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En juillet dernier, nous sommes allés écouter une conférence de René Dupuy, un historien et écrivain de la région dont je vous ai déjà, parlé sur ce blog, intitulée "Histoire des aménagements hydroélectriques de Monistrol-d'Allier". Le lendemain étaient organisées des visites de l'usine hydroélectrique du bourg, devant laquelle nous passons très souvent lors de nos balades.
Une bonne occasion d'en savoir plus sur son fonctionnement, car nous n'avions jamais eu l'occasion de la découvrir de l'intérieur !
Un peu d'histoire...
Les campagnes françaises n'ont été reliées au réseau d'électricité qu'entre les années 1930 et 1950.
Rares ont été les communes qui ont eu la chance de posséder le courant électrique avant la Première guerre mondiale. C'est pourtant le cas des habitants du bourg de Monistrol-d'Allier : ils ont été reliés au réseau dès 1909 !
En effet, un habitant de la commune, propriétaire d'un moulin sur une petite rivière qui se jette dans l'Allier au niveau du bourg, l'Ance du sud, imagine affecter une partie de la force motrice utilisée pour faire fonctionner son moulin, à la production d'énergie électrique. Il signe une concession avec la commune dès 1909. C'est elle qui va se charger d'amener le courant aux habitants...pourtant ce n'était pas facile de transporter du courant électrique à l'époque !
La "Société électrique de Monistrol" est née. Louis Chauchat assurera sa distribution jusqu'en 1946, date à laquelle sera signée la loi de nationalisation des entreprises de production, de transport et de distribution de l'électricité : EDF devient alors le concessionnaire de cet aménagement.
La force motrice de l'eau de l'Ance du Sud est toujours utilisée aujourd'hui, mais aussi celle de l'Allier.
Un premier barrage est construit dès 1918 mais n'alimentera l'usine qu'en 1926, car il est très difficile de trouver de la main d'oeuvre pour y travailler à la fin de la Grande Guerre. Il faudra même stopper un temps les travaux : c'est le barrage de Pouzas, situé sur l'Ance du Sud.
Un second barrage sera construit en amont du premier, toujours sur l'Ance du Sud, en 1939 : c'est le barrage de la Valette situé près du village de Saint-Préjet-d'Allier.
Enfin, en 1941, un troisième barrage est mis en service : c'est le barrage de Poutès sur l'Allier. Il alimente l'usine grâce à une conduite en béton qui traverse la montagne.
Il est en cours de démantèlement aujourd'hui et sera reconstruit pour des raisons écologiques, afin de faciliter la remontée des saumons qui sont une des richesses naturelles de l'Allier. Je vous donne quelques détails supplémentaires à ce sujet en fin d'article.
Schéma extrait du site : https://www.rivernet.org/general/dams/decommissioning_fr_poutes/poutes_f.htm
Prêts pour la visite ?
Alors... on commence par mettre les casques !
[Evidemment, sur simple demande, je supprimerai cette photo si vous vous reconnaissez, et si vous ne désirez pas apparaître sur mon blog...]
L'usine hydroélectrique de Monistrol est alimentée par deux chutes hydrauliques provenant des trois barrages cités plus hauts.
Côté "Ance du Sud", l'eau est transportée du barrage de Pouzas jusqu'à l'usine au moyen d'un canal d'amenée presque toujours à ciel ouvert. Il y a peu de galeries souterraines et seulement sur de courtes distances.
Le canal chemine entre la rive gauche au départ, et la rive droite, et traverse la rivière (et la route) grâce à un pont siphon d'une portée de 58 mètres. Le canal débouche ensuite sur un bassin qui alimente une conduite forcée amenant l'eau à deux des groupes de production de l'usine.
Côté "Allier", l'eau circule jusqu'à l'usine en provenance du barrage de Poutès en traversant la montagne grâce à une galerie d'amenée de 3.50 mètres de diamètre. Elle débouche ensuite dans une cheminée d'équilibre puis dans une conduite forcée qui alimente trois des groupes de production de l'usine.
Les deux conduites forcées de l'usine, dont une était en cours de nettoyage, sont des tuyaux de grands diamètres qui grâce à leur forte pente, permettent à l'eau d'arriver avec une forte pression au niveau des groupes de production.
La cheminée d'équilibre (ou chambre d'équilibre) dont je ne vous expliquerai pas le fonctionnement exact tant c'est complexe, a un rôle très important. Elle évite ce que l'on appelle les "coups de béliers". En effet, la cheminée est ouverte en haut, ce qui permet en cas de variation de débit, lié par exemple à l'ouverture ou la fermeture d'une vanne au niveau du barrage, d'éviter la détérioration des installations dûes aux variations brusques de pression.
On l'aperçoit très bien sur les photos de l'autre côté du viaduc routier qui surplombe l'usine...
Les groupes de production représentent une puissance totale de 32 MW par an, soit la consommation de 36000 habitants, ce qui est peu si on considère la production nationale mais important pour la région.
Ce sont des groupes à turbines Francis, fabriquées par "Als-thom", une entreprise encore "française" à l'époque, dont l'importance stratégique et la réputation mondiale n'est plus à faire.
L'eau qui arrive jusqu'aux groupes de production, est régulée de l'intérieur de l'usine par un système de vannes.
Voici à quoi ressemblent les groupes de production pour ceux qui comme moi n'en avaient jamais vu ! Ceux à turbine verticale sont pour l'Allier et horizontale pour l'Ance du Sud...
La maintenance est très stricte. Nous avons eu la chance de visiter l'usine alors qu'une des pièces maîtresses d'une des turbines venait d'être changée.
Si cela vous intéresse, vous trouverez plus de détails sur leur fonctionnement sur la vidéo ci-dessous.
Après avoir fourni l'énergie nécessaire à la production d'électricité, l'eau est propre et peut retourner aussitôt dans l'Allier...
A noter :
L’énergie fournit par les usines hydroélectriques sont des énergies propres qui ne génèrent aucune pollution, aucun gaz à effet de serre, donc n'ont aucun impact sur le climat.
La production de l'usine de Monistrol permet d'éviter environ 71 200 tonnes de CO2, soit les émissions annuelles de 33400 voitures, en comparaison avec une centrale au fioul.
Les impacts sur la nature et en particulier le maintien d'une biodiversité dans les rivières sont pris au sérieux. L'Allier est une des seules rivières à abriter la dernière souche de saumons sauvages d'Europe. Le saumon vous le savez doit remonter à la source pour pouvoir se reproduire et pendant longtemps les barrages n'ont pas permis aux poissons migrateurs de le faire. Aujourd'hui (et depuis 1986) des ascenseurs à saumons permettent à cette espèce en voie de disparition de repeupler la rivière. Cependant cela ne suffisait pas à préserver l'espèce car il y avait encore trop de pertes.
Des travaux sur le barrage de Poutès ont donc été prévus et sont ENFIN en cours, après de nombreuses péripéties et la refonte totale du premier projet : un compromis a été trouvé entre EDF et les écologistes.
Le nouveau Poutès, sans aucun équivalent dans le monde, va devenir une référence importante en matière de d'hydroélectricité durable. En effet, le seuil de la retenue sera plus bas (10 mètres en dessous du niveau actuel), permettant aux saumons de mieux remonter dans les ascenseurs ce qui facilitera leur reproduction : actuellement seulement 10% arrivent à revenir vivants pour frayer dans leur lieu de naissance.
Pour ceux qui veulent en savoir, plus vous pouvez consulter le site qui est dédié au barrage, ICI, mais aussi le résumé des luttes entreprises par les différents organismes locaux de protection de la nature, sur Rivernet ICI.
Cet été, suite aux travaux, l'eau de l'Allier avait pris une teinte marron peu appétissante en début d'été, sur plusieurs dizaines de kilomètres en aval. La vidange complète de l'ouvrage de Monistrol-d'Allier début juin a en effet entraîné des tonnes de sédiments accumulés depuis plus de 30 ans lors de la dernière opération de ce genre en 1986. [source "le progrès"]
Enfin, à proximité de Monistrol dans le hameau de Pratclaux se trouve un poste électrique chargé du transport de l'électricité dans la région. Mis en service en 1950, il a été modifié et rénové il y a une dizaine d'années, pour mieux s'intégrer dans son environnement et diminuer son impact écologique. Il est également évolutif pour mieux s'adapter aux énergies renouvelables disponibles dans la région comme l'éolien dont je vous avais déjà parlé ICI.
Un grand Merci aux personnels de l'EDF pour cette visite et pour leur patience pour répondre à nos nombreuses questions !
Les sites cités ont été mes sources pour écrire cet article, ainsi que la brochure qui nous a été distribuée lors de la visite.
La visite de l'usine est terminée. Désolée d'avoir été encore plus longue que d'habitude, mais je ne voulais pas faire deux articles sur le sujet.
La semaine prochaine, nous allons continuer notre découverte de cette petite commune en montant un peu sur le plateau qui le domine, enfin, comme d'habitude...si vous le voulez bien !