Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le soleil était une boule de feu au-dessus de nous. Pas moyen d'y échapper. Il ruisselait dans la mer, toute la gamme des bleu, bleu-vert et turquoise qui allait jusqu'à la maison et revenait, les mêmes vagues, mais dans d'autres couleurs, d'autres chutes, cette maison que je voulais oublier, mais je pouvais et je pouvais pas.
Je n'avais jamais su, jamais imaginé, que Dieu avait créé tant de races différentes : d'accoutrements différents, de coiffures différentes, de couvre-chefs différents, des hommes avec des frisettes et des petits calots, des femmes de la taille d'un baquet à cause des vêtements, des paquets dont elles s'étaient enveloppées, et leurs enfants qu'elles avaient encordés à elles pour qu'ils ne se perdent pas.
L'auteur a obtenu le Prix Fémina Special pour l'ensemble de son oeuvre en 2020.
Comme je n'avais lu d'elle que "Les petites chaises rouges", un roman présenté ICI sur le blog, que j'avais beaucoup aimé, je n'ai pas hésité à emprunter celui-ci à la médiathèque.
Et bien entendu, je choisis cette semaine consacrée aux femmes pour vous le présenter.
Le roman débute alors que Dilly range sa maison avant de partir pour Dublin, car elle doit y être hospitalisée. Elle est inquiète, et sur son lit d'hôpital, elle attend la venue de sa fille Eleanora, partie vivre à Londres où elle est devenue un écrivain célèbre, grâce à ses écrits sulfureux, dans lesquels elle parle des personnes qui l'entourent et qui ne manquent pas de se reconnaître, ce qui lui crée de nombreux problèmes.
Tandis qu'elle l'attend et que les jours s'étirent, elle revient sur sa jeunesse en Irlande, son départ aux USA où elle a voulu conquérir sa liberté en travaillant d'abord comme domestique, puis comme couturière.
Hélas après une terrible déception amoureuse, elle reviendra en Irlande. Là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique elle n'a connu que le racisme et la pauvreté.
A son retour, elle se marie avec Cornélius, un éleveur de chevaux, qu'elle n'aime pas, uniquement pour faire plaisir à sa famille qui veut la voir se caser. Ils auront deux enfants. La vie est rude dans les campagnes irlandaises, l'alcool omniprésent détruit tout, la violence est bien trop le lot quotidien des femmes, et les regrets empoisonnent l'existence de ceux qui se posent trop de questions et espéraient mieux pour leur vie et celle de leurs enfants.
Lorsque Eleanora vient enfin la voir à l'hôpital, elle est très pressée comme d'habitude, car elle ne doit pas rater son avion qui la ramènera chez elle... elle va malencontreusement oublier son journal intime dans un sac à mains.
Bien entendu Dilly va le lire et découvrir beaucoup de choses qu'elle ne savait pas sur sa fille. Elle voudrait tant avoir le temps de lui dire à quel point elle lui ressemble, et à quel point elle comprend qu'elle ait voulu tout quitter pour réaliser ses rêves. Elle voudrait lui dire aussi tout l'amour qu'elle continue à lui porter, malgré la distance qui les sépare aujourd'hui et son comportement distant.
Bien plus tard, quand sa fille Eleanora découvrira toutes les lettres que sa mère lui a écrites sans jamais les poster, et qu'elle prendra connaissance de sa vie de jeune fille, dont elle ignorait tout, il sera trop tard pour qu'elles se disent à quel point, elles s'aimaient...
Eleanora fait des choses inutiles, change l'inclinaison de la lampe au-dessus de son lit, arrange la serviette en papier sur la cruche d'orgeat, déplace les fleurs, une fois, puis les remet à leur place d'origine, observant que seule la verdure sent, seule la feuille d'eucalyptus a une odeur.
C'est un très beau livre sur l'amour maternel, la relation mère-fille parfois difficile, mais c'est un livre que j'ai trouvé triste.
J'ai eu d'ailleurs beaucoup de mal à entrer dans l'histoire, les souvenirs revenant à la mémoire de Dilly d'une manière chaotique. J'ai eu un peu plus de plaisir à la suivre lors de son périple aux USA. Mais ensuite cette impression de désordre revient avec les chapitres consacrés à Eleanora et à sa vie.
J'ai trouvé dommage de me perdre, de ne pas toujours arriver à suivre le cours de l'histoire, de penser plusieurs fois à arrêter ma lecture, revenir en arrière, pour finir par finalement la poursuivre parce que les personnages m'en donnaient envie. Heureusement, les chapitres sont courts et bien rythmés. On se repère cependant facilement entre ceux où Dilly parle et s'exprime plutôt en langage parlé, et les paroles d'Eleanora, plus élaborées, étayées de références littéraires.
Le lecteur ne comprend pas toujours tout de suite, qui est ce personnage qui apparait dans l'histoire, quel est son lien avec Dilly ou Eleanora, ou bien où l'on se trouve. Il faut poursuivre la lecture pour le découvrir...
L'auteur a beaucoup de points communs avec Dilly et Eleanora, mais il ne s'agit pas à proprement parler d'une autobiographie, un auteur s'appuyant forcément et fréquemment sur du vécu où ce qu'il observe autour de lui.
J'ai aimé les passages où l'auteur s'attache à décrire la vie des irlandais dans les campagnes et la nature environnante. Une grande poésie se dégage de ces descriptions. Le lecteur imagine sans peine la lande inondée de pluie, la tourbe qui va être utilisée pour se chauffer ou cuisiner, le soleil qui apporte un peu de chaleur et réveille les oiseaux.
Mais la condition des femmes y est terrible, la religion enferme les gens dans un véritable carcan, empli de frustration, d'incompréhension et de silence. Les familles sont criblées de dettes, leur vie est terriblement difficile et ils sont obligés de vendre leurs biens, parfois acquis par les générations passées ce qui est un véritable crève-cœur.
Vous l'aurez compris ce roman a été une lecture plus difficile pour moi que le précédent roman de l'auteur que j'avais présenté sur mon blog. Il me laisse du coup une impression mitigée. Dommage car le sujet me plaisait beaucoup et les échanges emplis de pudeur entre ces deux femmes, sont tout simplement magnifiques. J'ai particulièrement aimé les lettres qui sonnent tellement justes, sont emplies de tendresse, de nostalgie mais aussi d'humour, et en tous les cas, je les ai préféré au récit des événements de leur vie.
C'est donc un livre difficile mais qui traite d'un beau sujet...il faut donc s'accrocher pour le découvrir. Quoi qu'il en soit, je poursuivrais la découverte de l'œuvre de cet auteur irlandais, en choisissant un moment plus favorable à mes lectures.
Les lettres de ma mère, volcaniques et enflammées, indulgentes et féroces, se trouvent dans une boîte, ou plutôt dans une série de boîtes de veloutine qui avaient contenu des flacons d'eau de toilette ou de talc en poudre ou qui dégageaient une vague odeur de lavande, ou de muguet, tantôt dominante, tantôt pas.