Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Et je n'étais pas seulement derrière la porte, ce jour de neige où tu es né, j'étais à tes côtés, au plus près de toi, aussi près que je pouvais l'être du grand mystère de la création, si bien que j'ai entendu le monde se déchirer dans ce dernier cri de ra mère qui a précédé le tien. Tu vivais, et une immense joie m'a submergé. Comme tout cela était puissant ! Contre le bois de cette porte, j'en ai pleuré de t'imaginer naître.
Je viens de me pencher pendant les vacances de Toussaint, après beaucoup d'hésitations, sur le dernier roman de Carole Martinez, paru l'année dernière.
J'avais lu avec beaucoup de plaisir "le coeur cousu" son premier roman paru en 2007 lors de sa sortie, il y a bien longtemps maintenant, alors que je n'avais pas encore ce blog. Il faudra d'ailleurs que je le relise à l'occasion. J'avais découvert alors presque par hasard, un auteur à l'écriture très poétique dont personne ne parlait et un roman magnifique qui a d'ailleurs obtenu plusieurs prix et a propulsé l'auteur sur le devant de la scène littéraire. Ce roman m'avait transporté.
J'ai toujours pensé que c'est dans un premier roman que l'auteur met le plus de lui-même et qu'ensuite c'est différent.
Je pense toujours que ses dons de conteuse sont incontestables et que son univers est à découvrir absolument, mais j'ai tout de même eu du mal à entrer dans son second roman, "Du domaine des murmures" pourtant récompensé par le Goncourt des Lycéens. Je me suis toujours demandée pourquoi j'étais si partagée sur ce livre, pourquoi je n'avais pas adhéré à l'histoire : parce que trop mystique ? parce que trop violente ?
Peut-être, mais j'avais été tout de même touchée par de nombreux passages, par la poésie de l'écriture et par les thèmes du livre, comme la condition féminine au Moyen Âge par exemple ou l'enfermement.
Alors bien sûr vous me connaissez maintenant, j'ai voulu me faire ma propre opinion en lisant son dernier roman...qui se passe aussi au "Domaine des murmures" d'ailleurs, mais deux siècles plus tard.
Nous sommes en 1361. Blanche alors âgée de 11 ans doit quitter la maison familiale pour une destination inconnue. On lui a mis ses plus beaux atours pour l'occasion. Tous les domestiques pleurent son départ.
Elle a peur, elle a froid, le voyage est long et éprouvant. Après plusieurs jours de chevauchée, la petite fille, son père et ses hommes arrivent enfin à destination au Domaine des Murmures, un château situé au bord d'une rivière effrayante, la Loue.
L'accueil est chaleureux mais Blanche comprend très vite qu'elle est promise à Aymon, le fils du seigneur des lieux, un être à peine plus âgé qu'elle, et plutôt attardé...
Heureusement, elle est très entourée et plus heureuse que parmi les siens et elle va pouvoir réaliser son rêve : apprendre à lire et à écrire ce que son père lui a toujours refusé et se libérer de son emprise.
Elle va trouver dans le jeune Aymon un ami, prompt comme elle, à rêver...mais la vie au Moyen Âge est pleine de dangers...
Le jour vient quand la nuit va.
Un gouffre s'ouvre à mes pieds au fond duquel murmure l'eau verte d'une rivière.
Une bande d'oiseaux prend son envol dans une explosion d'ailes et de soleil.
Cette faille dans le paysage me bouscule, mon sang chahute dans mes oreilles et je suis prête à tomber pour la troisième fois, à disparaître dans l'abîme et, même, à m'y précipiter, à chuter sans avoir bien péché, pourvu que l'abîme reste toujours autant lumineux.
Nous avons remonté le cours du temps et nous voilà presque arrivés à la source.
Un peu en amont, j'aperçois un château, bâti sur la roche au plus près du vide et dont la grande tour semble toucher le ciel...
J'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteur, son style empli de poésie où l'imaginaire et le fantastique prennent une large place. Le lecteur ne peut qu'être ensorcellé par certains passages. La rivière (la Loue) est même un personnage à part entière dont personne ne peut ignorer la présence silencieuse mais non moins terrifiante puisqu'elle ensevelit quiconque se mire dans ses eaux tumultueuses.
La construction du roman est intéressante puisque les deux voix, celle de la petite fille et celle de la vieille âme se répondent, et alternent dans le roman, avec l'inconvénient évident de beaucoup de répétitions puisque le plus souvent, elles relatent les mêmes faits différemment. D'ailleurs, il faut noter que cela n'apporte pas grand chose de plus au roman.
La vieille âme et la petite fille partagent le même tombeau et c'est avec l'aide de la vieille âme que Blanche découvrira le secret qui entoure ses origines et l'amour qui a uni ses parents.
La vieille âme est en fait celle de la petite fille qui a continué à vieillir sans elle au-delà de la mort. Car le lecteur sait dès la lecture de la quatrième de couverture que Blanche est morte prématurément.
Le roman est étayé de nombreux rondeaux ou de lais. Si vous aimez la poésie vous trouverez un certain plaisir à cette lecture.
Mais malgré les nombreux passages que j'ai aimé, ce roman, assez fouillis, m'a laissé encore une fois au bord de la route encore davantage que "Du Domaine des murmures". Le lecteur se perd entre le rêve et la réalité, le passé et le présent et par moment ne sait plus où il en est.
De plus le roman est très lent à se mettre en place, et de multiples détails m'ont lassé. Je l'ai lu lentement sans l'enthousiasme que j'éprouve habituellement pour mes lectures...
J'ai été dérangée aussi par la présence permanente de la mort, même si je sais bien qu'à cette époque, elle était bien présente surtout dans ces années qui ont suivi l'épidémie de peste noire.
La violence et la cruauté des propos, le sexe présent à chaque page, un thème récurrent chez Carole Martinez sont aussi lassants. Quand il s'agit du père qui exerce son droit de cuissage sur la petite bonne, devant les enfants, passe encore...l'époque s'y prêtait mais lorsqu'il s'agit encore et encore de viols à répétition des petites filles, cela finit par me déranger vraiment, et réussit à me faire oublier les instants poétiques.
Bref vous aurez compris, que j'ai encore une fois un avis très partagé sur cet auteur et ce roman...
Il faut dire que Carole Martinez a un style à part. Je crois que soit on adore et on y adhère totalement soit, on a comme moi un avis mitigé car honnêtement je ne crois pas que ce soit possible de ne pas l'aimer, au moins un peu pour les passages empreints de poésie. Ses romans sont proches des contes et emplis de légendes et d'histoires d'époque...
Alors encore une fois, je vous laisse vous faire votre propre opinion sur ce roman et je serais heureuse de connaître votre avis si vous l'avez lu...
Qui es-tu, la Loue ? Une divinité déchue, remplacée par le Fils du Dieu unique ? Une fée qui protège la terre qui penche, son seigneur et ses paysans ? Un monstre écumant de boue affamé, qui se nourrit des hommes vaniteux qui admirent leur reflet dans tes eaux troubles ?
Quels secrets caches-tu dans ton cœur froid et humide, derrière tes longs cheveux verts qui s’agitent dans tes flots ? Pourquoi as-tu soudain figé tes eaux laiteuses, un jour de mai, toi qu’on appelle aussi la Furieuse ?