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Finalement, nous allons rester encore un peu dans la Drôme cette semaine, et retourner sur la commune de Luc-en-Diois (un village dont je vous ai parlé ICI, et ICI) pour faire une balade vers un lieu incontournable de la région : le Claps de Luc, situé à deux kilomètres du village par la route.
Le Claps est un site classé que l'on peut également rejoindre à pied, ce que nous avons choisi de faire, bien que le temps était nuageux et pas très chaud, lors de la balade en ce début juillet.
Cette courte randonnée démarre près de la piscine du village, devant laquelle il est facile de se garer. Au delà des champs de noyers et de lavandes, le chemin suit la rivière en remontant le courant.
Les bords du chemin sont encore bien fleuris, et bien verdoyants pour la saison.
La vue sur le village de Luc-en-Diois est de toute beauté.
La Drôme, en contrebas, nous donne envie de descendre au bord de l'eau, mais la baignade n'est pas le but de cette journée. De plus, après les orages, l'eau est encore trouble et bien trop fraîche pour moi !
Nous passons sous le viaduc, qui a été construit au XIXe siècle, pour que le chemin de fer évite le claps. Il est long de 244 mètres et mesure 44 mètres de hauteur.
Et le site du Claps apparait ! Comme vous le voyez, la petite cascade était fréquentée par quelques rares baigneurs courageux.
C'est un site très prisé par les fans d'escalade : des dizaines de voies de tous niveaux sont bien connues du public, et il en est de même pour la via ferrata toute proche.
Un peu d'histoire (pour ceux qui veulent connaître la formation du claps)
Aux alentours de 1442, au-dessus du village, un pan de la montagne du Pic de Luc (d'une surface d'environ 5 hectares) glisse, heurte un éperon rocheux appelé le "Pigeonnier", et des blocs énormes viennent obstruer la Drôme en se brisant. Cela ne perturbe pas la vie du village situé plus au nord, mais modifie considérablement le paysage et les communications de l'époque.
Deux blocs verticaux, de plus de 20 mètres de hauteur, dont un seul subsiste encore aujourd'hui, sont surnommés les "jumelles du Claps". Les voici représentées sur des gravures anciennes.
Le chaos de rochers (en latin "clapas"= bloc de rocher, d'où le nom du lieu "claps") créé par l'éboulement, coupe l'axe routier qui existait depuis les romains, et provoque la formation de deux barrages. Peu à peu, deux lacs qui vont perdurer pendant plusieurs siècles, se forment : un Petit lac de 6 hectares et d'une vingtaine de mètres de profondeur en aval, et un Grand lac de 300 hectares, de 5 kilomètres de longueur, et de 60 à 70 mètres de profondeur en son centre, en amont.
Le Grand Lac, dès sa formation, provoque des discordes entre les différents riverains et les seigneurs. Il est très poissonneux et donc très convoité par les moines Chartreux de Durban, dont le régime interdit la viande, et qui en font l'acquisition en 1561 pour y installer une réserve.
A la fin du XVIIIe siècle, par peur des maléfices, et de l'insalubrité autour des marécages, les riverains envisagent de l'assécher.
En ce temps-là, le Petit lac était sans doute déjà comblé, par les alluvions de la rivière.
Ce n'est qu'au tout début du XIXe siècle, en 1804, donc près de 400 ans après l'éboulement, que les hommes percent un des énormes blocs de la montagne surnommé le "papa") pour y faire passer la route. La Drôme s'engouffre alors dans l'ouverture : c'est le "Saut de la Drôme", dont je vous parlerais plus en détails très prochainement. Cette route deviendra un axe majeur de communication entre la vallée du Rhône et l'Italie.
Il nous reste aujourd'hui ce lieu plutôt spectaculaire, vous ne trouvez pas ? Il est visité par de nombreux touristes tout au long de l'année.
Les deux lacs asséchés sont devenus des zones cultivées d'une grande richesse. Sur l'ancien emplacement du Grand Lac subsiste une zone humide : le Marais des Bouligons dont je vous parlerai la semaine prochaine.
La cicatrice du glissement se voit bien dans la montagne : le randonneur peut visualiser le grand plan quasiment lisse, surmonté d'une paroi calcaire verticale, au sommet du pic de Luc, ainsi que les couches inclinées à 45° qui ont facilité le glissement des rochers.
La cicatrice laissée par le glissement, vue de l'autre côté de la rivière (on aperçoit la route sur ma photo)
"Il tomba près et dessous du châstel de Luc une montagne laquelle étoupa, retrancha, empêcha le cours de la rivière Drôme tellement qu’il se forma un grand lac qui contenait plus d’une lieue de pays et durant depuis le dit châstel jusqu’à Rochebriane noya et dépérit les habitations, terres, possessions, vignes et héritages desdits suppliants entre autres ceux de Luc et de Rochebriane au point qu’ils n’eurent blé, vin et autres choses de quoi substanter leur vie et leur ménage »".
Supplique adressée au roi Louis XI par les habitants de Luc, Miscon, Saint-Cassien, Lesches, Le Pilhon, Fourcinet, Montlaur et Beaurières pour obtenir une réduction de leur imposition après l’éboulement du Claps de Luc.
Si vous voulez en savoir plus sur la géologie du coin, et mieux comprendre le glissement de cette gigantesque masse de calcaire tithonique, je vous invite à cliquer sur le lien ICI.
C'est ainsi que se termine notre article du jour.
Très bientôt, nous traverserons, comme promis la route, pour nous rendre au Saut de la Drôme, enfin, comme d'habitude, si vous le voulez bien !