L'Atelier des miracles / Valérie Tong Cuong

21.12.2021

JC Lattès, 2013 /

Tout est allé si vite. Comme on éteint une lumière en quittant une pièce, j'ai fondu dans le noir. Des voix lointaines, déformées, des sons, quelques sensations de roulement, de ballottement, de cahots. La chaleur sur le visage. Je me laissais porter, ma pensée fragmentée me parlait de dormir, poursuivre la nuit, s'enfouir, s'enrouler dans le temps, flotter...

Ne jamais se plaindre, ne rien laisser paraître, retenir l'émotion jusqu'à la fracture, voilà à quoi j'ai employé mes forces : c'est trop tard. Je ne peux plus revenir en arrière, modifier les paramètres, rectifier le tir, on dira que j'invente...

Pour clore notre année littéraire, voilà un roman parfait pour les vacances, ou lorsque la période se prête au pessimisme, ou encore pour bien terminer ou démarrer l'année, car il fait partie des romans emplis d'humanité, qui font du bien.

Le lecteur va faire connaissance avec trois personnes au bout du rouleau pour des raisons différentes. Toutes trois ont des soucis dans leur vie présente. Elles ont eu aussi une enfance difficile et des traumatismes qui ne sont pas ceux de tout le monde. Bref, la vie ne leur a pas fait de cadeaux !

Mariette a pourtant aujourd'hui tout pour être heureuse, un mari, politicien plutôt narcissique et donc égoïste, deux garçons ados non rebelles mais toujours dans leur monde, et un travail qu'elle aime car elle est prof d'histoire-géographie. Mais elle se sent harcelée, et un jour elle craque, s'en prend à un élève provocateur...et elle se retrouve en maison de repos.

Millie est une jeune secrétaire intérimaire et bien seule dans sa vie. Un soir, alors qu'elle s'était endormie, elle se réveille en sursaut : son immeuble en flamme, désespérée elle se jette par la fenêtre.

Monsieur Mike a déserté l'armée, il n'en pouvait plus de la mort et de la violence. Abandonné par sa famille, il est devenu SDF, mais un soir un passage à tabac l'envoi directement à l'hôpital.

Ne vous fiez pas à ce début diffiicile. Ces trois rescapés de l'existence vont avoir la chance de croiser sur leur route, Jean, un "gourou" bienveillant qui les accueille dans son Atelier dit des miracles. Là, avant eux de nombreuses âmes brisées ont réussi à s'en sortir et à reprendre le fil de leur propre vie.

Mais avant de comprendre les rouages d'une telle structure, et de découvrir que Jean a lui-aussi beaucoup de choses à découvrir sur lui-même, ils devront tous affronter leurs démons et donc leur passé et apprendre à se connaitre, à échanger et à faire front.

Il ne faut pas croire qu'on puisse se reconstruire sans se regarder en face et accepter ce qu'on est !

On ne prête jamais assez d'attention aux termes amoureux. Il me considérait déjà comme un élément de son patrimoine, une propriété dont il pourrait redessiner les contours à l'envi.
...
J'étais loin d'imaginer que Charles m'avait choisie sur des critères méticuleusement inscrits dans l'un de ses cahiers. Je faisais partie du plan.

Personne n'a jamais eu besoin de moi, d'aussi loin que je m'en souvienne. Sauf ma mère, pour toucher les allocations familiales...

Voilà un roman choral facile à lire, même si les personnages ont des vies compliquées. Le lecteur découvre le point de vue de chacun des protagonistes qui prennent donc la parole chacun leur tour.

Personnellement, je ne me suis pas totalement impliquée pour m'attacher à eux, mais ce sera peut-être différent pour vous. Cependant, j'ai été contente de savoir que ces personnes, qui pour des raisons différentes touchent le fond, arrivent à être aidées et trouvent un nouveau sens à leur vie, chacune à sa façon.

Dès le départ, malgré la bienveillance de Jean (je n'aime pas ce mot qui est aujourd'hui employé à toutes les sauces, mais il lui va comme un gant), je me suis doutée qu'il cachait quelque chose, et que la fin nous réserverait quelques surprises. L'altruisme a des limites mais ce qui compte au fond, n'est-ce pas le résultat ! Et puis finalement, nous le savons tous, personne n'est parfait et c'est rassurant aussi de le savoir.

Malgré un début qui peut vous surprendre, ce livre est plein d'optimisme, de légèreté et d'humanité. Il nous parle d'amour, d'entraide, de générosité et de solidarité, et c'est ce qui le rend agréable à lire et à découvrir. D'ailleurs, il a obtenu le Prix du Livre Optimiste en 2013. Je l'avoue, j'ignorai l'existence d'un tel prix littéraire. Il est organisé par la Ligue des Optimistes de France depuis 2012.

D'autres avis : celui d'Ecureuil Bleu ICI, ou voir aussi sur Babelio ICI.

Du même auteur, j'ai présenté sur ce blog : "Par amour". Vous pouvez lire ma chronique ICI, un roman que j'avais beaucoup aimé.

Bonne lecture !

Mais nous avons tous besoin d'un cercle, même restreint, c'est humain. Savez-vous que les gens seuls meurent plus tôt ? Ils meurent de ne pas avoir d'échange. Ils meurent de ne rien dire. Ils ne demandent rien, on ne leur donne rien, alors ils meurent - et on est impuissant.

Chacun de nous peut un jour être confronté à sa propre impuissance, glisser, chuter et même mourir, par ignorance mais surtout pas solitude. Aide-toi et le ciel t'aidera, prône la morale de la fable. Mais la vérité, c'est que l'on se relève rarement seul. La vérité, c'est que bien souvent le malheur exclut et que si certains ont la chance d'être aidés dans réserve, nombreux sont ceux qui, une fois à terre, sont incompris, rejetés ou tenus à distance, y compris par leurs proches...
Il faut alors se battre pour les ramener à la vie.