Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
C'est... une des parties les plus austères et les plus caractérisées des Pyrénées. Tout y prend un aspect formidable. Les monts se resserrent ; le gave s'encaisse et gronde sourdement en passant sous les arcades de rochers et de vigne sauvage ; les flancs noirs du rocher se couvent de plantes grimpantes dont le vert vigoureux passe à des teintes bleues sur les plans éloignés, et à des tons grisâtres vers les sommets. L'eau du torrent en reçoit des reflets tantôt d'un vert limpide, tantôt d'un bleu mat et ardoisé, comme on en voit sur les eaux de la mer.
A vingt ans, on écrit avec la profonde sécurité d'avoir échangé des serments éternels : on sourit de pitié en songeant à ces vulgaires résultats de toutes les passions qui s'éteignent ; on a l'orgueil de croire que, seul entre tous, on servira d'exception à cette grande loi de la fragilité humaine ! Noble erreur, heureuse fatuité d'où naissent la grandeur et les illusions de la jeunesse !
Voici une nouvelle de George Sand, parue pour la première fois en 1833 qui se déroule dans les Pyrénées, dans un endroit où l'auteur a elle-même fait un séjour durant des vacances.
Lady Lavinia Blake a beaucoup aimé Sir Lionel Bridgemont, son ancien amant, qu'elle a connu il y a dix ans, alors qu'elle avait à peine 16 ans. Il a rompu leur relation au bout de deux ans à peine, la compromettant. Elle s'est ensuite mariée à un Lord âgé, et est devenue veuve très vite. Aujourd'hui libre et heureuse de l'être, elle passe quelques jours de vacances près de chez lui et lui écrit, ayant été prévenue de sa présence par son cousin Henry, ami de Lionel. Elle lui demande de venir lui rendre ses lettres (et son portrait), puisqu'il est sur le point d'épouser la jeune et belle Margaret Ellis qui doit lui permettre de trouver enfin une position sociale enviable et confortable. Elle fera de même en lui rendant ses propres lettres.
Ils se mettent d'accord sur les clauses de cet échange, tous deux ayant depuis longtemps laissés derrière eux, leur relation, et oublié les rancœurs passées. C'est finalement accompagné de son ami Henry, le cousin de Lavinia donc, que Lionel se rend à Saint-Sauveur. En chemin, il se souvient des bons moments passés avec Lavinia, et ne tarit pas d'éloges à son égard. Arrivé sur les lieux, il découvre qu'elle est très aimée et admirée par les habitants, et surtout qu'elle est courtisée par le riche, beau et jeune comte de Morangy.
Lionel qui est en avance, se fait annoncer. Il est ému, la trouve encore plus belle qu'il y a dix ans, lui qui l'imaginait vieillie et aigrie, la trouve pleine de joie de vivre, et éprise de liberté. Leur échange prend une autre tournure que celle qui était prévue, d'autant plus que le comte vient déclarer sa flamme à Lavinia et que Lionel entend tout.
Par pur orgueil masculin, Lionel décide alors de ne pas quitter Saint-Sauveur pour reconquérir Lavinia, alors que sa fiancée l'attend.
Lequel de ces deux prétendants Lavinia, va-t-elle choisir ?
Rien n'est si solennel et si beau que le bruit de l'orage dans les montagnes. La grande voix du tonnerre, en roulant sur des abîmes, se répète et retentit dans leur profondeur ; le vent, qui fouette les longues forêts de sapins et les colle sur le roc perpendiculaire comme un vêtement sur les flancs humains, s'engouffre aussi dans les gorges et y jette de grandes plaintes aigües et traînantes comme des sanglots.
L'amour propre est un si étrange conseiller, qu'il nous arrive cent fois par jour d'être grâce à lui, en pleine contradiction avec nous-mêmes.
Comme toujours dans ses nouvelles, George Sand nous offre un petit bijou littéraire, sur fond de revendication féminine. La finesse de l'étude psychologique de ses personnages ne cesse de m'étonner maintenant que les années ont passé depuis mes premières lectures. La jeune femme ne fait plus confiance à la gent masculine et ses réflexions sont étonnantes pour l'époque, nous montrant que certaines situations se répètent décennies après décennies.
Elle dénonce bien entendu le sentiment de possession des hommes dès qu'ils sont amoureux, leur orgueil démesuré, leur égoïsme, tout ce qui fait que Lionel ou les autres sont imbus de leur personne, et pensent plus à eux-mêmes qu'à la jeune femme. Ils veulent avant tout obtenir ce qu'ils désirent, et se font un point d'honneur à arriver à leur fin, d'autant plus s'ils sont face à la concurrence...
George Sand nous décrit encore une fois, une femme forte et réfléchie, loin de l'image superficielle que les hommes se font des femmes à son époque. Au passage, elle nous offre de belles réflexions philosophiques très justes sur l'amour, la passion, l'attachement, la naïveté dans laquelle les jeunes filles de l'époque étaient élevées.
Encore une fois, les descriptions sublimes des paysages participent au plaisir de la lecture, à l'ambiance générale, à l'exacerbation des sentiments. Ici, le danger des sentiers qui bordent les falaises au risque de se rompre le coup, rejoint le vertige du sentiment amoureux et l'orage nous parle de passion...
Toute la saveur de cette nouvelle est encore une fois, dans la manière dont l'auteur nous rend compte de cette histoire, avec toujours beaucoup de justesse et des dialogues très réalistes, mais qui ne manquent pas d'humour et de dérision sur nos propres contradictions.
Je n'avais jamais lu cette nouvelle et je l'ai découverte avec grand plaisir.
Comme d'habitude, vous pouvez la télécharger, si vous aimez lire en numérique. Divers sites la proposent en accès libre.
Bonne lecture !
De l'avis de toute homme de bon sens, une femme légitime doit être une compagne douce et paisible, Anglaise jusqu'au fond de l'âme, peu susceptible d'amour, incapable de jalousie, aimant le sommeil, et faisant un assez copieux abus de thé noir pour entretenir ses facultés dans une assiette conjugale.
Et puis je hais le mariage, je hais tous les hommes, je hais les engagements éternels, les promesses, les projets, l'avenir arrangé à l'avance par des contrats et des marchés dont le destin se rit toujours. Je n'aime plus que les voyages, la rêverie, la solitude, le bruit du monde, pour le traverser et en rire, puis la poésie pour supporter le passé, et Dieu pour espérer l'avenir.