Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Mon endroit préféré, c'est le sommeil. Lorsque je m'y trouve, je n'ai plus d'âge. Je n'ai plus mal. La peur n'existe plus. Il m'arrive d'y croiser mes parents, ma sœur chérie ou toutes ces personnes qui n'existent plus que dans ma mémoire. Je peux courir, danser jusqu'à en perdre le souffle, serrer ma fille dans mes bras, je peux même voler. Le sommeil est un radeau auquel je m'agrippe dans un torrent qui va beaucoup trop vite.
Le plus difficile, c'est de le quitter.
J'essaie de ne pas regretter. Ce serait ajouter du chagrin au chagrin. On ne naît pas avec les armes pour affronter la vie, on les affûte au fur et à mesure, on apprend leur fonctionnement sur le tas. On se trompe parfois. On se protège, souvent. Il est plus facile de viser autrui que soi-même. Il est plus facile d'être en colère que triste...
Le monde s'écroule lorsque Marceline apprend que l'impasse des Colibris où elle habite depuis des décennies avec Anatole, son mari, va être rasée pour laisser place à une nouvelle école. Il y a bien d'autres endroits sur la commune, où l'école, bien entendu indispensable, pourrait être construite !
Très vite, alors que des drames les ont éloignés les uns des autres, depuis des années, les différents habitants de l'impasse se retrouvent et la révolte s'organise. Le maire ne peut prendre cette décision autant à la légère, car détruire les maisons, et toute l'impasse, c'est effacer tous leurs souvenirs, heureux ou malheureux !
Il va voir ce qu'il va voir, car les octogénaires qui vivent là, sont tous d'un certain âge mais ont plus d'un tour dans leur sac pour faire parler d'eux, et obtenir le soutien de la population, dont ils ont bien besoin. Les voilà redevenus des gamins espiègles et farceurs pour un temps.
Rosalie, Joséphine, Gustave, Marius, Anatole et Marceline, s'unissent pour le meilleur et pour le pire. Ils se sentent tous ragaillardis de sortir un peu de chez eux.
C'est Marceline qui se décide à raconter leur histoire, soutenue par son petit-fils qui va beaucoup les aider...
Au passage, le lecteur va remonter l'histoire de cette impasse, et des différentes familles qui se sont établies là, il y a à présent plus de soixante ans. Nous voilà donc repartis dans les années 50, revivant l'installation des habitants. Petit à petit, on découvre que le maire a vécu là lorsqu'il était petit, et on a de cesse, d'en apprendre davantage sur les événements dramatiques, qui ont éloigné les habitants de la belle entente qu'ils avaient su instaurer au début de leur arrivée dans le quartier...
Les souvenirs sont les biens les plus précieux. Il m'arrive de penser à ma grand-mère, qui les a perdus les uns après les autres, de me demander ce qui se passe dans une tête dévastée de son histoire. Peut-on s'émouvoir de l'odeur de l'herbe fraîchement coupée si elle ne nous renvoie pas à nos après-midis d'enfance ?...
Le présent importe-t-il quand le passé s'est évaporé ?
Le roman alterne les époques et les vies des différents protagonistes. L'auteur sait créer du suspense en distillant à petite dose les révélations, pour nous permettre de mieux comprendre en profondeur, la vie des habitants de l'impasse. Le lecteur navigue entre le présent, les actions mises en place par les "octogéniaux", comme les habitants de l'impasse se baptisent, et la description de leur vie quotidienne, et des chapitres, écrits en italiques, où le passé resurgit. Les chapitres sont courts ce qui rend la lecture aisée et donne du rythme à l'histoire dans laquelle on ne s'ennuie pas.
Le roman se lit facilement, tout en douceur, car l'auteur sait amener les drames avec beaucoup de délicatesse. Elle sait aussi parler avec beaucoup de bienveillance de la vieillesse, de la perte d'autonomie, et des changements de la vie qui en découlent, tout en trouvant toujours les mots justes.
L'auteur ne manque pas de talent pour nous émouvoir et nous faire réfléchir sur la manière dont les personnes d'un certain âge peuvent percevoir la vie d'aujourd'hui, et le décalage inévitable qu'elles peuvent ressentir avec leur propre jeunesse.
Ce qui m'a gêné dans ce roman, c'est que les personnages sont tous assez caricaturaux, mais les répartis (en particulier celles de Marceline) ne manquent pas d'humour. J'ai trouvé aussi que les actions de ces octogénaires sont parfois trop exagérées, mais elles m'ont tout de même fait sourire. En plus, les frasques de ces octogéniaux, n'ont pas manqué de me rappeler la lecture de la BD "Les vieux fourneaux".
Ce roman aborde des sujets que j'apprécie de retrouver dans ce genre de lecture feel-good : la solidarité, les relations intergénérationnelles, la famille, les réflexions sur la vie...Sans être indispensable, il constitue donc une bonne lecture de détente, parfaite et agréable en vacances, car sans prise de tête, le genre de lecture dont on a tous besoin de temps en temps.
Devenir vieux est un privilège. Par-dessus tout j'ai compris que la vie ne serait pas aussi précieuse si elle était éternelle. Sans ce sablier dans un coin de nos têtes, sans doute ne chercherions-nous pas à profiter de chaque instant, à nous fabriquer de bons moments, à apprécier ce que nous offre l'existence.