Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Recherche enseignant au bout du monde". L'honnêteté du titre charmait Una. Au moins, on ne cherchait pas à dissimuler le défi que représentait ce poste. Elle se demanda combien de personnes allaient répondre à l'annonce. Peut-être serait-elle la seule, si toutefois elle se décidait ? Il fallait bien avouer que rien ne la retenait en ville.
Nous sommes dans les années 80, en Islande.
Una décide de suivre le conseil de Sara, sa meilleure amie, et de quitter Reykjavik où elle étouffe et vit difficilement de petits boulots, pour Skàlar, un petit village blotti au bord de la mer, sur la péninsule de Langanes, à l'autre bout de l'Islande. Là-bas seulement dix habitants la regarde arriver non sans une certaine curiosité, elle qui vient de la ville, se demandant ce qu'elle vient faire là, dans ce village du bout du monde. Elle se pose les mêmes questions qu'eux, et a du mal à s'adapter à sa nouvelle vie, car elle se sent très seule, loin de ses proches et de la vie qu'elle connaissait avant.
Elle est venue là pour enseigner pendant une année, à deux petites filles, Edda et Kolbrún, de 7 et 9 ans, à la demande de la mère de l'une d'entre elle qui se propose aussi de l'héberger gratuitement dans sa maison de famille, où elle a de la place dans le grenier aménagé en appartement.
Si elle s'entend bien tout de suite avec cette dernière, qui l'accueille très chaleureusement, Una se rend compte très vite qu'elle n'est pas la bienvenue pour tous, et qu'elle a du mal à trouver sa place dans cette minuscule communauté très soudée. Elle s'y sent mal à l'aise.
De plus, certaines nuits, elle est réveillée par du bruit, de la musique et une berceuse chantée par une petite fille. Celle-ci apparait aussi dans ses rêves. La maison est-elle hantée comme le prétendent certains habitants du village ? Una, est-elle en train de perdre la raison ? Ou bien, ces visions apparaissent-elles quand elle abuse du vin pour que sa soirée en solitaire passe plus vite ?
Car vous vous en doutez, Una n'a pas accepté ce poste par hasard, elle fuit quelque chose de son passé que le lecteur découvrira au cours de l'avancée de l'histoire.
Le drame éclate quant une de ses petites élèves meurt subitement le soir du spectacle de noël. Una découvre alors qu'elle ne peut faire confiance à personne et que les habitants sont prêts à se serrer les coudes et à aller jusqu'au bout, pour préserver leurs secrets du reste du monde. Après avoir été méfiants, certains deviennent carrément hostiles...
Mais quels secrets ont-ils à cacher ?
En parallèle de l'histoire principale, l'auteur nous raconte (en italique dans le texte), l'histoire d'une jeune femme, arrêtée et emprisonnée pour un meurtre qu'elle n'a pas commis, ni elle, ni ses compagnons, dont un, qui a disparu, était son petit copain. Pourtant les policiers finissent par la convaincre du contraire. Ils ont peut-être raison, car elle ne se souvient de rien.
Vous vous en doutez les deux histoires sont liées.
Et elle savait ce qui l'avait réveillée. Enfin, elle croyait savoir...Avec ses sens encore engourdis, difficile de distinguer le rêve de la réalité. Elle avait entendu du bruit, un étrange son. Tandis que sa conscience s'éclaircissait, la peau de ses bras se couvrit de chair de poule.
Une fillette, oui, c'était ça, à présent cela lui revenait très nettement : une petite fille qui chantait une berceuse.
Et maintenant, elle la voyait.
Pour quelque raison, l'image lui apparaissait en noir et blanc. Debout devant elle dans sa robe blanche, la fillette la regardait, l'œil vide, le visage pâle, et ses remuaient au rythme de la comptine, un seul couplet, en boucle...
Voilà un thriller psychologique qui se passe dans un endroit sauvage de l'Islande, un pays encore imprégné des légendes et croyances nordiques. Au contraire des autres romans de l'auteur, il n'appartient pas une série.
Facile à lire, il s'adresse aux amateurs du genre et ne présente aucune scène de violence. Tout est dans la suggestion, le titillement de votre propre imagination, et bien entendu, l'ambiance ! Le suspense est bien présent jusqu'au bout et le lecteur ne devinera jamais le fin mot de l'histoire.
L'intrigue se met en place avec lenteur tant l'auteur prend du temps pour décrire le paysage, le village et ses habitants et les états d'âme d'Una. Le lecteur a l'impression d'arriver comme elle au bout du monde (dans les années 80, je vous rappelle que personne n'avait ni internet, ni un téléphone portable). De plus, le climat nordique, le froid, le brouillard, et la nuit sans fin, créent une sensation très particulière d'isolement.
Cette lenteur, tout comme le comportement des différents protagonistes, distants et même hostiles, ajoute au mystère qui entoure ce petit village dont le passé se révèle douloureux. La petite fille dont Una rêve et entend la voix la nuit, a bien vécu dans cette maison avant qu'un drame ne survienne. Ce qui est amusant c'est que cette petite touche de paranormal, dans ce contexte particulier et dans cette ambiance, ne semble même pas déplacée...
C'est un roman que j'ai beaucoup apprécié. Je l'ai lu quasiment d'une traite. Il est distrayant et parfait pour passer une bonne soirée ou deux (ou pour lire en vacances), bien entendu pour les amateurs du genre.
A découvrir donc !
De l'auteur, j'ai déjà lu et présenté sur ce blog, Snjor, ICI. Je n'ai jamais pu lire la suite car elle était toujours empruntée par les autres lecteurs à la médiathèque et du coup je suis passée à autre chose, car ensuite je l'ai oublié.
Aussi quand Babelio, que je remercie ici ainsi que l'éditeur, m'ont proposé de lire en avant première, ce nouveau titre de l'auteur considéré comme "le maître du polar islandais, et l'un des romanciers internationaux, les plus reconnus"...dans le cadre d'une Masse Critique exceptionnelle, j'ai tout de suite accepté avec grand plaisir et je n'ai pas été déçue. Ce roman sort en librairie le 14 janvier prochain.
Vous pouvez aller lire l'avis de Eve, sur son blog ICI et tous les avis déjà présents sur Babelio.
Il lui suffisait de fermer les yeux pour revoir la pièce en détail : le fauteuil noir, le bureau en bois usé, d'un brun sombre, le vieux transistor qu'elle allumait pour écouter la radio de la base militaire américaine, prenant garde à ne pas mettre le volume trop fort. Des lueurs blafardes nimbaient la pièce de mystère, et le fauteuil était si confortable. Una aimait s'y lover, les yeux fermés dans la demi-pénombre, et se laisser porter vers un monde lointain au rythme de cette musique étrangère...