenir.
L'auteur décrit ses personnages avec beaucoup de finesse psychologique et met un brin d'humour dans la plupart de ses descriptions et dans la plupart des situations même lorsque ces dernières sont un peu poussées dans l'exagération. Elle nous fait partager les rêves et les déceptions de ces jeunes adultes avec beaucoup de justesse et de réalisme. Mais ce que je regrette c'est d'être restée spectatrice. Question de génération peut-être ? Même les scènes de sexe m'ont semblé surjouées, c'est dire (!) et c'est une drôle de sensation au final.
Au delà des deux jeunes femmes dont je n'ai pas vraiment aimé la personnalité, de Simon qui est incroyablement sérieux et très gentleman, c'est finalement Félix qui m'a le plus surprise par sa sincérité et sa simplicité.
Ce roman nous parle d'une génération anxieuse de son avenir, ces jeunes que l'on appelé des "milléniaux" sont tous intelligents mais d'une grande vulnérabilité. Ils ont peur de l'amour et de l'engagement mais pas du sexe. Ils peuvent discuter sans fin de réchauffement climatique, de politique, et de tout autre sujet d'actualité mais n'arrivent pas à exprimer clairement leurs désirs ou entrevoir clairement leurs projets de vie, ni à se projeter dans l'avenir. Ils enchainent les fêtes mais ne s'amusent pas vraiment, se pensent libres mais attachent beaucoup trop d'importance à ce qu'on pense d'eux sur les réseaux sociaux, ou parmi leur groupe d'amis. Ils nagent en pleines contradictions ce qui est épuisant et les empêchent de profiter pleinement du présent.
A leur décharge, le monde ne va pas très bien depuis qu'ils ont dépassé l'âge de l'adolescence. On les comprend de se sentir pessimistes face à leur avenir. C'est en ce sens que j'ai trouvé ce roman intéressant car c'est un roman social qui décrit bien cette nouvelle génération.
Cependant j'ai eu un peu de mal à me passionner pour la lecture des deux tiers du livre, que j'ai trouvé trop superficielle même si l'écriture est agréable et les échanges entre les deux amies sympathiques, leurs réflexion ne va pas très loin mais ça se lit facilement.
J'ai préféré le dernier tiers, plus abouti, avec nos personnages qui laissent tomber les masques et se dévoilent, pour se laisser aller à davantage d'émotions et donc davantage de crédibilité et de sincérité. Du coup, c'est à la fin du roman, que je les ai trouvé nettement plus attachants !
Malgré ces aspects positifs, je ne crois pas que cette lecture me laissera un souvenir impérissable et pourtant je trouve important d'en parler ici. Cet auteur plaira aux jeunes, j'en suis certaine, qui se reconnaitront, d'ailleurs je crois bien que sur Babelio les personnes qui ont mis 5 étoiles à ce livre ont en majorité moins de 30 ans !
Je sais qu’il y a de bonnes raisons d’être sceptique quant à la nostalgie esthétique, il n’en reste pas moins qu’avant 1970, les gens portaient des vêtements en laine et en coton conçus pour durer, qu’ils mettaient les liquides dans des bouteilles en verre, qu’ils enveloppaient la nourriture dans du papier et remplissaient leur maison avec des meubles en bois de qualité.
Je me représente le vingtième siècle comme une longue question à laquelle, à la fin, on a donné une mauvaise réponse. C'est malheureux qu'on soit toutes les deux nées au moment où le monde prenait fin. Après ça, il n'y avait plus aucune chance ni pour la planète ni pour nous. Mais peut-être que ce n'est que la fin d'une civilisation, la nôtre, et qu'une autre lui succèdera...
Alors qu’on aurait dû réorganiser la répartition des ressources planétaires et mener une transition collective vers un modèle économique durable, on se préoccupait de sexe et d’amitié. On aimait trop, on s’intéressait trop aux autres.
Bon weekend,
un très beau dimanche et surtout...
une Bonne fête
à toutes les mamans !