Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Pendant le rude hiver de 1860, l’Oise gela, de grandes neiges couvrirent les plaines de la basse Picardie ; et il en vint surtout une bourrasque du nord-est, qui ensevelit presque Beaumont, le jour de la Noël. La neige, s’étant mise à tomber dès le matin, redoubla vers le soir, s’amassa durant toute la nuit. Dans la ville haute, rue des Orfèvres, au bout de laquelle se trouve comme enclavée la façade nord du transept de la cathédrale, elle s’engouffrait, poussée par le vent, et allait battre la porte Sainte-Agnès, l’antique porte romane, presque déjà gothique, très ornée de sculptures sous la nudité du pignon. Le lendemain, à l’aube, il y en eut là près de trois pieds.
Il aura fallu que dans le cadre du Cercle de Lecture de mon petit village, nous décidions de lire un auteur classique, pour que je me replonge après des années, dans une oeuvre d'Emile Zola.
La dernière fois que j'ai lu cet auteur, c'était à l'occasion de la sortie du film "Germinal". Nous avions décidé d'y emmener tous les élèves de 3ème du collège et bien sûr nous avions tous lu ou relu le roman avant d'aller voir le film !
Emile Zola n'est pas un auteur facile à aborder...alors pourquoi ai-je choisi "le rêve" qui est justement un de ses romans parmi les moins connus ! Et bien c'est justement pour cela...
Puisque le groupe avait choisi cet auteur, autant lire une oeuvre que je ne connaissais pas, n'est-ce pas ?
Il y a toujours dans les œuvres de Zola, de longues descriptions dans lesquelles le jeune lecteur ne peut que se perdre. Mais pour les adultes avertis que nous sommes, cela peut être source de plaisir simplement littéraire, voire de véritables apprentissages lorsqu'il s'agit comme ici, des descriptions du savoir-faire ancestral de brodeur ou de verrier. On imagine plus du tout aujourd'hui, comment étaient les ateliers de l'époque, ni les outils utilisés, ni les fils tissés et je suis sûre que les cinéastes se servent de ces auteurs classiques car pareilles descriptions, aussi précises qu'imagées, remplacent évidemment les images dont nous sommes si friands aujourd'hui !
Ce roman publié pour la première fois en 1888, est d'abord paru en feuilleton tous les 15 jours, dans "La Revue illustrée" entre le 1er avril et le 15 octobre 1888.
C'est le 16ème épisode de la série des Rougon-Macquart dont le sous-titre est je vous rappelle "Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire". Une oeuvre ambitieuse...que je vous rassure, je ne compte pas relire en entier.
Depuis qu’elle occupait la chambre, Angélique avait passé là bien des heures, accoudée à la rampe, regardant. D’abord, sous elle, s’enfonçait le jardin, que de grands buis assombrissaient de leur éternelle verdure ; dans un angle, contre l’église, un bouquet de maigres lilas entourait un vieux banc de granit ; tandis que, dans l’autre angle, à moitié cachée par un lierre dont le manteau couvrait tout le mur du fond, se trouvait une petite porte débouchant sur le Clos-Marie, vaste terrain laissé inculte. Ce Clos-Marie était l’ancien verger des moines. Un ruisseau d’eau vive le traversait...
Angélique est retrouvée quasiment morte de froid, sur le parvis de la cathédrale de Beaumont-sur-Oise, par un couple habitant la maison voisine, accolée à la bâtisse. En cette nuit de noël 1860, elle vient de quitter la famille chez qui elle était placée, parce que celle-ci la maltraitait. Les Rabier sont en effet des tanneurs que tout le monde connaît dans la ville pour leur violence.
Née de père inconnu, c'est la fille de Sidonie Rougon (un personnage qui apparaît dans "la Curée"). Dès sa naissance, elle a été placée par la sage-femme à l'Assistance publique, et comme cela se faisait beaucoup à l'époque, elle a été ensuite, très jeune, placée dans différentes familles.
Hubert et Hubertine sont de modestes brodeurs, pieux et malheureux, car ils n'ont plus jamais pu avoir d'enfants après la mort de leur premier-né, et attribuent cela à une sorte de malédiction, jetée par la mère d'Hubertine, qui s'opposait à leur mariage.
Le couple n'hésite pas un instant devant cette rencontre providentielle et recueille Angélique. Elle est si belle avec ses cheveux blonds et ses yeux couleur de violette...
Grâce à eux une nouvelle vie commence pour la fillette. Elle ne manquera de rien, ni d'amour, ni de nourriture réelle ou spirituelle, mais sera élevée en recluse, ne sortant que pour aller à la messe.
Elle va apprendre à dompter ses colères (liées pour le couple, à ses origines familiales), et deviendra une brodeuse prodige.
Le couple, en effet, confectionne des habits sacerdotaux, riches en ornements divers et sont spécialisés dans la broderie de chasubles. Angélique est capable de broder des merveilles à partir de simples croquis.
En plus de ses occupations de brodeuse, la jeune Angélique va découvrir un livre qui la plonge dans une passion sans borne. C'est "la légende dorée" de Jacques de Voragine, un ouvrage qui va bouleverser sa vie. Elle va se passionner pour la vie des saints et des martyres.
Elle parsème désormais ses broderies de croix, bien sûr comme avant, et de roses, mais aussi de nombreux visages de saints et de saintes.
Elle rêve d'avoir un destin hors norme, elle aussi, et attend son prince, du-haut de son balcon.
Un soir, alors qu'elle vient d'avoir 16 ans, son rêve devient réalité, et Félicien, tout de blondeur et de douceur, apparaît dans le jardin. Il est venu réparer le vitrail qu'Angélique voit de sa fenêtre et qui représente Saint George en train de terrasser le fameux dragon.
Les deux jeunes gens tombent amoureux, mais bien sûr, à cette époque, on ne peut braver ainsi les différences sociales.
Félicien est le riche héritier de sa famille et le fils jusque-là caché de Monseigneur d'Hautecoeur, qui ne voulait pas le reconnaître, car il le jugeait responsable de la mort de sa première femme, décédée en mettant au monde Félicien. Suite à ce drame, il n'avait trouvé un peu de réconfort qu'en entrant dans les ordres.
D'ailleurs, Félicien n'est revenu près de son père que pour se marier avec une jeune fille de son rang.
Hubert et Hubertine ne peuvent pas non plus accepter ce mariage contre la volonté de Monseigneur, persuadés eux-mêmes que leur passion de jeunesse est responsable de leur malheur.
Mais Angélique se consume d'amour au point de se laisser mourir...
Félicien, à qui on a menti pour l'éloigner d'elle, va découvrir la supercherie et chercher à la revoir. Lui aussi dépérit pensant qu'elle ne l'aime plus.
Même le cœur de Monseigneur a été attendrie par la supplique de la jeune fille et c'est, criblé de remords, qu'il va se rendre à son chevet pour lui donner l'extrême onction...
Angélique croyait fermement aux miracles. Dans son ignorance, elle vivait entourée de prodiges, le lever des astres et l’éclosion des simples violettes. Cela lui semblait fou, de s’imaginer le monde comme une mécanique, régie par des lois fixes.
— Mère, mère, qu’est-ce que vous dîtes ?… Est-ce donc une faute, d’aimer ce qui est beau et riche ? Je l’aime, parce que c’est beau, parce que c’est riche, et que ça me tient chaud, il me semble, là, dans le cœur… Vous savez bien que je ne suis pas intéressée. L’argent, ah ! vous verriez ce que j’en ferais, de l’argent, si j’en avais beaucoup. Il en pleuvrait sur la ville, il en coulerait chez les misérables. Une vraie bénédiction, plus de misère !
Angélique était devenue une brodeuse rare, d’une adresse et d’un goût dont s’émerveillaient les Hubert. En dehors de ce qu’ils lui avaient appris, elle apportait sa passion, qui donnait de la vie aux fleurs, de la foi aux symboles. Sous ses mains, la soie et l’or s’animaient, une envolée mystique élançait les moindres ornements, elle s’y livrait toute, avec son imagination en continuel éveil, sa croyance au monde de l’invisible. Certaines de ses broderies avaient tellement remué le diocèse de Beaumont, qu’un prêtre, archéologue, et un autre, amateur de tableaux, étaient venus la voir, en s’extasiant devant ses Vierges, qu’ils comparaient aux naïves figures des Primitifs.
Je ne vais pas vous faire une analyse critique littéraire de ce roman car les enseignants de français savent bien mieux le faire que moi...
"Le rêve" est un roman à part dans la série des Rougon-Macquart. Ce n'est pas du tout le Zola que l'on connaît.
L'auteur nous dépeint la foi populaire qui traverse cette jeune fille, poursuivie par l'hérédité de sa famille qu'elle ne connaît pas.
Il veut montrer que l'éducation prime sur l'inné, et qu'un être, peut-être mauvais à l'origine, une fois transplanté dans un autre milieu, en sortira transformé.
Ainsi Angélique, commet-elle des péchés, d'orgueil, de passion, de colère, malgré sa vie pieuse, mais elle ne cède jamais à son amour et reste parfaitement chaste, même si parfois la culpabilité de cet amour l'assaille.
J'ai trouvé qu'au-delà des descriptions minutieuses autour de l'art et la manière de devenir une brodeuse virtuose, les passages intéressants étaient finalement ceux de la vie quotidienne : les grandes lessives à la rivière, le linge qui s'envole alors qu'il a été mis à sécher...ainsi que les détails de la rencontre entre les deux jeunes gens...décrits de façon plutôt romantiques.
Mais j'ai trouvé plutôt ennuyeuses, les descriptions de la vie des saints, ainsi que tous les moments qui nous parlent de religion et de foi, en bref toutes les bondieuseries, finalement.
Alors, une heure charmante s’écoula. Elle se penchait, elle rinçait son linge, le visage touchant presque l’eau fraîche ; mais, à chaque nouvelle pièce, elle levait la tête, jetait un coup d’œil, où, dans l’émoi de son cœur, perçait une pointe de malice. Et, lui, sur l’échafaud, l’air très occupé à constater l’état du vitrail, la regardait de biais, gêné dès qu’elle le surprenait ainsi, tourné vers elle.
Il me reste de cette lecture la découverte d'un Zola plutôt romantique, mais vous vous en doutez, comme cela n'est pas de lui de l'être, la fin forcément se termine mal...
En bref, lire un roman d'un auteur classique ne fait pas de mal de temps en temps !
Si vous voulez découvrir ce roman mais que vous ne le possédez pas dans votre bibliothèque personnelle, vous pouvez l'écouter en ligne...
Le Rêve est un roman d'Émile Zola publié en 1888, le seizième de la série des Rougon-Macquart. Il met en scène une jeune fille picarde, Angélique Rougon, recueillie dès son plus jeune âge ...
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La Fortune des Rougon * La Curée * Le Ventre de Paris * La Conquête de Plassans * La Faute de l'abbé Mouret * Son Excellence Eugène Rougon * L'Assommoir * Une page d'amour * Nana * Pot-Bouille ...