Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Métella Mowbray était fille d'une Italienne et d'un Anglais ; elle avait les yeux noirs d'une Romaine et la blancheur rosée d'une Anglaise. Ce que les lignes de sa beauté avaient d'antique et de sévère était adouci par une expression sereine et tendre qui est particulière aux visages britanniques. C'était l'assemblage des deux plus beaux types. Sa figure avait été reproduite par tous les peintres et sculpteurs d'Italie...mais Métella n'était plus jeune...
Cette nouvelle de 56 pages à peine, publiée pour la première fois en 1833, relate la rencontre inattendue du Comte de Buondelmonte et d'un jeune suisse, Olivier se rendant à la ville alors que la voiture du Comte vient de verser dans le fossé.
Olivier, tout en discutant durant le voyage vers Florence, et au cours d'un repas bien arrosé, révèle au Comte être amoureux d'une inconnue, la belle Lady Mowbray, qu'il ne connait pas et n'a jamais vu, mais dont la rumeur dresse un superbe tableau, tant elle est charismatique, courageuse, cultivée et encore agile pour son âge.
Mais ce qu'Olivier ne sait pas, c'est que Métella s'avère être la maîtresse du Comte depuis dix ans, ce que le Comte décide de lui cacher pour le faire parler. Le malentendu dure un certain temps, d'autant plus qu'Olivier le devine, et qu'il décide de jouer lui-aussi la comédie. Il sait par la rumeur que le Comte s'apprête à quitter sa maîtresse...la trouvant vieillie et lui préférant surtout, une jeune allemande plus "fraîche".
Bien décidé à jouer l'amoureux transi, il s'amuse beaucoup lorsque le Comte décide de lui présenter Métella, à réanimer chez lui, la jalousie toute propre à l'orgueil masculin et à son besoin de compétition. Il entoure avec entrain Métella et celle-ci qui se voyait vieillir, n'y résiste pas et redonne sa liberté au Comte qui n'attendait que cela pour la quitter sans drame.
Mais les choses ne se passent pas comme prévu et Olivier bien que plus jeune qu'elle, tombe réellement amoureux. Tous deux partent s'installer dans le château de Lady Mowbray. Mais alors que depuis cinq ans, ils vivent heureux, cette dernière, doit aller chercher sa jeune nièce qui vit dans un couvent à Paris. Elle s'inquiète à dessein à l'idée de voir la jeune Sarah ravir le cœur d'Olivier...
On m'a pourtant assuré à Aix, poursuivit Olivier, qu'elle était toujours belle comme un ange, qu'elle était grande, légère, agile, qu'elle galopait au bord des précipices sur un vigoureux cheval, qu'elle dansait à merveille.
La douleur de Métella, en se voyant négligée de celui qu'elle aimait exclusivement, fut si grande que sa santé s'altéra, et que les ravages du temps firent d'effrayants progrès. Le refroidissement de Buondelmonte en fit à proportions égales.
George Sand décrit la vie et les sentiments d'une femme ayant dépassé la trentaine ce qui alors qu'elle était si joyeuse de vivre, la rend triste et mélancolique et éloigne d'elle son amant.
Le portrait de Métella, et les propos à son égard, sont tout à fait révoltants, car vus bien entendu par les hommes de l'époque. L'auteur décrit les ravages du temps sur son visage, ses mains, ou sa peau. Elle qui a été la "reine de Florence" se sent à présent dépréciée. Son amant ne la voit que comme une belle "potiche" à présenter en public, et si la beauté s'efface, elle ne vaut plus rien pour lui et son orgueil masculin, alors que c'est une femme cultivée, ouverte et intelligente, qu'importe, tout cela ne compte pas pour le rendre heureux.
Se sentant vieillir, elle propose à un homme amoureux, mais plus jeune qu'elle, un amour platonique, ressemblant à celui d'une mère. D'ailleurs Métella considère Olivier comme son fils, alors qu'elle l'aime d'un amour sincère, elle se met en retrait et cache ses sentiments réels. Son personnage, à l'opposé d'autres personnages féminins décrits par l'auteur dans ses œuvres, est davantage effacé et soumis. Je pensais qu'elle allait à un moment donné réagir, mais non, elle se résigne, trouve le bonheur dans le calme et la vie quotidienne, la famille. Mais il faut dire aussi qu'après avoir vécu beaucoup de rejets et même d'humiliation lors de sa vie amoureuse avec le Comte, elle trouve un certain apaisement à se sentir aimée et respectée, telle qu'elle est devenue à présent.
Ce qui est intéressant dans cette nouvelle c'est que George Sand exprime le fait que passé trente ans (à l'époque), une femme n'a plus le droit d'aimer et d'être aimée, car elle n'est plus désirable aux yeux des hommes qui on le sait bien, eux ne vieillissent jamais. D'ailleurs, elle incite le lecteur à réfléchir à cet état des choses que nous pouvons transposer dans notre société moderne aisément (en changeant à peine l'âge des protagonistes).
L'accent est mis sur ce trait de caractère masculin qui les pousse à rejeter la vieillesse, tant il est vrai que de leur vieillesse à eux, on ne parle jamais.
Cette nouvelle comme toute l'œuvre de George Sand mérite d'être connue même si je l'ai moins aimé que celles que je vous ai déjà présentés sur le blog. Vous pouvez la télécharger en numérique gratuitement sur plusieurs sites en ligne.
Le caractère romanesque d'Olivier n'avait pas changé ; son coeur avait le même besoin d'affection, son esprit la même candeur qu'autrefois. Avait-il obéi à la loi du temps, et son amour pour lady Mowbray avait-il fait place à l'amitié ? il n'en savait rien lui-même, et Métella n'avait jamais eu l'imprudence de l'interroger à cet égard. Elle jouissait de son affection sans l'analyser. Trop sage et trop, juste pour n'en pas sentir le prix, elle s'appliquait à rendre douce et légère cette chaîne qu'Olivier portait avec reconnaissance et avec joie.
Quant à Olivier, ce fut l'affaire d'un instant ; il se remit et veilla mieux sur lui-même : il se dit qu'il ne serait point amoureux, mais qu'il pouvait fort bien, sans se compromettre, agir comme s'il l'était ; car si lady Mowbray n'avait plus le pouvoir de lui faire faire des folies, elle valait encore la peine qu'il en fit pour elle. Il se trompait peut-être ; peut-être une femme en a-t-elle le pouvoir tant qu'elle en a le droit.
Notre semaine littéraire autour des femmes, se termine, bien entendu, j'aurais l'occasion de vous présenter d'autres sujets de romans ultérieurement, mais la semaine prochaine nous allons reprendre nos balades, et nous partirons dans la Drôme où j'ai passé mes dernières vacances enfin, comme d'habitude... si vous le voulez bien !
Bonne lecture et bon week-end à tous !