Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Mussolini marche lui aussi de long en large. Il se retourne.
- Et la liberté ? J'avais promis que le fascisme apporterait la liberté !
Margherita éclate de rire.
- La liberté, les Italiens s'en fichent du moment qu'ils ont un chef et qu'il leur donne de la fierté.
- Et les pauvres ?
- Les pauvres, ils veulent bouffer. C'est tout ce qu'ils attendent de toi. Aux riches, l'orgueil d'être italiens, aux pauvres, de quoi remplir l'assiette. La liberté c'est pour les philosophes, pour Benedetto Croce. La liberté, ce n'est qu'une idée!
Voilà un roman de 700 pages qui nous emmène en Italie des premières heures du fascisme à la fin de la Seconde Guerre Mondiale...
Le roman débute en mai 1915 juste avant la déclaration de guerre avec l'Autriche. Lorenzo Mori, brillant officier de l'armée italienne, et fils d'une grande famille, vient de rentrer à Vérone pour voir ses parents et revoir Julia, sa promise. Mais une surprise l'attend à son retour, elle se marie avec un autre, choisi par sa famille, alors qu'ils s'étaient jurés fidélité l'un à l'autre...
Au même moment en Sicile, près de Palerme, dans un tout petit village pauvre et isolé, Nino Calderone voit la ferme paternelle partir en fumée, juste un an après l'assassinat de son père. Il sait qui est l'auteur de ce crime et ce nouvel affront nécessite une vengeance d'honneur, l'obligeant à s'engager immédiatement après pour partir bien loin de celle qu'il aime en secret, Carmela...
Tous deux vont se retrouver compagnons d'armes, enrôlés dans les "alpini", ces célèbres troupes de l'armée italienne, spécialisées dans les combats en montagne et parfaitement formées pour se battre dans des conditions extrêmes. Ils doivent libérer les "terre irredenti", retenues par les Austro-Hongrois.
Une guerre, écrit-il [Nino] que je n'aurais jamais imaginée, avec des canons plus longs que des trains, des obus que l'on transporte sur des chariots car ils sont trop lourds pour qu'un homme puisse les porter dans les bras"...
Mais après la guerre, tout va opposer les deux hommes...
Lorenzo devient proche du Duce et adhère à l'idéologie fasciste. Et comme tout le beau monde de Vérone est devenu fasciste, sa famille le soutient dans sa démarche. Depuis que Julia, qu'il a épousée en cachette lors d'une de ses permissions, a été tuée lors d'une manifestation, Lorenzo n'a plus goût à rien. Il découvre pourtant les joies de la paternité en rentrant de la guerre : une petite Laura est née quelques jours à peine avant la mort de Julia...
Pendant ce temps Nino est dans un hôpital militaire : il a été grièvement blessé et a perdu la mémoire. Suite à une erreur, il a été déclaré mort... Mais des mois après, il s'en sort, défiguré mais bien vivant, et il retourne en Sicile. Il arrive dans son village, le soir même où Carmela, le croyant mort, se marie avec un écrivain plus âgé qu'elle.
Dépité, Nino va intégrer la mafia locale, la Cosa Nostra.
Ce qu'il ne sait pas...c'est qu'il a un fils, Salvatore, né pendant la guerre.
Le destin va obliger plusieurs fois les deux amis à se croiser et ils sauront alors se montrer, en tant qu'anciens alpini, respectueux l'un envers l'autre. Lorenzo en particulier, nommé préfet de Sicile par Mussolini, n'oubliera jamais qu'il doit la vie à Nino...qu'il croyait mort lui-aussi.
Ce que j'ai aimé...
C'est un roman agréable à lire et tout à fait captivant. L'écriture est plaisante et le récit fluide. On ne s'ennuie pas car il alterne récits de combats, correspondances, réflexions personnelles des personnages ou de leurs proches, compte-rendus de réunions réelles ou imaginées entre les différents protagonistes.
Tous les faits historiques sont réels et les personnages fictifs se mêlent à la grande Histoire en toute harmonie.
Le livre est bien structuré et découpé en périodes clairement définies ce qui donne des repères au lecteur : 1915, 1924, 1940...Chaque période est elle-même divisée en courts chapitres numérotés.
Enfin, le récit est étayé de poèmes, de mots ou d'expressions en italien ce qui le rend encore plus vivant.
Les personnages ne sont pas figés et évoluent au cours du temps en particulier dans leur conviction personnelle ce qui donne un roman empli d'humanité.
En suivant les personnages fictifs ou réels, on découvre aussi la vie en Italie à cette époque, les différences entre le faste des villes et la pauvreté des campagnes isolées.
Les femmes sont mises à l'honneur dans le roman que ce soit Carmela qui saura rebondir à chaque instant pour rester fidèle à elle-même ou Laura et avant elle Julia, qui sauront s'opposer aux idées de leur milieu, à leurs risques et périls et toutes les autres, dont on peut au passage admirer le courage et la détermination durant ces années où rien n'était acquis pour elles, en particulier dans les campagnes.
Malgré le côté romancé, j'ai appris des choses que je ne savais pas dans ce roman historique.
D'abord en ce qui concerne les faits de guerre, tout ce qui est décrit dans ce roman est réaliste : les lieux et les batailles sont décrites au plus près de la réalité. Les personnages qui entourent Mussolini ont pour la plupart réellement existé.
Ensuite, moi qui ne connaissais que bien peu de choses sur Mussolini, à part bien sûr que c'était un dictateur, fasciste et allié à Hitler pendant la seconde guerre mondiale et qu'il avait donc participé activement à déporter des milliers de personnes dans des camps, j'ai découvert une autre facette de l'homme, certes édulcorée dans le roman, mais néanmoins suffisamment intéressante pour me donner envie de relire sa biographie en détails.
Ici on découvre Mussolini dans sa vie de soldat, puis dans sa vie politique mouvementée, son désir de pouvoir, la naissance du partie fasciste qui trouve ses adeptes dans les anciens soldats méprisés et insultés par la population, le pourquoi de son alliance avec Hitler tardivement durant la dernière guerre.
Mais on découvre aussi son entourage et l'influence qu'il a eu sur lui, que ce soit les femmes ou les hommes du parti.
Ce que j'ai moins aimé...
En dehors de certains personnages, bien évidemment !
J'ai trouvé certains passages du roman un peu moins agréable à lire, avec des descriptions des combats moins passionnantes à mes yeux car un peu trop longs et détaillés.
De plus il y a beaucoup de personnages et il est parfois difficile de s'y retrouver.
Ils rient. Ils ont les désirs de leur vingt ans et, au village, il n'est pas question de papillonner auprès des filles, sauf à afficher une volonté de mariage. Pères et frères veillent au grain et ont le couteau facile.
Elle danse Laura...au mois de juillet 1936, la France est en fête. Le "Front popu" a gagné les élections...
ce qui se passe ici est intéressant. La gauche au pouvoir, on va voir ce que ça va donner, la vraie gauche. Pas celle des salons et des cafés philosophiques de Montparnasse, la bonne gauche aux mains calleuses et à la voix chaude, la gauche des petits matins avec la cafetière qui passe de main en main, celle des tapes sur l'épaule...la gauche des camarades. Dans ce monde, elle se sent bien Laura.
En conclusion, je suis bien certaine que ceux qui aiment les récits historiques vont se régaler en lisant ce gros pavé. J'ai passé moi-même un excellent moment de lecture...
Je ne regrette pas d'avoir croisé cet auteur grâce à Babelio et une masse critique exceptionnelle, et à Albin Michel, l'éditeur, que je remercie ici.
De plus, j'ai lu ce roman en avant-première car il ne sort en librairie que le 2 octobre prochain...