Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Omra était la femme la plus majestueuse, la créature la plus belle que Nyanya ait jamais rencontrée. Qui que ce soit ayant croisé la route de cette aveugle aux orbites luminescentes ne pouvait penser autre chose. On racontait, pour élucider l'énigme de son éclat, qu'Omra était la fille d'un ange...
Écoute-moi bien, Jina. Je vais te dire à mon tour ce que Nyanya, ta grand-mère, m’a toujours dit, ce que sa mère à elle lui disait : les hommes sont les êtres les plus cruels qui aient jamais été créés. Où que tu regardes sur cette terre, s’il y a du sang ou de la souffrance, c’est qu’il y a un homme. Ils nous tuent, ils nous violent, ils nous battent, ils nous mentent, ils nous humilient, ils font la même chose à toutes les femelles qui habitent sur terre, qu’on soit leur vache, leur mère, leur fille ou leur femme.
Je suis mère. Je ne mange pas les enfants des autres mères. Je ne peux rien manger qui a eu une mère.
Voilà encore aujourd'hui un roman choc qui débute à Arusha en Tanzanie.
Rebecca que l'on appelle Nyanya, qui veut dire grand-mère, tant elle ressemble à la sienne, a eu huit enfants. Les fils ainés se sont mariés et ont quitté la maison depuis longtemps alors qu'elle vient à peine de mettre au monde sa dernière petite fille. Sa fille aîné Maggie (Margaret) termine sa dernière année au lycée et rêve d'aller l'année suivante à l'université.
Mais Rebecca va plonger toute la famille dans les difficultés. En effet, un matin, en l'absence de son époux, elle les quitte pour se rendre dans son village natal où sa propre mère, Omra se bat contre une compagnie pétrolière qui, pour installer un oléoduc (le serpent), rachète aux habitants leurs maigres biens afin de les exproprier. Bien entendu, tout serait détruit sur son passage, la nature, la faune et la flore...et ceux qui resteront n'auront plus de quoi se nourrir. Rebecca emmène avec elle la petite dernière qu'elle allaite encore. Et Maggie est censée s'occuper, pendant son absence, tout en continuant à aller en classe, de la maison, de ses petits frères et du superbe jardin de sa mère qui fait la fierté de sa famille.
Omra est aveugle de naissance mais elle a un sixième sens pour ressentir ce qui l'entoure. Elle ne parle pas beaucoup mais se donne sans compter pour préserver son village et tout ce qu'elle possède. Elle va tout faire aussi pour faire comprendre à Rebecca qu'elle délaisse trop ses enfants. Mais quand celle-ci réalise à quel point sa mère avait raison, il sera bien trop tard pour eux tous.
En effet, pendant son absence, Maggie qui doit se marier avec Jay, se donne à lui un peu par dépit mais aussi parce qu'elle espère hâter ainsi son mariage et échapper à ses nouvelles contraintes.
Mais son père, rentré entre temps, décide pour son bien et pour lui permettre de vivre un avenir meilleur, de la marier au riche fils d'un de ses clients, Samuel, qu'il a ramené avec lui et qui est tombé sous le charme de la jeune fille. Il ne sait pas qu'elle est enceinte et que l'enfant est de Jay. Au départ malgré la déception de Maggie, le couple semble heureux. Ils auront deux filles, Jina (la fille de Jay) et Viviane. Tout se passe bien...
Mais un jour, la femme de Jay lui dévoile que Jina n'est pas de lui. Il se met alors à battre sa femme. La famille déménage à Londres.
Isolée, loin de tout ceux que Maggie aimait, la situation ne peut alors que dégénérer...jusqu'au drame.
Nyanya va alors traverser la planète pour venir s'occuper de ses petites filles et les protéger de leur père...
Les cris de terreur nocturnes de Jina, ses tentatives toujours malheureuses d'être aimée par un homme, par tous les hommes avaient enseignés à Viviane une chose cruciale : l'irréparable ne doit pas nous pousser à mourir, mais à vivre et à vivre radicalement différemment. Vivre est la seule garantie d'anéantir un jour ce qui nous tue ou bien a failli nous tuer.
Nyanya se réjouissait des effets bénéfiques que ces escapades champêtres avaient sur ses petites-filles, après leurs terribles années estropiées par l'assassinat de Margaret et par le procès de Samuel. Elle appréciait l'espace que lui procurait ce court voyage qu'elle faisait avec elles de temps à autre et relevait ses manches avec joie au potager.
Je découvre l'écriture de l'auteur avec ce livre.
Ce roman nous parle de la vie d'une famille tanzanienne dans les années 80 jusqu'à...un futur proche. Il nous fait voyager durant cinq générations de la Tanzanie à l'Ecosse, en passant par l'Angleterre et la France. C'est le second roman de l'auteur, née en Roumanie mais de nationalité française. Je n'ai pas encore lu son premier roman, mais je le ferai tant j'ai trouvé son écriture incisive et juste.
C'est un roman engagé à tout point de vue. Le thème principal est le vivant dans son sens le plus général.
La maltraitance vous l'aurez compris, et le besoin de pouvoir des hommes, est au centre du récit et du drame familial. La violence envers les femmes est terrible et certaines scènes sont quasi insoutenables.
Ce sont les femmes de cinq générations que nous suivons pas à pas, de la grand-mère de Rebecca à ses petites-filles. Ces femmes sont inoubliables. Elles ont toutes des personnalités bien marquées et leurs combats pour vivre libre et faire leurs propres choix de vie, ne peuvent laisser les lecteurs indifférents. Qu'elles se battent pour l'environnement ou pour leur propre liberté ou celle de leurs enfants, elles restent absolument magnifiques ! Ce qu'elles se transmettent de génération en génération est aussi de toute beauté et donne l'occasion de dialogues très profonds, réalistes et poétiques à la fois. J'ai aimé la manière dont elles savent au moment de la conception si elles auront une fille ou un garçon...mais je vous laisse le découvrir.
La parenthèse dans la vie de Maggie et de sa mère, lorsque avec les filles elles se rapprochent d'une association de protection des animaux, nous offre aussi de très belles pages et de merveilleux partages d'amitié.
C'est un roman résolument moderne et même d'avant-garde, qui nous parle d'écologie, de lutte contre le pouvoir et donc de la violence des hommes envers la nature et en particulier la faune ainsi que de nos rapports ambigu avec les animaux. Sans fioritures excessives, l'auteur montre en effet avec réalisme la violence qui s'installe sur notre planète et les conséquences qu'elle peut avoir pour les générations futures si nous ne prenons pas à bras le corps les problèmes de disparition de la faune et de la flore.
C'est aussi un plaidoyer pour l'alimentation végétarienne. L'idée est que manger de la viande, implique aussi une violence certaine.
Le seul bémol est la toute fin du livre surprenante car elle se termine dans le futur en 2047 exactement, un futur imaginé donc, plutôt pessimiste mais dont je ne vous dirai rien de plus pour vous laisser le découvrir.
Bonne lecture !
Prendre ce dont on a besoin pour subsister, c'est une chose, Rébecca, contre laquelle personne ne peut aller. Mais ce n'est pas ce que font les hommes...
Viviane avait essayé de répondre aux questions de Jacob et de lui décrire la société dans laquelle Ari et elle avait grandi, bien avant celle que leur fils connaissait, bien avant la Peine des faunes, lui expliquer pourquoi les gens mangeaient aussi massivement d'autres individus...
Le désastre des animaux, la "Peine des Faunes" comme l'appela Omra, et comme tout le monde se mit à l'appeler dans la famille, surgit. Un événement auquel, bien que certains chercheurs et activistes environnementaux eussent essayé de le prévenir depuis de très nombreuses années, et d'alerter sur la situation catastrophique des espèces animales, personne ne fut réellement préparé...
des animaux sauvages ou domestiques se regroupaient, se mêlaient, affolés, et traversaient en hordes, indistinctement, des zones agricoles et des villes...